Russie politics
Athlétisme: le drapeau russe interdit de
JO
Karine Bechet-Golovko
Lundi 20 juin 2016
Le Conseil de
l'Association internationale des
fédérations d'athlétisme (IAAF), le 17
juin, a pris une décision sans
précédent: il a sanctionné
collectivement toute la fédération russe
d'athlétisme, sans faire la part entre
sportifs propres et dopés. Le drapeau
russe ne pourra flotter aux JO de Rio,
ce qui semble faire le bonheur des
différentes fédérations occidentales -
il sera plus facile d'avoir des
médailles. Le dernier mot appartient au
Comité international olympique qui
pourrait autoriser la participation de
certains sportifs russes à certaines
conditions.
L'IAAF a pris une
décision sans précédent dans l'histoire
des JO, voire du sport. Alors que le
dopage est un problème mondial et
récurrent, l'on ne peut faire la liste
des scandales de dopage tant elle est
longue, c'est la première fois que toute
une équipe nationale est santionnée.
Comme équipe. Recourant à la
responsabilité collective, parce
qu'ils sont russes. Alors qu'en la
matière la responsabilité individuelle
est de mise.
Surprenant. Ils
n'ont pas améliorés leur système, les
résultats des contrôles de dopage ne
sont pas fiables? Intéressant, il
faudrait alors sanctionner l'Agence
anglaise antidopage
UKAD qui depuis novembre et le
début du
scandale médiatique lancé par le
journaliste allemand Seppelt
s'occupe du contrôle du dopage des
sportifs russes. Peut être cette
agence n'est-elle pas efficace?
Car ne l'oublions
pas, comme le déclarait Seppelt, juge et
procureur tout à la fois, ses films
ayant tenu place et lieu d'enquête
objective, les russes n'ont aucune
raison d'être fiers de leur pays.
Sebastian Coe, le président de
l'IAAF, a bien précisé les choses:
Aucun athlète ne compétitionnera sous le drapeau russe.
(...) Des athlètes qui ne sont pas
testés dans le système russe, mais dans
des systèmes qui ont des programmes
antidopage efficaces » pourront faire
valoir leur cas sur une base
individuelle. (...) Ces athlètes
seraient autorisés à concourir sous la
bannière olympique, comme « athlètes
indépendants ». Le système russe a
« abandonné » ses athlètes et « on ne
peut pas conclure qu'ils sont dans un
système sécuritaire pour pouvoir
participer à des compétitions
internationales »
Bref, le système
est fautif, donc il faut sortir les
sportifs russes du système sportif russe
et s'ils renient leur drapeau et
acceptent de concourir sous le drapeau
olympique, on pourra faire preuve de
grandeur d'âme. J'ai l'impression
d'être face à une nouvelle inquisition
...
Au fait, certaines
paroles n'ont bizarrement pas été
traduites dans la presse française.
Ainsi,
S. Coe précise bien:
"Les athlètes
qui n'étaient pas liés au système russe,
ceux qui par exemple se sont entraînés à
l'étranger, pour ceux-là une décision
favorables peut être envisageable"
L'important est
bien de couper le lien entre l'athlète
et le pays qu'il représente, la Russie
ne méritant manifestement pas ses
athlètes aux yeux de l'IAAF. Bref, cela
n'a plus rien à voir avec la lutte
contre le dopage, dommage.
Pour autant de
grands athlètes russes, et jamais
contrôlés positifs, comme Elena
Isinbaeva, double championne
olympique à la perche déclare que cette
décision reposant sur une responsabilité
collective est inadmissible et viole les
droits de l'homme, ce qu'elle contestera
devant la justice. Il est impensable
pour elle de participer aux JO sous un
autre drapeau, ne regardera même pas ce
qui s'y passe:
Personne ne
nous a défendu. J'ai de sérieux doutes
quant à l'intention de l'IAAF de
défendre les intérêts des athlètes
propres. L'on nous accuse de ce dont
nous ne sommes pas coupables. Je pense
que cette discrimination des russes est
avant tout fondée sur la nationalité,
parce que nous venons de Russie.
Pour sa part,
l'autre champion olympique, jamais
contrôlé positif,
Andrey Silnov (saut en
hauteur) a également déclaré ne pas
aller aux JO:
"Pour moi,
c'est une question de principe. Si je me
retrouve aux JO, je ne vais pas
concourir sous un quelconque drapeau
olympique ou autre. Je me présente au
nom de mon pays, la Fédération de
Russie, Je ne vois aucun sens à
particper aux JO sous les couleurs
olympiques, je suis patriote de mon pays
et si mon équipe nationale n'y va pas,
moi non plus."
En attendant, la
situation est claire. Qu'il y ait un
problème de dopage, c'est fortement
possible. Et pas uniquement en Russie,
c'est un problème généralisé. Mais que
la Russie soit sanctionnée comme pays,
que l'équipe nationale porte une
responsabilité collective, c'est une
première. Et la russophobie ambiante qui
frise l'hystérie n'y est pas étrangère.
PS: Puisque
la télévision remplace la justice et
fait pression de manière beaucoup plus
efficace, rappelons que la veille,
juste avant de rendre sa décision quant
à la suspension de l'équipe nationale
russe d'athlétisme, la BBC a sorti,
par hasard (le hasard faisant bien les
choses) un film mettant en cause la
probité du président de l'IAAF,
Sebastian Coe, justement en lien
avec la Russie:
La chaîne de
télévision affirme que le Britannique de
59 ans a été élu l'an dernier grâce aux
voix rassemblées par le fils de son
prédécesseur Lamine Diack, Papa Massata
Diack, sous le coup d'un mandat d'arrêt
international pour son rôle dans le
scandale du dopage en Russie.
Oui, ce sont des
méthodes de mafieux.
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