Russie politics
Russie : le combat à mort contre l'Etat
se déroule à Moscou
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 15 octobre 2020 Parce qu'une guerre
ne se gagne pas si l'on ne remporte pas
la capitale, toute la machine globaliste
en Russie est orientée contre les
institutions étatiques à Moscou. La
guerre est déclarée - elle l'est à
l'Etat, illustrée par la figure de
Sobianine, avec le silence consentant du
Gouvernement et un Président coincé
derrière ses écrans, qui n'ose même plus
se prononcer sur le sujet.
Officiellement, en raison de l'éternelle
pandémie du coronavirus, rien ne ferme
en Russie. Concrètement, les facultés et
les écoles ferment les unes derrière les
autres et sont zoomisées, la
justice est inaccessible au public.
L'Etat est mis en quarantaine. La
population est sommée de s'en détourner
pour vénérer les dieux de la
globalisation. La "dissidence" contre le
vaccin anti-Covid doit être éliminée -
dixit Popova. Difficile d'organiser une
résistance face à un totalitarisme
global. Car ce totalitarisme
sanitaire est bien global. Mais
c'est l'Etat qu'il faut sauver, le
restaurer comme structure défendant les
intérêts nationaux et le sortir de la
matrice globaliste qui
l'instrumentalise. Rappelons que même
avec les statistiques officielles, nous
sommes à un taux de mortalité de 1,5%
pour le coronavirus, loin derrière les
hépatites ou les accidents de la route
en Russie.
Comme nous l'avions écrit, Sobianine
avait dans un premier temps passé les
écoles de Moscou en "vacances
sanitaires" (voir
notre texte ici), puisqu'il n'a
jamais remis en cause le régime de
surveillance renforcée, dans le cadre
duquel il estime avoir tous les pouvoirs
- hors contrôle parlementaire ou
fédéral. De toute manière, la "justice"
a systématiquement écarté tous les
recours. Il n'y a donc aucune entrave,
ni politique, ni judiciaire, ni
fédérale, aux délires fanatiques de ce
petit roitelet en manque de puissance,
dont les complexes de supériorité
semblent parfaitement instrumentalisés.
Pour tout processus destructeur, il est
fondamental de trouver la "bonne"
personne, celle qui exécute les
instructions et fait le travail. Celle
qui y trouve aussi son intérêt.
L'on apprend
aujourd'hui, que la proportion des
enfants touchés par le Covid (parmi les
700 000 tests effectués par jour en
Russie et permettant de maintenir un bon
rendement) étant en baisse, mais leur
nombre, grâce au testing délirant
augmentant, il est impératif de fermer
les écoles. Non pas parce que les
enfants sont malades, mais parce que, je
cite, ils risquent de l'être.
Donc le risque de la maladie est
maintenant suffisant pour fermer les
écoles. Les classes de collège et
lycée seront fermées jusqu'au 1er
novembre, car les enfants peuvent se
débrouiller seuls devant un ordi. C'est
une certaine vision de l'enseignement
... Jusqu'au 1er novembre, car il faut
bien donner une date. A moins que,
évidemment, tous les virus ne soient
vaincus d'ici là, ce qui est une
évidence indiscutable.
La furie de
l'enseignement à distance était déjà
défendu par les progressistes russes
bien avant le Covid, mais aucun prétexte
ne permettait de réaliser ce fantasme.
Ce printemps, la mise à distance de
l'enseignement dans tout le pays fut un
échec, environ 20% des écoliers ont eu
accès aux plateformes. Le Gouvernement
et le Président en ont donc déduit, dans
une logique purement managériale, que le
problème était technique. Or, à Moscou,
la question technique est secondaire.
Personne, manifestement, au pouvoir en
Russie, ne s'interroge sur la qualité de
l'enseignement, sur les mécanismes de
transmission du savoir, sans même parler
de la socialisation des enfants. La
fanatisme allant de paire avec
l'aveuglement, ces dirigeants plongent
toute une génération dans l'obscurité
(voire l'obscurantisme technologique),
avant de plonger le pays dans ses heures
les plus sombres. Tout cela manque
sérieusement de vision stratégique
nationale.
