Russie politics
Le Comité paralympique russe écarté:
pourquoi cette décision est politique?
Karine Bechet-Golovko
A. Labzine,
athlète paralympique
Lundi 8 août 2016
Une
fois n'est pas coutume, avant même que
les instances olympiques - ici
paralympiques - ne l'annoncent, la
presse anglosaxonne en faisait ses gros
titres: la Russie est écartée des Jeux
Paralympiques de Rio. Le lendemain, le
Comité international paralympique, en
toute indépendance, reprend
l'explication du Guardian. La presse est
enthousiaste, la mesquinerie a gagné.
Les athlètes paralympiques russes ne
participeront pas aux JO ... pour
défendre les valeurs olympiques et
glorifier les efforts fait par ces
athlètes hors du commun. Bravo, belle
victoire. Quelle époque!
Nous
avons les victoires que nous méritons,
celles-ci ne sont pas très glorieuses.
Le 6 août, The
Guardian publie un article
expliquant que le Comité paralympique va
prendre la décision que le CIO n'a pas
voulu prendre et suivra les
recommandations du rapport McLaren, même
si celui-ci vient de déclaré qu'on l'a
mal compris:
The
International Paralympic Committee is
set to do what its Olympic counterpart
did not and ban Russia outright
from its Games later this month, the Observer has
learned.
Le
lendemain, le 7 août, le
Comité paralympique suit les
recommandation du Guardian rapport
McLaren et publie sa décision sur son
site: le Comité russe paralympique est
immédiatement suspendu car il y a un
problème de dopage d'état en Russie, ce
que le rapport McLaren a clairement
identifié:
Sir Philip Craven , IPC President,
said: “This decision has placed a huge
burden upon all our shoulders, but it’s
a decision we’ve had to take in the best
interests of the Paralympic Movement.
Qui en
aurait douté, surtout lorsque l'on
connait la force des preuves apportées
par le rapport McLaren.
Comme nous l'avons déjà écrit ici.
Ces
décisions envers les sportifs russes
étaient déjà tellement "solides" sur le
plan juridique, qu'elles furent remises
en cause par le Tribunal arbitral du
sport, celui-ci ayant déclaré illégal le
principe de la double peine ... mais
passe sous silence la responsabilité
collective. Bref, les sportifs russes,
qui avaient été dans le passé convaincus
de dopage et qui ont effectué leur peine
de suspension, sont habilités à
participer. Mais tous n'ont pas ensuite
fait les recours nécessaires et certains
n'ont pas eu le temps matériel de venir.
Toujours est-il que, par exemple, les
rameurs I. Podchivalov et A.
Korabelchikova, la nageuse Y. Efimova
sont réhabilités, contre l'avis du CIO
et contre l'avis de l'Agence mondiale
anti-dopage.
L'ambiance recherchée a toutefois été
atteinte aux JO. Les
nageurs russes, propres, non dopés,
se font sifflés avant la finale du 4
fois 100m. Bel esprit olympique.
En ce
qui concerne les sportifs paralympiques,
certains experts
soulignent des incohérences dans le
rapport McLaren, notamment lorsqu'il
pointe des disciplines où les sportifs
russes sont touchés par le dopage, comme
la lutte libre, qui n'est pas une
discipline paralympique. Egalement
passons.
Cette
décision apprend-on également, ne peut
être contestée individuellement par les
sportifs concernés. La responsabilité
est collective. Ils sont coupables car
ils sont russes. Donc seule la Russie
peut contestée. C'est une aberration de
priver les individus de la défense de
leurs droits. Mais le Comité
international paralympique déclare tout
son cynisme dans cette phrase:
“I
have deep sympathy for Russian Para
athletes who will miss out on the Rio
2016 Paralympic Games. They are part
of a broken system and we sincerely hope
that the changes that need to happen, do
happen.
C'est
une honte. Ils n'ont pu toucher la
Russie à travers le CIO, dont T.
Bach a même déclaré que l'AMA avait
pris une décision politique, la pression
a été mise sur le Comité international
paralympique. Et chacun de se rassurer,
la revanche a été prise. Comme l'écrit
le journal
Le Monde, toujours au plus haut
niveau de l'ignominie:
Des
sports paralympiques avaient été pointés
parmi les disciplines ayant bénéficié
d’un « dopage d’Etat » entre 2011 et
2015 dans un rapport publié quelques
semaines avant les Jeux
olympiques (JO). En vertu de ce
rapport, le TAS avait confirmé l’exclusion de
l’équipe russe d’athlétisme des
JO de Rio mais le Comité international
olympique (CIO) n’avait pas suivi les
recommandations de l’Agence mondiale
antidopage (AMA) d’exclure toute la
délégation russe. L’IPC aura eu plus de
courage que le CIO.
La
notion de "courage" devient très
relative. De quel courage parle ce
journal? De celui de reprendre les
positions du Guardian? De soutenir la
politique d'état ? Ils pourraient
également tenter de parler
d'indépendance, ils seraient tout aussi
ridicules.
Le
courage de se lever chaque matin, malgré
un corps que l'on sent à chaque instant
de la journée. Le courage de vivre une
vie "normale", malgré les difficultés
qu'il faut bien prendre comme elles
viennent, car on n'y peut rien, elles
sont là et seront toujours là: les
jambes ne repoussent pas, lèves-toi et
marche, certes, mais seul, avec ta seule
volonté. Le seul miracle ici est celui
du combat quotidien. Pour ne pas être
invalide, mais simplement être. Comme
l'on est.
Et ce
sont ces imbéciles pétris de cynisme et
de compassion bon marché qui seront les
premiers à venir pleurnicher pour se
donner bonne conscience. Le Comité
paralympique a violé non seulement
l'esprit olympique, mais a piétinné les
valeurs du mouvement paralympique. Il
n'y a pas d'argent en jeu ici. Les gens
s'entraînent souvent en plus de leur
travail, les fédérations sont assez peu
financées, le sport paralympique sort
depuis peu de l'ombre, les droits
télévisuels se vendent mals. Ce sont des
gens qui se battent pour le sport, pour
eux-mêmes, par caractère et par
conviction.
Les
réactions en Russie sont fortes, même
chez les habituels contestataires et
défenseurs des droits de l'homme. Le
choc est généralisé. Evidemment, les
recours seront déposés devant les
instances sportives et s'il le faut
devant les juridictions civiles.
Evidemment le
ministre des sports s'exprime:
"A mon
sens, cela dépasse déjà l'entendement",
a déclaré M. Moutko à l'agence de presse
Interfax, en dénonçant une décision
"partiale et politiquement motivée".
L'on
retiendra par ailleurs, la réaction de
L.
Alekseeva, présidente du Groupe
Helsinki de Moscou figure de la
dissidence qui déclare que cette
décision est particulièrement violente
et injuste.
L'histoire se répète. Jusqu'au jour où
elle est trop brisée, où les morceaux ne
se recollent plus. Car rien n'est
éternel. J'ai l'impression que nous
vivons à crédit, sur le dos des
générations précédentes, qui ont
construit un certain modèle de société.
Modèle que nous nous escrimons à
détruire, comme des sales gosses qui
crachent dans la soupe pour prouver
qu'ils sont adultes. Et par quoi
prétendons-nous le remplacer? Nous
laissons des ruines et des parodies
derrière nous. Même le sport a été
touché.
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