Russie politics -
Billet de circonstance
Occident recherche espion russe
désespérément !
Karine Bechet-Golovko
Lundi 23 décembre 2019
Que serait-on sans les espions russes,
qui sont censés se balader à travers les
plaines, les montagnes et les
frontières, afin de semer le trouble
dans un système atlantiste déjà sans eux
en pleine déconfiture? Sans eux, c'est
simple, il faudrait prendre ses
responsabilités. Impensable. Et
impossible. Donc, l'Occident recherche
espion russe désespérément.
N'importe quel Russe fera l'affaire.
S'il est russe, c'est forcément qu'il
est lié au GRU, car il est bien connu
que la Russie est une dictature tenue
par le méchant Poutine. Un pays en
vert-de-gris, au garde-à-vous. Donc, ses
habitants marchent le dos courbé dans la
rue, regardent craintivement leurs pieds
et rêvent en silence à l'Intervention,
qui a déjà échoué par le passé. Mais les
conduira certainement sur le voie du
bonheur universel. Amen.
Donc, nous avons eu
droit à une remarquable "enquête"
journalistique (la propagande s'appelle
ainsi en Novlangue) selon laquelle nos
belles montagnes des Alpes ne sont pas
seulement envahies par des oligarques ou
des touristes russes, mais elles
seraient peuplées de petits hommes verts
déguisés en inspecteurs gadget cherchant
à déstabiliser notre beau système
idéologique. Oups, je voulais dire
social.
Le Monde dans toute sa grandeur
actuelle, faute d'être intellectuelle :
Ainsi, 15 officiers
du renseignement militaire russe se
baladent en Europe pour empoisonner les
ennemis de Poutine, notamment en ce qui
concerne Skipal en Grande-Bretagne.
Quelles preuves ? Aucune, que vous êtes
rabat joie! Puisque l'on vous dit qu'une
enquête journalistique (traduire
indépendante - de qui? pas trop de
questions à la fois!) a pu déterminer
que les services de contre-espionnage
français, suisse, britannique et
américain ont trouvé ces espions se
promenant en Europe.
Parce que les
journalistes du Monde sont tellement
doués, qu'ils ont pu obtenir ces
renseignements sans que ces services ne
soient au courant et qu'ils ont ainsi
mené une enquête indépendante. Ou
bien ces services atlantistes n'ont-ils
pas plutôt demandé à des journalistes
dociles de publier ce qui les arrangeait
? Certes, l'indépendance et l'éthique
journalistique en prennent un coup. Ne
vous inquiétez pas, ils ont l'habitude.
Les mêmes vous expliquaient que l'Irak
avait des armes chimiques, que le Maïdan
était pacifique, etc.
La
Russie évidemment dément et dénonce
une opération de propagande qui tombe à
pic avant le Format Normandie :
«Nous
considérons cet article comme de la
désinformation visant à entretenir le
mythe de la menace russe dans l'esprit
du grand public européen», a dénoncé
la diplomatie russe dans un communiqué.
«L'absence complète de preuves n'a
pas constitué d'obstacle pour cette
publication chargée de contenus
ouvertement russophobes et remplie de
fausses nouvelles propagandistes»
Mais l'affaire est
trop belle, elle ne s'épuise pas avec ce
Format Normandie. Tant d'efforts pour si
peu? Non. Le New York Times relance la
mayonnaise et surtout met ce coup de
comm en perspective dans sa diffusion du
matin :
Selon cet article ,
un vendeur d'armes en
Bulgarie aurait été empoisonné deux
fois et maintenant il est affirmé que ce
serait peut-être lié à la Russie, même
si rien n'a pu être prouvé par le
procureur à l'époque des faits.
Mais pourquoi s'embêter avec la justice,
ses formalités, sa procédure, les droits
de la défense, l'enquête impartiale,
lorsque les services de renseignements
sont certains :
The arms dealer
Emilian Gebrev in Sofia, Bulgaria, in
2017. He survived two poisoning attacks
in 2015 that were eventually linked
to a Russian hit squad.The assassination
attempts in 2015 were remarkable not
only for their brazenness and
persistence, but also because security
and intelligence officials in the West
initially did not notice. Bulgarian
prosecutors looked at the case, failed
to unearth any evidence and closed it.
Now Western
security and intelligence officials say
the Bulgaria poisonings were a critical
clue that helped expose a campaign by
the Kremlin and its sprawling web of
intelligence operatives to eliminate
Russia’s enemies abroad and destabilize
the West.
Mais le plus
intéressant est le lien qui est fait
avec la Syrie, où la Russie a plusieurs
fois été accusée à tort d'avoir
participé ou couvert des attaques
chimiques menées par Assad contre sa
propre population. Accusations qui
s'écroulent avec le scandale de l'OIAC,
qui a falsifié les rapports d'enquête (voir
notre texte ici). Il faut aussi
s'arrêter sur les termes employés par le
New York Times, qui ne parle pas de
l'armée russe en lutte contre le
terrorisme en Syrie, mettant en oeuvre
des opérations de maintien de la paix
dans les zones kurdes. Non, ce ne sont
que des "mercenaires".
Bref, la Russie est
ce pays qui ne peut avoir une armée
régulière qui mettrait à mal la
stratégie agressive d'un Atlantisme sur
les dents. Non, c'est un territoire sous
contrôle d'un atroce Poutine, qui ne
peut qu'envoyer de par le monde que des
espions sanguinaires et des mercenaires.
Une approche par la psychanalyse serait
ici intéressante ... Le sentiment
d'impuissance mêlé à un complexe de
supériorité incontrôlé fait des ravages.
En effet, si l'on
s'attarde aux points du globe ciblés
dans l'article, l'on ne peut que
remarquer la rage de l'échec à peine
caché. Le premier échec, la Libye,
opération menée contre le bon sens pour
des intérêts énergétiques, qui coûtent
une fortune aujourd'hui à la communauté
internationale; l'Ukraine, que le clan
atlantiste, malgré cinq années de guerre
civile, n'arrive pas à arrimer et qui ne
tient que par l'alternance de la terreur
et des fausses promesses; la Syrie, qui
est la plus grande défaite de la
coalition américaine suite à
l'intervention militaire de la Russie, à
la demande de la Syrie, qui a fait
reculer des groupes terroristes
s'épanouissant étrangement lors des
interventions occidentales.
Bref, la Russie,
qui ne peut être battue en combat
direct, doit être dégradée, réduite à un
paria, juste bonne à être responsable de
tous les échecs de l'Atlantisme, qui
n'est déjà plus triomphant. Cette
Russie, qui est également accusée dans
l'article de déstabiliser l'Europe,
cette Europe qui s'est décrédibilisée
toute seule par une politique
néolibérale contestée dans la rue, par
une politique globaliste niant l'intérêt
national et bradant les industries
nationales, par la négation de la
culture européenne.
Donnez-leur des
espions russes, sinon ils devraient
assumer leur échec !
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