Russie politics/
Billet d'humeur
Mais que serait le monde
sans cette fameuse "menace russe"?
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 16 février 2017
Les actualités regorgent des exploits de
la Russie. Elle fait élire Trump, elle
s'apprête à envahir l'Europe, elle
fausse les élections en France, elle
sauve le tyran Assad, elle
soutient les "séparatistes"
ukrainiens. Que ne fait-elle encore? Il
serait certainement plus rapide
d'énumérer les évènements marquants qui
ne sont pas le fait de la Russie.
Autrement dit, à en croire les
politiciens occidentaux, nous sommes
entrés dans l'ère d'une gouvernance
russe globale. J'ai bien compris? Ce
qui, en effet, justifie le renforcement
de l'OTAN et des Etats Unis en Europe.
J'ai toujours bien compris?
Nous
apprenons avec beaucoup d'inquiétude que
la Russie, après avoir retourné l'équipe
de Trump (continuant pourtant la même
politique à l'égard de la Russie) et
fait perdre H. Clinton, va s'occuper des
élections françaises. Ceci est une
conclusion très sérieuse de la non moins
sérieuse
DGSE. D'autant plus que la Russie
aurait déjà sévit contre ce divin E.
Macron en piratant son site En Marche.
Et tout cela pourquoi? Pour faire élire
M. Le Pen, what else? Car bien
évidemment, les élections ne se gagnent
pas avec les voix populaires. Comme
toujours, c'est le Canard national qui
révèle l'info. Il est très actif en
politique cette année, mais peu importe,
il remplit sa fonction, qui n'a rien de
journalistique. Bref, la Russie
constitue une menace en matière de
cyberterrorisme.
Mais
pas uniquement, car bien entendu les
pays de l'Est, entrés dans l'UE faute de
pouvoir ajouter une étoile au drapeau
américain, et pour leur plus grand
malheur restant toujours "à l'Est" (la
géographie politique a ses limites que
la raison reconnaît encore), se font
l'écho d'une prochaine invasion russe.
Si, si ... les chars arrivent. En
l'occurrence, ils sont américains. Mais
c'est une chance, c'est l'Atlantic
resolve. L'on attend 3500 soldats
américains, 87 chars et 550 blindés. Les
premiers chars sont arrivés en
Pologne et en
Bulgarie et les pays baltes sont
impatients de recevoir leurs unités de
réactions rapides, qui permettent une
intervention en 24h vers les frontières
russes, évidemment, en cas d'attaque.
Bon, pour l'instant, cela reste très
théorique, car il faut encore y
construire les infrastructures, qui sont
inadaptées aux structures de l'OTAN. Et
vue la faible importance du contingent,
heureusement pour ces pays que la menace
est toute
virtuelle. En revanche, l'agression
politique est bien réelle, mais de
celle-là nous garderons un pieux
silence, car la Russie est bien sûr
responsable d'avoir rapproché ses
frontières des bases de l'OTAN. Il ne
s'agit donc pas d'une agression, mais
d'une défense. Ouf, l'honneur est
sauf.
Les
Etats Unis, eux, se sont bien organisés.
La Lituanie et l'Estonie, qui après tant
d'années en vain dans l'Alliance
viennent enfin de trouver leur place,
ont signé avec les Etats Unis les
accords SOFA sur le statut des troupes
américaines dans ces pays. Ces
accords prévoient l'exclusivité de
juridiction américaine pour tout ce qui
concerne ses soldats. Seuls les crimes
graves pourront, peut-être, ressortir de
la compétence des juridictions
nationales. Les pays qui abritent des
troupes américaines depuis longtemps,
comme le Japon, savent ce dont ils sont
capables au quotidien, dans un pays
occupé.
Dans
tous les cas, les pays de l'Est sont
heureux et soulagés. Heureux de trouver
une protection contre cette mystérieuse
et incontournable "menace russe".
Ce qui permet à J.
Mattis, le nouveau secrétaire à la
défense US, de mettre les points sur les
i: si vous voulez notre protection, il
faudra jouer selon nos règles, les temps
ont changé:
L'Alliance reste un socle fondamental
pour les États-Unis. (...) l'Amérique va
assumer ses responsabilités, mais si vos
nations ne veulent pas voir l'Amérique
modérer son engagement envers cette
Alliance, chacune de vos capitales doit
montrer son soutien à notre défense
commune. (...) Les Américains ne peuvent
pas se soucier davantage de la sécurité
future de vos enfants que vous ne le
faites vous-mêmes.
Tout a
un prix, les prostituées paient bien
leur part à leur protecteur, ici, il
s'agit de 2% du budget national. Sinon,
les pays de l'Alliance peuvent toujours
changer de souteneur ou bien
s'autonomiser, ce dont ils ont une peur
panique. Aujourd'hui les autres 27
membres sont rassurés, le chef a envoyé
son représentant, tout restera comme
avant, il faudra juste payer un peu plus
cher. Qu'à cela ne tienne,
l'indépendance serait par trop
dangereuse. Surtout face à cette "menace
russe".
Mais au fait, quelle est cette "menace
russe"? Est-ce le risque pour ce
Système, dont la plus grande force est
son absence totale de morale, de montrer
son visage inique? La rupture réelle qui
existe et s'agrandit entre les
aspirations des populations et les choix
idéologiques des groupes dirigeants?
Est-ce le fait que nos sociétés ne sont
gouvernées que par une minorité à
laquelle il faut donner le masque de la
supériorité pour justifier sa position?
Quelle est cette "menace russe"?
L'excuse sans laquelle il ne serait plus
possible de justifier les politiques
anti-sociales, les politiques
liberticides, les tendances totalitaires
- dans le sens où ces sociétés veulent
créer un homme nouveau, sans racines,
sans passé, qui vit ici et maintenant,
donc un être sans avenir?
Quelle est la "menace russe"? Sinon la
peur que le Système a de lui-même, de
son inconsistance et de sa vacuité.
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