Russie politics
Les électeurs russes ont majoritairement
renouvelé
leur confiance à V. Poutine
Karine Bechet-Golovko
Lundi 19 mars 2018
Dans un contexte international plus que
soutenu, la Russie vient hier de
procéder aux élections du chef de l'Etat
pour les six années à venir. Sans que
l'on puisse parler d'un véritable
suspense, V. Poutine a été très
largement réélu, avec un score de 76,66%
des voix. L'intérêt de ces élections est
ailleurs. Il consacre surtout l'impasse
de l'opposition politique qui ne peut
manifestement tirer les leçons de ses
échecs passés et les reproduit avec une
passion toujours renouvelée. Mais ces
élections renforcent aussi le Président
dans son cours légitime, alors que les
attaques extérieures sont
particulièrement violentes.
Selon les derniers résultats chiffres
publiés par la
Commission centrale électorale à
presque 100% du dépouillement, l'on
obtient les résultats suivants:
Poutine arrive en
tête avec 76,66% des voix. Cette
victoire est principalement due à des
facteurs inhérents à son bilan politique
particulièrement positif, malgré une
politique de sanctions internationales.
La reprise économique a eu lieu dans le
pays, qui a pu diversifier son économie
et ne dépend plus autant du gaz et du
pétrole. Sans compter que sur la scène
internationale, la Russie est de retour.
Elle est devenue un acteur
incontournable pour régler les conflits.
La fierté du peuple russe a été
restaurée.
Groudinine arrive
loin derrière avec 11,80%, faisant moins
que Ziouganov en 2012 (17,18%). Le pari
du Parti communiste de faire venir un
"visage neuf" pour relancer la
concurrence a été une erreur. Cette
orientation vers la social-démocratie
risque de lui coûter cher. Sans compter
que les comptes non déclarés et les
valeurs diverses et variées qui se
trouvent en la possession de Groudinine
vont certainement intéresser le fisc. Si
la Commission électorale a très sagement
décidé de ne pas exclure ce candidat au
dernier moment pour ne pas faire d'un
banal escroc une "victime du système"
(ces reconversions étant assez
courantes), répondre devant la justice
lorsque les échéances électorales sont
passées est tout à fait logique.
Les voix des
"libéraux" sont dispersées entre trois
candidats: Sobchak (1,67%), Titov
(0,76%) et Iavlinsky (1,04%). En 2012,
Prokhorov, candidat unique de
l'opposition libérale avait fait 7,98%
des voix. Aujourd'hui, l'électorat
libéral s'est dispersé entre les
candidats, dont la rhétorique fut
particulièrement radicale, prenant le
contre-pied des positions de principe de
l'électorat russe (Crimée ukrainienne,
Russie pays agresseur, retrait de la
scène internationale, retour dans le
giron atlantiste ...). Certains, comme
Titov se sont écartés du discours
soutenant l'économie réelle, discours
porté par Prokhorov à l'époque. L'autre
facteur de l'échec des libéraux vient de
la politique menée par le pouvoir russe,
qui reprend déjà beaucoup de leurs
revendications (dérégulations, retrait
de l'Etat de l'économie, diminution du
contrôle étatique, dépénalisation du
droit des affaires, contrôle de la dette
publique, etc), politique menée par le
bloc socio-économique du Gouvernement,
lui-même pas vraiment populaire. La
marge qu'il leur reste est objectivement
étroite.
Les voix des
"patriotes" se partageaient entre
Souraïkine (0,68%) issu du schisme avec
le PC et Babourine. Leur discours assez
fade n'a pas été audible et n'a pu
convaincre. D'autant plus que là aussi,
le patriotisme pour une très grande
partie de la population est incarné par
V. Poutine. Il n'y a donc pas d'espace.
Ainsi, les
résultats de ces élections sont avant
tout la conséquence logique du bilan de
la présidence, mais augmenté par
l'incompétence politique de
l'opposition, qui confond toujours
activisme et opposition politique. Ce
manque de maturité politique est un
handicap sérieux pour le système
politique russe, qui ne peut développer
tout son potentiel.
Cet amateurisme a
particulièrement été incarné par Navalny,
qui appelait au boycott, ne pouvant
lui-même participer aux opérations
électorales en raison de son casier
judiciaire, dans une logique assez
primaire du si ce n'est moi, ce ne peut
être personne. Le taux de participation
est plus élevé qu'en 2012 (65%)
pour dépasser les 67%. C'est l'échec
total de ce genre de démarche.
Pour finir,
rappelons que ces élections, mise à part
les déclarations fumeuses de
l'association Golos financée par les
Etats-Unis et les organes de Soros,
n'ont pas été l'objet de fraudes
significatives. Tous les candidats, à
l'exception de Groudinine mauvais
perdant, l'ont noté.
Une nouvelle page
dans la vie politique russe s'ouvre.
Dernier mandat de V. Poutine,
manifestement orienté tant vers la
politique économique, que vers la
préservation de la souveraineté de la
Russie et son droit à des intérêts
stratégiques à l'international. Et tout
l'enjeu est bien ici: le pari fait par
le Président Poutine d'une possible
compatibilité entre une participation à
la globalisation, dont le centre
politique décisionnel sont les
Etats-Unis et une souveraineté qui
implique une existence propre politique.
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