Russie politics
L'impasse de la coopération
américano-russe
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 9 mars 2017
Malgré les déclarations du Président D.
Trump affirmant vouloir améliorer les
relations entre les Etats Unis et la
Russie, aucun réchauffement ne se fait
sentir, la ligne semble plutôt être
celle de la continuation de la politique
de guerre froide menée par
l'Administration Obama. Et la
candidature pressentie pour occuper le
poste d'ambassadeur américain à Moscou
ne donne pas beaucoup d'espoir de
changement de cap.
Le
Président D. Trump fait des déclarations
aussi variées que, semble-t-il,
contradictoires en ce qui concerne la
Russie. D'une part il affirme la
nécessité de la collaboration entre les
deux pays, mais il estime aussi que les
sanctions doivent être maintenues
jusqu'à ce que la Crimée redevienne
ukrainienne, autant dire indéfiniment.
Il estime impossible de réguler le
conflit au Moyen Orient sans la Russie,
mais la coopération réelle entre ces
pays en ce qui concerne la lutte contre
le terrorisme traine. Et surtout il
s'entoure de personnalités ayant un
discours particulièrement anti-russe,
que ce soit au Département d'Etat ou au
Pentagone. La Russie est à nouveau
qualifiée d'ennemi des Etats Unis, le
Congrès se rappelle l'interdiction
faite au Pentagone de commercer avec
l'entreprise d'export russe militaire.
Les
déclarations de son conseiller en
sécurité nationale, Michael Anton,
considéré comme le cerveau gris de la
politique étrangère de Trump, ne sont
pas très claires non plus. Il affirme à
un journaliste de l'agence russe
d'information
TASS:
Je
pense que si l'on trouve des modalités
de coopération, qui correspondent
réellement aux intérêts américains,
alors notre Administration pourra mettre
tout cela en forme et arriver à un
consensus entre toutes les parties
intéressées, c'est pourquoi je ne pense
pas que la fenêtre soit obligatoirement
fermée. Bien sûr, la pression mise par
les médias ne nous aide pas dans
l'élaboration d'une stratégie politique,
mais elle ne peut en prédéterminer
l'issue.
A la
question de savoir combien de temps il
faudra à la nouvelle Administration pour
établir cette politique, la réponse
n'est pas plus engageante, si l'on
regarde les choses froidement:
Je
pense que quelques mois, c'est réaliste,
pas quelques semaines. Mais je ne veux
pas anticiper sur le résultat. Parce
qu'il n'est pas exclu que nous
procédions à des consultations entre les
services et que nous décidions que nous
ne voyons pas le moyen pour que ça
marche. Que dans la pratique, personne
ne voit comment y arriver.
En traduction, l'Administration Trump
est dans l'impasse quant à la
détermination de ses relations avec la
Russie. A la fois en raison de
l'activisme des médias majoritairement
pro-démocrates et pro-globalistes qui ne
peuvent se résoudre à voir leur clan
idéologique perdre le pouvoir et sont
prêts à se battre jusqu'au bout pour
reprendre les rênes du pouvoir. Pour
cela, sans parler de coup d'Etat, il est
suffisant d'empêcher de gouverner et de
forcer Trump à mettre en place des
personnes qui vont restreindre ses
possibilités. Autrement dit, convertir
le compromis politique en combat. Et D.
Trump s'est enferré dans ce mouvement à
l'international, pour préserver ses
forces dans ce qui est son combat
principal: la politique intérieure.
La
prochaine nomination du nouvel
ambassadeur américain à Moscou reste
dans cette veine.
Jon
Hutsman est un business man, fut
ambassadeur sous les républicains à
Singapour en 1992-1993, sous les
démocrates en Chine en 2009-2011, ancien
gouverneur de l'Utah (2005-2009). Depuis
2014, ce qui est encore plus
intéressant, il est président de
l'Atlantic Council, organisation
fondée pour soutenir l'OTAN dans les
pays qui en sont membres. Sa nomination
est d'autant plus surprenante, qu'il a
soutenu mais aussi fortement critiqué
Trump lors de sa campagne. Or, ce poste
est particulièrement sensible vu le
contexte géopolitique, comme le rappelle
la presse anglosaxonne. Par exemple dans
Politico, qui a confirmé
l'acceptation par Hutsman de la
proposition faite par Trump, l'on peut
lire:
Sources say he plans to accept the job,
one of the most sensitive and high
profile ambassadorships, especially
given the FBI and congressional
investigations into Russian President
Vladimir Putin's apparent efforts to tip
last year's election in his favor and
contacts between Russian officials and
the Trump campaign.
Cette
nomination réjouie d'autant plus les "experts"
proche de ces milieux globalistes et
anti-russes:
En
Russie, le cours de la politique
américaine laisse de plus en plus
perplexe. Certes, il est bien compris
que les médias font leur possible pour
rendre toute coopération américano-russe
impossible, mais force est de constater
que les nominations faites par le
Président américain ne sont pas de bonne
augure pour une réorientation du cap
politique. Par exemple, le président de
la commission du Conseil de la
Fédération pour les affaires étrangères,
A.
Pushkov, déclare que J. Hutsman ne
permettra pas un rapprochement entre les
deux pays. Son engagement dans
l'Atlantic Coucil allant à l'encontre de
cette possibilité.
Au
regard de cela, la publication d'un
sondage réalisé par la Quinnipiac
University selon lequel les américains
ne seraient à 54% pas satisfaits de la
politique de D. Trump à l'égard de la
Russie laisse songeur. De quelle
politique ne sont-ils pas satisfaits,
car elle n'est pas lisible.
Regrettent-ils qu'ils aient fait des
déclarations envers un rapprochement, ou
ses déclarations sur le retour de la
Crimée, ou sur le maintien des
sanctions, ou sur le danger que
représente la Russie? Ce type de sondage
est absolument vide de sens dans ce
contexte. Mais permet de suggérer sans
dire, plus pour former l'opinion que
pour l'analyser.
Dans
tous les cas, la coopération
russo-américaine est largement entravée
par un contexte de guerre froide, dont
la sortie ne semble pas proche.
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