Russie politics
Idlib: cette étrange attaque chimique
qui rappelle l'imposture de Ghouta
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 6 avril 2017
Le 4 avril, sur la foi des déclarations
du très controversé Observatoire syrien
des droits de l'homme basé à Londres et
des photographies diffusées par les
Casques blancs toujours présents du côté
des terroristes en Syrie, la communauté
internationale accuse d'une seule voix
le régime syrien d'avoir utilisé des
armes chimiques contre des civils,
commettant ainsi un crime de guerre
impardonnable. Qui doit donc obliger la
Russie à réviser son soutien à Assad et
rejoindre le camp du "Bien". Amen.
Pourtant, les choses ne sont pas aussi
simples ...
La province d'Idlib
est très largement contrôlée par l'Armée
syrienne libre et le Front Al Nusra.
C'est certainement pour cela, que l'on y
retrouve les
Casques blancs, ceux-là mêmes qui
diffusaient depuis Alep pour "alerter la
communauté internationale" et dont l'on
n'a pas retrouvé la trace lors de la
libération de la ville, mais qui sont
absents à Mossoul. L'on retrouve aussi,
l'incontournable Observatoire syrien des
droits de l'homme basé à Londres,
Observatoire rappelons-le composé ...
d'une personne. Le schéma
politico-médiatique utilisé ici est
semblable à celui utilisé pour Alep et
la soi-disant attaque chimique de Ghouta
dont le régime syrien avait été
immédiatement accusé avant qu'une
enquête ne le démente.
L'agence
d'information
Reuters, sur la base des
"informations" ou plutôt déclarations,
de ce fameux Observatoire londonien
lance l'opération. Près d'une centaine
de morts et des dizaines de blessés,
dont les symptômes sont ceux d'une
intoxication, les coupables sont
immédiatement désignés dans les
médias:
L'observatoire,
basé en Grande-Bretagne n'était pas en
mesure non plus de dire si les raids
étaient le fait d'avions de l'armée
syrienne ou de ceux de la Russie, allié
du régime.L'OSDH a indiqué
que des sources médicales dans la ville
avaient fait état d'évanouissements, de
vomissements et de présence de mousse
dans la bouche des victimes. Des photos
de militants montrent les volontaires
des Casques Blancs, les secouristes en
zone rebelle, aider des blessés en les
aspergeant d'eau avec des tuyaux
d'arrosage.
L'alternative est
simple: Moscou ou Damas. La source est
également très spéciale: Casques blancs
ou OSDH. La pression continue à monter
dans la presse qui publie les "mises à
jour" de ce fameux Observatoire
londonien et de ces étranges Caques
blancs, chacun se précipite pour
condamner ce qu'il est convenu d'appeler
un crime de guerre, puisque, en effet,
le recours aux armes chimiques est
interdit:
Donald Trump a
évoqué "les petits enfants et même de
beaux petits bébés" qui ont péri. "Leur
mort fut un affront à l'humanité. Ces
actes odieux par le régime d'Assad ne
peuvent pas être tolérés" (...). Le
président français François Hollande a
réclamé "une réaction de la communauté
internationale à la hauteur de ce crime
de guerre". Pour le chef de la
diplomatie britannique Boris Johnson,
"toutes les preuves (...) laissent
penser que le régime d'Assad" a utilisé
"des armes illégales en toute
connaissance de cause".
La Russie déclare
n'avoir effectué aucun vol dans la
région et avance une autre
explication: l'armée syrienne a
bombardé un entrepôts d'armes entre les
mains des terroristes et il se trouve
que ces terroristes "modérés"
possédaient des armes chimiques. Ce qui
ne dérange manifestement nullement la
communauté internationale.
«D’après les
données du contrôle russe de l’espace
aérien en Syrie, le 4 avril de 11h30 à
12h30 [heure locale], l’aviation
syrienne a frappé un entrepôt d'armes
chimiques et d'équipement militaire des
terroristes, situé dans l’est du village
rebelle de Khan Cheikhoun», a déclaré le
porte-parole de la Défense russe, Igor
Konachenkov.«Dans cet entrepôt
se trouvaient des ateliers pour la
production de bombes chargées
d'explosifs toxiques. Depuis ce grand
atelier, les terroristes envoyaient des
munitions contenant des
substances chimiques en Irak. Leur
utilisation a été prouvée maintes fois
par les organisations internationales,
ainsi que par les autorités
irakiennes», a-t-il poursuivi. Ces mêmes
munitions chimiques avaient été
utilisées par des rebelles lors de
l'attaque chimique d'Alep en 2016, a
fait savoir le porte-parole de la
Défense russe, qui avait participé à
l'enquête de l'année dernière.
