Sur l'assassinat de l'ancien député
russe
D. Voronenkov à Kiev
Karine Bechet-Golovko
Samedi 25 mars 2017
Un ancien député russe a été assassiné
hier à Kiev et évidemment, la presse
française reprenant très "objectivement"
les positions ukrainiennes, accuse
immédiatement la Russie, voulant faire
de Voronenkov un farouche opposant au
régime. Amusant pour quelqu'un qui en a
profité jusqu'au bout et voulait
revenir. Revenons sur une affaire moins
simple que l'on ne veut nous le faire
croire.
Pour ceux qui veulent se satisfaire de
la version primaire anti-russe, il est
suffisant de lire l'article du journal
Le Monde: un ancien député russe
critiquant fortement le "régime de
Poutine" s'est réfugié en Ukraine et a
été tué par les services spéciaux russes
alors qu'il était protégé par les
services spéciaux ukrainiens et devait
déposer dans le procès contre l'ancien
Président ukrainien. Tout est clair,
passez votre chemin, même la complexité
d'une personnalité très favorable au
pouvoir ne dérange pas plus que cela, à
quoi bon se poser des questions. Une
illustration du niveau de sa
rebellion contre le système, photo
en compagnie de Narychkine, alors
président de la Douma:
Denis
Voronenkov, né en 1971, a terminé
l'école des cadets puis l'université
militaire du ministère de la défense en
1995 et soutient sa thèse de doctorat en
droit. En 2000, il quitte sa carrière
militaire pour entrer dans l'appareil de
la Douma. De 2001 à 2006 il est
vice-maire d'une ville moyenne et
poursuit sa carrière dans cette région
de Netets. En 2006, il commence une
carrière universitaire, non sans
soutient, car sans aucune expérience il
obtient très rapidement la direction de
la Chaire de théorie et d'histoire du
droit à l'Institut juridique de St
Pétersbourg. Ce qui lui sert de tremplin
pour entrer par la grande porte en
politique et de 2011 à 2016 sera député
à la Douma fédérale pour le parti
communiste.
Il votera pour le
rattachement de la Crimée et proclamera
partout l'amélioration de la situation
sur place depuis que la Crimée est
russe, comme par exemple sur ce tweet:
Mais ses activités
extrapolitiques attirent l'attention des
services
d'enquête. En décembre 2014, le
Comité d'enquête demande à la Douma de
lever son immunité parlementaire suite à
l'enquête pour prise illégale de
possession d'un immeuble dans le centre
de Moscou, ce qui est refusé. En avril
2015, la Procuratura demande à ce que
son immunité soit levée pour qu'il
puisse comparaître comme accusé, mais le
président de la Douma affirme alors
n'avoir pas reçu les documents de la
Procuratura et la demande est refusée
encore une fois.
Evidemment,
lorsqu'aux dernières élections
législatives D. Voronenkov ne se fait
pas élire, il part en Ukraine et demande
la nationalité ukrainienne, qu'il
obtient. C'est alors que le "régime de
Poutine" commence à lui déplaire
fortement. Pour autant, le fait de
donner la nationalité ukrainienne à un
russe + communiste + reconnaissant la
Crimée russe passe assez mal dans les
milieux radicaux ukrainiens, qui
comprennent très bien pourquoi il est
arrivé en Ukraine justement lorsqu'il ne
bénéficiait plus de l'immunité
parlementaire et non plus tôt.
L'assassinat s'est déroulé de
manière assez étrange, beaucoup disent
non professionnelle et fait penser aux
règlements de compte des années 90.
L'Ukraine a
évidemment immédiatement accusé la
Russie d'avoir organisé le meurtre.
Cette version ne convient, à part à la
presse française, qu'au pouvoir
ukrainien. Car même les analystes
ukrainiens ont du mal à défendre
cette version, s'appuyant sur plusieurs
faits étranges: le tireur avait son
passeport sur lui, il avait une arme
reconnue pour être utilisée dans les
milieux criminels, il aurait perdu son
sac etc. Les professionnels auraient pu
travailler beaucoup plus discrètement.
Les deux versions plutôt retenues sont
celles d'un règlement de compte criminel
ou d'une réaction des milieux radicaux.
Une autre version
également avancée s'appuie sur la
conversation téléphonique qu'il aurait
eu avec un ancien partenaire et dans
laquelle il aurait exprimé sa volonté de
rentrer en Russie.
Plusieurs éléments,
font aussi réagir et certains, en
Russie, accusent parallèlement les
services spéciaux ukrainiens. La
personne considérée comme le tueur avait
été blessée, mais rien ne mettait sa vie
en danger selon la police. Or, à peine
entre les mains des médecins, il meurt à
l'hôpital. Ce fait est particulièrement
étrange. Autant que la facilité avec
laquelle son garde du corps, "blessé"
par un balle au ventre, sans gilet par
balle, se relève et marche à peine
appuyé sur la police, qui, bizarrement,
lève un blessé, le bouge, sans attendre
l'arrivée des médecins.
Par ailleurs, si
réellement Voronenkov voulait rentrer en
Russie, ce qui est possible, l'Ukraine
ne peut pas se le permettre. Voronenkov
est un escroc et un arriviste. Il est
arrivé en Ukraine pour sauver ses
intérêts suite à une proposition du
Procureur général ukrainien, qu'il
connait personnellement. Son niveau de
"protection" est donc assez faible, dans
un pays où la lutte entre les groupes
est très violente, voire primaire. Il a
promis de déposer contre Yanukovitch,
c'est le prix de son passeport en plus
de déclarations fracassantes contre la
Russie, comme à la bonne vieille époque
bolchévique. Tout ce qu'il pouvait
savoir - et manifestement peu puisqu'il
ne connaissait pas Yanukovitch - il l'a
déjà vendu. S'il fallait le faire taire,
c'était avant, maintenant c'est trop
tard. Mais s'il veut rentrer, les
ukrainiens comprennent très bien qu'il
les vendra comme il a vendu la Russie et
ne peuvent se permettre cet échec en
terme d'image: comment fuire l'Ukraine
européano-démocratique?
Ensuite, le tueur
présumé a servi dans la
Garde nationale ukrainienne et était
de nationalité ukrainienne. Il avait sur
lui son attestation, il faisait partie
du bataillon Donbas. Pour sortir de
cette impasse, le conseiller du
ministère de l'intérieur Guérashenko
déclare qu'il a été retourné par la
Russie. P.
Parchov est pourtant plus proche
d'un petit criminel que d'un agent
double. Il avait son petit business
illégal et la police l'avait à l'oeil
pour ces activités depuis 2011. Un
deuxième homme est recherché.
Mais évidemment
tout cela n'empêche pas la presse
française d'y voir la "main du Kremlin"
qui évidemment tue partout ces opposants
tellement dangereux pour le système.
Anectode, pour le souligner, le journal
Le Monde cite ... un article d'un
journal russe. Etrange pour un pays
totalitaire, la presse critique
ouvertement le pouvoir et cette
journaliste russe et écrivain se porte à
merveille et en vit très bien par
ailleurs.
Que la presse
ukrainienne accuse la Russie pour un
assassinat d'un ancien député russe et
communiste à Kiev perpétré par un membre
d'un bataillon nationaliste, soit, mais
que la presse française, sans broncher,
le répète est désespérant.
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