Billet : pourquoi la contestation en
France est inacceptable quand elle est
soutenue en Biélorussie ?
Karine Bechet-Golovko
Mercredi 16 septembre 2020
Autant les
manifestations globalistes en
Biélorussie sont applaudies,
surmédiatisées et encouragées autant les
Gilets Jaunes sont dénigrés, évités et
condamnés. Etrange ? Non, les uns
luttent pour le monde global, les autres
en sont fatigués. Donc, la première
opposition est étiquetée "démocratique",
la seconde n'a pas sa place. Un monde
global doit conquérir les territoires
qui échappent encore à sa tutelle, sinon
il ne peut être global. Un monde global
doit contraindre les corps faute de
convaincre les esprits, car il ne peut
être que totalitaire. Donc silence,
sinon on a une énième vague et tout le
monde retourne à la maison.
Pour manifester, allez à Minsk, à
Caracas ou à Moscou, mais pas à Paris.
Car, dans le premier cas vous serez des
"combattants de la démocratie". A Minsk,
pour bénéficier d'une absolution
politico-médiatique totale, il a suffit
de ressortir un drapeau rouge et blanc
institué sous l'occupation allemande de
la Biélorussie, d'invoquer un
rapprochement avec l'OTAN, de chercher à
restreindre la langue russe et d'engager
un grand programme de privatisations de
l'industrie nationale. Alors, vous êtes
un héros et quoi que vous fassiez, ou
que vous soyez, vous serez
l'enfant-chéri des dirigeants
occidentaux alignés et des médias, qui
le sont tout autant.
Si jamais les
forces de l'ordre repoussent les
manifestants à Minsk, Caracas ou Moscou,
la communauté internationale
s'inquiétera des "violences policières".
Elle condamnera un "régime" qui
maltraite sa population, qui la prive de
ses droits les plus élémentaires.
Mais ça, c'est
possible uniquement en dehors du monde
global. Car quelle serait votre
légitimité à manifester contre les
effets désastreux de la globalisation
dans les pays alignés ? Aucune, ce ne
sont pas des "régimes", mais des
"gouvernements". A priori aucune
et ça ne se discute pas. De quel
droit voudriez-vous un salaire décent ?
De quel droit voudriez-vous des services
publics qui fonctionnent ? De quel droit
vous battre pour vos acquis sociaux ?
C'est absurde, l'URSS est tombée et avec
elle le modèle socialiste qui obligeait
le monde libéral à faire des concessions
pour créer un pôle d'attraction.
Maintenant, c'est fini et les
concessions également.
Donc, les forces de
l'ordre ont le droit de frapper, elles
en ont même ordre. Et si jamais ça ne
devait pas se passer assez bien, des
hommes en noir sont là pour provoquer.
Eux, bizarrement, ne sont jamais
interpellés ...
Donc quelques
milliers de personnes dans les rues, 300
arrestations, les gaz et les grenades de
désencerclement, car ici, la
contestation et les revendications ne
sont pas acceptables.
Et malgré la
médiatisation et la création de figures
totalement décalées comme Rodriguez,
malgré l'insistance médiatique sur le
soutien des Traoré, malgré la poussée en
avant de LFI, rien n'y fait, les
Français malgré tout cela soutiennent le
mouvement contestataire qui n'en finit
pas. Entre ceux qui se sentent proches
et ceux qui se sentent Gilet Jaune, on
arrive à 51%.
51%, même si les
médias insistent sur les 10%.
Selon que vous
serez à Minsk ou à Paris, la violence
sera légitime soit du côté des
manifestants, soit du côté des forces de
l'ordre. Car, soit votre
contestation sera légitime et soutenue
par la communauté internationale,
puisqu'elle va dans le sens du
renforcement de la globalisation, soit
elle sera condamnée et vous avec elle.
Et cela ne changera
pas tant que ces 51% resteront derrière
leurs écrans à épuiser leur énervement
dans les pétitions électroniques, dans
des commentaires et des reposts. Car
seuls les mouvements contestataires dans
le réel ont un poids politique, le reste
n'est qu'un rideau de fumée permettant
de faire sortir le surplus de
mécontentement pour que surtout rien ne
change. Et rien n'a changé, ni les
salaires, ni les privatisations, ni la
destruction des services publics. Rien.
La seule différence est que ce monde est
masqué et manie la peur et le chantage
sanitaire comme une matraque, par
ailleurs efficace. Bref, sans aucun
doute, il y aura une deuxième,
troisième, dixième vague. Peu importe de
quoi, lorsque l'on cherche bien, l'on
trouve.
Et cela, tant
qu'il y aura des Hommes pour relever la
tête, mais pas suffisamment pour
nettoyer ce marasme politique.
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