Russie politics
Politique américaine envers la Russie :
y a-t-il un pilote dans l'avion US ?
Karine Bechet-Golovko
Lundi 2 septembre 2019
Le G7 fut l'occasion d'une passe d'armes
entre le Président américain Donald
Trump et une bonne partie des autres
pays membres, à l'exception notable de
la France, quant à un potentiel retour
de la Russie dans ce Club très privé.
Qu'un désaccord sur des questions
stratégiques ait lieu entre différents
pays est chose courante, en revanche le
conflit intérieur quant à la ligne
politique des Etats-Unis est plus
surprenant. L'on peut d'ailleurs se
demander s'il y a un pilote dans l'avion
US ...
Chacun se
souviendra de l'opposition entre Trump
et notamment Tusk au G7, au sujet du
retour de la Russie, auquel Tusk
préférait voir une entrée de l'Ukraine
(voir notre texte ici). Si ces
oppositions sont normales, les intérêts
des uns ne correspondant que très
rarement à celui des autres, il est
beaucoup plus surprenant de voir la
réaction quasi immédiate d'officiels
américains, soutenant manifestement
beaucoup la position radicale de Tusk
que celle rationnelle de Trump,
pragmatique, pour qui il est plus facile
de résoudre un certain nombre de
questions avec la Russie que sans elle.
Pour comprendre la
suite, rappelons-nous que le retour de
la Russie dans un nouveau G8 est
conditionné, pour les Européens, à sa
"bonne conduite" sur le dossier
ukrainien, ce qui concerne
concrètement la guerre civile (donc
ukraino-ukrainienne) du Donbass. Or,
pour les Etats-Unis, la question est
beaucoup plus large. