Russie politics
Avec la loi Avia, la régulation globale
du contenu
sur le net est légitimée en
France
Karine Bechet-Golovko
Samedi 16 mai 2020
Grâce à la loi Avia,
les parlementaires viennent de remettre
entre les mains des GAFA le contrôle du
discours en France sur le net, qu'il
s'agisse des réseaux sociaux ou des
sites. Si la censure s'y portait déjà à
merveille, les signalements et blocages
intempestifs permettaient déjà, à la
fois de limiter la parole et d'inciter à
l'autocensure, maintenant elle est
organisée pour défendre les piliers de
la globalisation, toute critique étant
susceptible d'être associée à un contenu
haineux ou illicite pour les besoins de
la cause - aucune définition objective
n'étant ici possible. Le bon vieux temps
de la délation reprend ses droits pour
imposer par la haine la "tolérance
orwellienne", celle qui n'autorise
aucune pluralité. Il serait temps de
revenir dans le monde réel, la "nouvelle
réalité" n'existe pas, il n'y a que le
monde dans lequel nous vivons et que
nous construisons. Dire qu'il prend une
allure assez pitoyable est encore trop
faible. Mais, il n'est que le reflet de
la tragique régression de la culture
politique dans notre société
"progressiste". Déposée le 20 mars
2019, la proposition de loi devant
officiellement lutter contre la haine en
ligne, vient d'être adoptée par le
Parlement français, après de nombreuses
joutes oratoires, qui finalement n'ont
rien changé à la donne (vous
trouverez ici et les débats et le texte
adopté sur le site de l'Assemblée
nationale). Le débat sur la
personnalité de la député Laetitia Avia,
à l'origine de cette perle liberticide
globaliste, illustre parfaitement le
niveau de la politique française. Si
elle ne vous plaît pas (et elle ne me
plaît pas), elle a été élue. Sa
personnalité ne m'intéresse pas, car les
textes qu'elle fait passer survivront à
sa carrière politique et c'est ce qui
devrait autrement inquiéter. D'autant
plus, qu'il s'est trouvé suffisamment
d'élus pour le voter. Et eux aussi
furent élus. Ce texte devrait plutôt
nous inciter à nous interroger sur le
niveau de la culture politique dans
notre pays - ou en tout cas sur ce qui
reste, et de culture, et de politique.
Plus concrètement,
286 des 296 députés LaREM ont voté
pour, 1 non votant, 1 contre, 7
abstentions; 98 des 104 députés LR
ont voté contre, 4 se sont abstenus;
43 des 46 députés du Mouvement
démocrate et apparenté ont voté pour,
1 contre; 27 des 30 députés
socialistes se sont abstenus, 1 non
votant, 1 pour, 1 contre; 23 des 27
députés UDI, Agir et indépendants ont
voté pour, 1 contre, 3 abstentions;
18 des 20 députés du Groupe Libertés
et Territoires ont voté contre, 1
pour; les 17 députés du groupe La
France insoumise ont voté contre;
pour la gauche et les non inscrits voici
les chiffres :
Différentes dispositions doivent
attirer notre attention. Tout d'abord en
ce qui concerne les obligations de
retrait. Elle concerne les textes,
images ou vidéos constituant des
incitations ou faisant l'apologie du
terrorisme, de crimes contre l'humanité
ou comportant une incitation à la haine,
à la discrimination ou à la violence, la
pornographie ou la pédophilie. Le danger
ne concerne pas les grands classiques,
comme le terrorisme ou la pornographie,
mais l'interprétation qui peut être
faite des autres catégories. Par
exemple, publier une parodie sur les
passages piétons LGBT à Paris est-ce du
bon sens ou une incitation à la haine ou
à la discrimination ? C'est une question
de point de vue - et c'est bien là le
problème de l'application de la
sanction. D'autant plus que cela va
également concerner les messages dits
injurieux envers une personne ou un
groupe en raison de sa race, religion,
sexe, etc. Si l'on évite l'injure
directe, la vulgarité, le reste va
également ressortir de l'interprétation.
Or, quand le
notifiant est une autorité
administrative, quand la demande
de retirer le contenu fait suite à une
décision de justice ou encore à la
décision d'une autorité administrative,
l'on peut espérer qu'il y ait eu des
recours, des appels, des moyens de
défense. Mais quand le notifiant
est une personne privée, toutes les
dérives sont possibles. Car, la
décision va reposer sur les GAFA
eux-mêmes, qui, en un temps-record, vont
devoir examiner la notification et son
bien-fondé. Or, l'on voir déjà comment
fonctionne Facebook, ses blocages et ses
pseudo-examens. Il s'agit d'une parodie
d'objectivité, sans aucune garantie
réelle pour l'auteur de la publication.
Les exigences posées par la loi sont
totalement décalées de la réalité et ne
servent qu'à construire une illusion
confortable. En fait, ce sont les
géants américains du net et les
opérateurs privés qui vont pouvoir
réguler le discours en France.
Ensuite, les
contenus manifestement illicites doivent
être retirés par l'opérateur dans les
24h, "après notification par
une ou plusieurs personnes". Les
coups bas vont pleuvoir! Mais, les
contenus retirés doivent être conservés
un certain temps, car ils peuvent servir
pour une action en justice contre
l'auteur. Lorsqu'il s'agit
d'infraction grave classique
(terrorisme, pédophilie, crime contre
l'humanité, etc), c'est on ne peut plus
normal. Il est toutefois inquiétant
d'imaginer les dérives potentielles.
L'on a déjà vu que des publications
remettant en cause le culte des migrants
a provoqué des suspensions de comptes
dans les réseaux sociaux, qu'un
véritable discours de haine se déverse
contre ceux qui s'interrogent sur
l'hystérie organisée autour du Covid.
Jusqu'où le discours pourra-t-il être
policé sous couvert de "lutte contre la
haine"? Car dans tous ces
combats idéologiques, l'important est de
trouver une "bonne cause" officielle.
Ce qui est significatif est qu'aucune
sanction n'est prévue pour abus de
signalisation, quand une amende est
prévue pour toute personne présentant
sciemment un texte illicite en vue de
son retrait.
Enfin, quand les
plateformes et opérateurs doivent mettre
en place un mécanisme simplifié de
notification, l'on attend le réveil trop
facile de la culture de la délation.
Un texte ne vous plaît pas, un auteur
vous dérange ? Rien de plus simple, vous
"signalez", autrement dit vous dénoncez,
et la machine s'emballe toute seule.
Elle vous débarrasse de l'intrus. La
dictature de l'agressivité, le
fanatisme. Car, dans ce combat, ce n'est
pas la tolérance qui va gagner, puisque
la tolérance implique de laisser l'autre
s'exprimer. Donc cette loi contre la
haine, utilise la haine, le fanatisme et
l'acculturation des masses pour niveler
le discours vers le bas et le garder
dans des rails.
Selon Mr. O.,
le juste milieu entre liberté et
efficacité a été trouvé, alors n'oubliez
pas que toute répression de masse ne
fonctionne qu'avec la collaboration
d'une part de la population. A vos
boutons, prêt, feu, partez!
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