Accords de cessez-le-feu en Syrie:
la Russie reprend la main
Karine Bechet-Golovko
Mardi 23 février 2016
Hier, suite à de longues négociations
entre diplomates et experts, la Russie
et les Etats Unis sont enfin parvenus à
un accord régulant le cessez-le-feu en
Syrie. Accord équilibré et rationnel,
confirmant les positions depuis
longtemps défendues par la Russie.
Raison pour laquelle il serait surpenant
que ces dispositions soient mises en
oeuvre sans accrocs. Et déjà les
"terroristes modérés" s'insurgent.
Le cessez-le-feu
entre les forces de la coalition russe,
américaine et l'armée régulière syrienne
avec les groupes armés d'opposition doit
entrer en vigueur le 27 février. Pour
autant, certains éléments laissent
supposer que lors des négociations
diplomatiques, la Russie a réussi à
obtenir un accord garantissant le
renforcement du combat contre le
terrorisme en laissant se réaliser une
pacification des relations entre Assad
et l'opposition.
Voir ici les
déclarations officielles du Président
russe hier à la télévision :
Les
conditions du cesez-le-feu sont
précises. D'ici le 26 février minuit
heure syrienne, les parties combattantes
doivent se déclarer d'accord pour
déposer les armes. De cette manière, le
territoire sur lequel les combats
devront cesser sera déterminé. En
revanche, les combats continuent contre
l'état islamique, Al Nusra et les
groupes considérés comme terroristes par
le Conseil de sécurité de l'ONU.
L'intervention télévisée officielle du
Président russe a également été rendue
nécessaire, non seulement pour annoncer
l'évènement, qui est de taille, mais
aussi pour couper court au flou
informatif lancé par les médias
anglo-saxon ne précisant pas
particulièrement la continuation des
combats contre Al Nusra.
On
retrouve même dans le
Washington Post la confirmation que
l'opposition dite modérée voulait que Al
Nusra soit inclu dans les groupes contre
lesquels les combats prennent fin. Ce
qui aurait mis, par exemple, fin aux
combats pour la libération d'Alep et
arrangé la Turquie:
The
opposition groups said this weekend that
they would agree to a temporary truce if
Russia, Iran and various militias stop
attacking them. They also have demanded
a halt to attacks on Jabhat al-Nusra,
also known as the al-Nusra Front, which
the United Nations and the United States
consider a terrorist group that should
be excluded from any cease-fire.
Or, la
situation est claire, Al Nusra est
considéré comme un groupe terroriste au
même titre que l'état islamique et les
combats et bombardements continueront.
Ici est la première victoire de la
diplomatie russe face aux intérêts
américains.
Le
second point important consiste en
l'obligation faite aux fameux
"terroristes modérés" de se déclarer
avant le 26 au soir pour être enfin
déterminés ... comme modérés. Depuis
longtemps la Russie demande cette
fameuse liste des groupes d'opposition
modérée, liste que les Etats Unis n'ont
jamais voulu, pour une raison ou pour
une autre, fournir. Maintenant, la balle
est dans leur camp. Car soit ces
opposants armés - mais modérés - font,
en quelque sorte, leur coming out
et les combats cesseront contre eux,
mais eux aussi devront cesser les
combats contre l'armée régulière
syrienne pour se restreindre à la lutte
strictement politique. Soit ils restent
dans la clandestinité pour continuer la
lutte armée contre l'état syrien, mais
ne pourront plus prétendre au statut
d'opposant modéré. Ils rentreront
directement dans la catégorie
"terroristes" et leur participation
future aux négociations sera exclue.
C'est ici la deuxième grande victoire
diplomatique russe.
Evidemment, l'opposition potentiellement
modérée s'est immédiatement insurgée
contre ces accords qu'elle jugent
imparfait.
Bashar Al-Zoubi, dirigeant le bureau
politique de l'armée Yarmouk, répond
qu'il est impossible de délimiter les
territoires aussi clairement, car les
groupes sont entremêmés les uns aux
autres. Et du coup, s'ils déposent les
armes, l'armée syrienne et l'aviation
russe, sous couvert de lutte contre Al
Nusra et les autres groupes, les
attaqueront aussi;
Russia
and the regime will target the areas of
the revolutionaries on the pretext of
the Nusra Front's presence, and you know
how mixed those areas are, and if this
happens, the truce will collapse,"
D'autres chefs "d'opposition" tiennent
le même discours:
"For
us, al-Nusra is a problematic point,
because al-Nusra is not only present in
Idlib, but also in Aleppo, in Damascus
and in the south. The critical issue
here is that civilians or the Free
Syrian Army could be targeted under the
pretext of targeting al-Nusra," said a
senior opposition figure, Khaled Khoja.
Deux
conclusions sautent déjà aux yeux:
1) Une
pression très forte est faite pour que
les combats cessent contre Al Nusra, un
des groupes terroristes les plus
efficaces, même si ici nous ne
l'entendons pas dans le même sens que
Fabius dont les visions politiques
sont devenues célèbres:
Le
chef de la diplomatie avait ainsi
estimé, en août 2012, que "Bachar el-Assad
ne mériterait pas d'être sur terre" et,
en décembre 2012, que"le Front al-Nosra
fait du bon boulot", alors même que
cette organisation djihadiste syrienne
venait d'être classée terroriste par les
États-Unis.
2) Si
jamais, ne sait-on jamais, le
cessez-le-feu est respecté, il
permettrait aux forces régulières
syriennes, n'étant plus attaquées par
divers groupes armés, de se regrouper
dans le combat contre les groupes
terroristes principaux. Ce qui
renforcerait leur efficacité et donc
l'état syrien. Dans tous les cas, ce
sera un moment de vérité: qui est
réellement dans l'opposition politique
et qui dans le terrorisme.
Face à
cela, il semble évident que les Etats
Unis et leurs alliés vont contrattaquer.
La manière la plus simple est de mettre
en place une carte de l'opposition qui
rende impossible les frappes et les
combats avec des territoires intensément
imbriqués les uns aux autres. L'autre
manière, tout aussi simple, sera
d'imputer à la Russie des frappes contre
des groupes non terroristes, risquant
ainsi de pouvoir rompre les accords
lorsque cela entrera dans l'intérêt de
la coaltion américaine et de ses
partenaires.
Alors
que "l'opposition armée dite modérée"
cherche tous les moyens pour ne pas
déposer les armes, la
Syrie vient de déclarer son
raliement aux accords de cessez-le-feu,
tout en se réservant le droit de réponse
en cas d'agression.
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