A l'université,
la situation n'est pas meilleure. Alors
que le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Recherche venait de
faire, il y a quelques jours, un
discours face à un parterre de plus de
300 professeurs choisis à
l'Université d'Etat de Moscou
(Lomonossov), un discours poignant sur
l'importance de la science et le fait
qu'il n'était pas prévu de passer à
distance, des facultés entières n'ont
pas réouvertes leurs portes, des groupes
d'étudiants sont fermés arbitrairement
et notamment la faculté de droit vit ses
dernières heures d'activité.
L'Université de la justice est fermée
depuis le mois de mars, l'Université
juridique Koutafine ferme petit à petit,
centre par centre, groupe par groupe,
chacun se battant pour continuer, comme
il peut, son activité. C'est
l'enseignement supérieur qui est mis à
mort en Russie, les plus grandes
universités sont touchées, il est
impossible d'organiser un enseignement
ou de la recherche sans planification du
travail à terme. Et le terme est
réduit à chaque journée.
La
justice, bras armé de la
légitimité de l'Etat, est également
touchée à Moscou. Encore une fois, les
tribunaux s'éloignent de la population,
qui se voit un accès interdit. Le
principe fondamental de publicité des
débats est jeté aux oubliettes de
l'histoire, la transparence tant
exigée dans ce monde post-moderne,
finalement, n'intéresse plus personne,
sans même parler de l'accès à la justice
et de la qualité de celle-ci. C'est
la légitimité de l'Etat est directement
visée.
Dénoncer des
excès ? Mais enfin, des gens sont
malades. Des gens meurent. Ce
qui, effectivement, est très original.
Car, avant les gens n'étaient jamais
malades et ne mourraient pas. Et
aujourd'hui, manifestement, ils ne
peurent plus de rien d'autre que du
coronavirus. Dans environ 1% des cas -
du coronavirus.
Et pour sauver
l'humanité (d'elle-même), il ne reste
qu'une solution - à part la soumission
totale. C'est le vaccin. Et la
Russie, à la pointe de la recherche sur
le sujet, déjà en train de lancer
d'autres versions du vaccin salvateur,
n'arrive pas à convaincre sa population.
Et ce malgré un matraquage propagandiste
"fin du monde" d'une envergure sans
précédent. 77% des personnes interrogées
par Russie Unie ne souhaitent pas se
faire vacciner (voir
notre texte ici). C'est une honte,
c'est de la dissidence, c'est
inacceptable. Et
Popova, à la tête de la guerre du
coronavirus puisqu'à la tête de l'Agence
de surveillance de la consommation (et
non pas de l'Agence de la santé), qui
gère le Covid, de déclarer :
"Il ne faut à
aucun prix accepter une dissidence
à l'égard de la vaccination contre
le coronavirus."
A la question de
savoir, comme beaucoup de lecteurs me
l'écrivent, "mais que fait Poutine",
ou encore aux commentaires bisounours
sur le mode "mais Poutine ne va pas
laisser faire", que répondre à ceux
qui ont besoin d'être rassurés pour ne
pas avoir à réagir, à réfléchir ... Pour
l'instant, Vladimir Poutine s'est
réfugié derrière des écrans et regarde
le pays de loin, le dirige à distance et
in fine cautionne, au minimum,
toutes les mesures prises en ce sens.
Qui ne pourraient être prises sans son
aval. A moins de penser qu'il ne
gouverne plus. Ce qui, en effet, soulève
des questions. Dans les deux cas.
En tout cas, le
totalitarisme sanitaire, car à
tout totalitarisme il faut bien un
fondement acceptable par la population
et la "lutte contre le virus" est idéale
(car il y aura toujours un virus
quelconque), s'installe en Russie.
Le combat est en train de se mener à
Moscou. La spécificité de ce
totalitarisme est qu'à la différence des
précédents qui étaient étatiques,
celui-ci est global et anti-étatique.
Dans le sens, où les décisions
politiques fondamentales ne sont plus
prises au niveau national, mais l'Etat
est préservé dans ses structures, car il
faut bien un instrument pour les mettre
en oeuvre et les adapter aux
spécificités de chaque territoire.
Et dans le cadre
d'un totalitarisme global, il est
beaucoup plus difficile d'organiser une
résistance efficace, faute d'un centre
de pouvoir alternatif pour apporter son
soutien.
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