Si tel est le cas,
une question se pose: pourquoi les
Etats Unis et leur coalition, qui
soutiennent les opposants au
régime d'Assad, n'arrivent-ils pas à
garantir la destruction des armes
chimiques par les terroristes comme ils
s'y étaient engagés? Puisque cette
zone ressort de leur responsabilité -
étant hors de contrôle du régime syrien.
Rappelons qu'à ce
jour, aucune donnée objective n'existe,
puisqu'aucune enquête sérieuse n'a été
encore faite, les photos des Casques
blancs, habitués par ailleurs à la mise
en scène, sont toutefois suffisantes
pour les membres du Conseil de sécurité
de l'ONU. Notamment la France, la Grande
Bretagne et les Etats Unis qui accusent
Assad et la Russie en brandissant des
photos. Il est vrai que le Conseil de
sécurité de l'ONU a de fortes traditions
en la matière. Ici, Nikki Haley remplace
avantageusement Colin Powell.
La machine est
lancée et s'alimente elle-même.
Reuters publie sur la responsabilité
d'Assad, rappelant en passant très vite
que la zone est sous contrôle de Al
Nusra. Nous sommes donc bien loin de
l'opposition "modérée", tant appréciée
sous nos cieux oublieux, mais bien face
à une organisation terroriste. Le
New York Times, alimente les
complies avec un article sur toutes les
horreurs attribuées au régime d'Assad.
Même lorsqu'elles furent démenties, le
quotidien oublie les mises à jour. Tout
le monde peut avoir des oublis ...
L'essentiel est ici:
In six years of
war, President Bashar al-Assad of Syria has
overseen a campaign of carnage,
turning an enormous cache of deadly
weapons against the very people they
were
presumably stockpiled to protect.
In a campaign to crush rebels and
jihadists, Mr. Assad and his allies have
relied on tactics that
go far beyond the norms of modern
warfare to kill many thousands of
Syrians.
La messe est dite:
Assad est coupable et ... la Russie doit
choisir son camp. Elle ne peut plus,
comme l'affirme le Secrétaire d'Etat
américain, continuer à soutenir Assad.
Ainsi apparaît
le double résultat de cette "attaque
chimique": éloigner la Russie d'Assad et
sinon l'éloigner le Trump.
Dans tous les cas, la situation est
difficile. La Russie a manifestement,
vus les communiqués de presse, fait le
choix rationnel de l'observation
objective partant de cette question de
bon sens: à qui profite le crime?
Certainement pas à Assad.
D'ailleurs,
certains membres du Congrès américains
ont, eux aussi, des doutes. Thomas
Massie déclare ainsi à
CNN qu'il ne pense pas qu'Assad ait
volontairement lancé une attaque
chimique:
"Frankly, I don't
think Assad would have done that,"
Massie said. "It does not serve his
interests."
Cela est d'autant
plus vrai que
Tillerson rejoignait la position
russe quant à l'avenir d'Assad, dont le
départ n'était plus exigé. Trump
voulait renforcer la coopération avec
la Russie sur la crise syrienne.
Maintenant, la situation a radicalement
changé: Assad est un monstre que la
communauté internationale ne peut
accepter en son sein et la Russie doit
en prendre acte. Trump, a déjà déclaré
qu'il ne partagera pas avec la Russie
ses plans militaires concernant la
Syrie.
S'il y a vraiment
un clan qui n'a rien à y gagner, c'est
bien celui de la Syrie et de la Russie.
Nous pourrions peut être en tirer les
conclusions avant de se mettre à hurler
avec les loups. La même opération
médiatique avait été lancée avec
l'attaque chimique de Ghouta en 2013,
qui devait conduire à une intervention
militaire au sol contre Assad. Comme en
Irak. Comme ailleurs. L'intervention de
la Russie a permis de préserver la Syrie
d'une telle guerre. Surtout que
finalement cette attaque n'a pu être
imputée à Assad après
enquête. Cette "attaque" d'Idlib
tombe à pic.
Le sommaire de Karine Bechet-Golovko
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|