Russie politics
La dystopie macronienne : de la
"sécurité globale "
à la "surveillance
globale"
Karine Bechet-Golovko

Samedi 7 novembre 2020 Alors que les
regards sont tournés vers
l'Outre-Atlantique et les cerveaux
confinés ad vitam, d'étranges
textes de loi se discutent à l'Assemblée
nationale. La majorité présidentielle a
déposé une proposition de loi "relative
à la sécurité globale", qui affirme à
juste titre son affiliation -
globaliste. En quelques articles, le
sens de la police municipale est modifié
pour en faire de facto un échelon
de maillage répressif, le rôle et les
compétences des organes de sécurité
privés sont renforcés et les étrangers
peuvent y participer s'ils maîtrisent la
langue française, la surveillance
technologique est généralisée, de la
prévention à l'intervention,
transmettant en temps réel les données
et les forces de l'ordre doivent
être protégées d'un regard
"malveillant". Ce magma futuriste se
développe en l'absence d'une quelconque
volonté politique de maintenir l'ordre
sur l'ensemble du territoire français,
sans soutenir les forces de l'ordre lors
de leurs interventions dans les
"territoires perdus de la République",
après avoir déshumanisé la police tout
en diminuant le seuil de légitimité du
recours à la violence contre la
population. Ce n'est certainement pas ce
nouveau texte qui va résoudre les
problèmes de sécurité en France, mais il
va en revanche contribuer à réaliser ce
"nouveau monde" inhumain et global.
Alors que l'on ne
cesse de remarquer un ensauvagement des
territoires, avec des agressions de plus
en plus violentes et primaires, le tout
dans une ambiance bon ton tolérante pour
ces pôvres petits qui ne savent pas ce
qu'ils font. Alors qu'un nombre
impressionnant de FDO est lancé dans le
contrôle des attestations de déplacement
d'une population lassée et écrasée par
une rhétorique psdeudo sanitaire,
réellement autoritaire. Alors que le
pays vit dans un état d'exception qui
est devenu permanent, passant du
terrorisme au virus par alternance, sans
prendre le risque de s'interroger sur le
fond de ces problèmes.
Bref, alors que la
situation est délétère, les députés de
la majorité nous lancent En Marche vers
un fantasme recuit de science-fiction
des années 50, avec leur proposition de
loi "relative à la sécurité globale",
dont le texte est disponible
ici sur le site de l'Assemblée nationale,
qui ressemble à s'y méprendre à de la
surveillance globale et en cours de
privatisation.
Dans le Titre I,
la proposition de loi envisage la
transformation de l'esprit de la police
municipale en renforçant ses
compétences en matière de constatation
d'infractions dans des domaines aussi
variés que les infractions routières ou
le trafic de drogue. La police
municipale, dans la logique de la police
de proximité, devait garantir le lien
entre la population et les FDO, cet
aspect est totalement oublié
aujourd'hui, elle semble être
transformée en un élément de la Police
judiciaire, un maillon au rabais, en
bouche-trou.
Dans le Titre
II, une privatisation rampante de la
"sécurité globale" est mise en place, à
quel point les sociétés privées de
sécurité sont indispensables
aujourd'hui. Il est vrai que face aux 21
500 policiers municipaux, les 165 000
agents privés de sécurité produisent un
effet de masse. Et ces forces privées,
qui peuvent comprendre des étrangers
maîtrisant le français (merci!), vont
voir leurs compétences augmenter,
notamment pouvoir dresser des PV, noter
les témoignages, relever l'identité et
l'adresse du présumé coupable, le
retenir en attendant l'arrivée d'un
policier ou d'en gendarme (art. 18 du
projet de loi). Autrement dit, des
compétences de puissance publique sont
transférées à des individus, qui ne
représentent pas l'Etat et n'agissent
pas en son nom. Dans la même logique,
ils reçoivent des pouvoirs de contrainte
en matière d'obligation de publicité des
sanctions adoptées à l'égard de
personnes physiques et morales (art.
19).
Le Titre III
met en place un système de
surveillance électronique, qui
repose autant sur les caméras
individuelles (art. 21), que sur les
caméras aéroportées (art. 22). Les
images peuvent être transmises en temps
réel, ce qui a provoqué une réaction
négative du
Défenseur des droits, l'atteinte
potentielle aux libertés fondamentales
étant considérable. L'on appréciera
également la précision de l'art. 22
concernant les caméras aéroportées sur
les voies publiques, qui ne doivent pas
permettre de visualiser l'intérieur des
domiciles, ni de façon spécifique,
leurs entrées. Donc, accessoirement,
c'est possible, mais pas de manière
spécifique.
Le Titre IV
est celui qui a fait le plus réagir les
médias, car il les concerne directement,
en prévoyant une forte limitation de
la diffusion des images des FDO. La
loi sur la liberté de la presse est
complétée d'un article ainsi rédigé :
« Art. 35 quinquies. – Est
puni d’un an d’emprisonnement et de
45 000 euros d’amende le fait de
diffuser, par quelque moyen que ce soit
et quel qu’en soit le support,
dans le but qu’il soit porté atteinte à
son intégrité physique ou psychique,
l’image du visage ou tout autre élément
d’identification d’un fonctionnaire de
la police nationale ou d’un militaire de
la gendarmerie nationale lorsqu’il agit
dans le cadre d’une opération de
police. »
Cette disposition,
devant limiter l'application de la
restriction de diffusion d'images, "dans
le but qu'il soit porté atteinte à son
intégrité physique ou psychique"
peut être interprétée tellement
largement selon les besoins de la
situation, que l'interdiction risque
d'être de facto générale.
Le syndicat de la
magistrature a particulièrement
négativement réagi à cette proposition
de loi. Il est possible de
lire l'intégralité de leur communiqué
ici, pour l'essentiel :
"la majorité
parlementaire se plaît - sans consulter
la CNIL - à déposer cet énième texte,
lequel a pour finalités essentielles
d’accroître la surveillance de masse et
les pouvoirs des polices locale et
privée, au nom du « continuum de la
sécurité », doctrine qui a démontré
depuis plus de vingt ans qu’elle ne
produisait ni cogestion entre les
polices, ni proximité avec la population
mais répondait au besoin d’extension
d’un marché privé de la sécurité très
lucratif. (...) Ce projet est en
cohérence avec la priorité donnée par le
gouvernement à la justice pénale de «
proximité », qui est tout sauf de la
proximité, puisqu’aucunement de nature à
répondre aux besoins quotidiens
essentiels des justiciables, mais
correspond uniquement à la volonté de
concentrer les maigres moyens de la
justice sur la répression accrue des
actes de délinquance les moins graves.
Le but est de quadriller chaque recoin
de l’espace public en déployant des
moyens technologiques permettant une
surveillance généralisée, en donnant
compétence à des agents qui ne sont pas
formés mais qui feront nombre pour
relever des infractions en dehors de
tout contrôle de la justice, et de faire
encore reculer le contrôle démocratique
sur ce qui se joue, les forces de
l’ordre devenant finalement les seules à
échapper aux honneurs des caméras.
Tandis qu’un blanc-seing sans limite et
sans contrôle est donné aux agents de la
puissance publique pour réprimer tous
azimuts, leur rôle pacificateur, les
liens qu’ils devraient tisser avec les
populations qu’ils protègent sont
désormais totalement perdus de vue. Tant
pis pour les libertés publiques, et tant
pis si ces coups de menton n’ont aucun
effet réel sur le niveau de la
délinquance."
Il est urgent de
déconfiner nos cerveaux avant de se
réveiller dans une nouvelle réalité
inhumaine, électronique, faite de
surveillance et d'insécurité. Ce monde
global vers lequel nos élites nous
dirigent au pas de course.
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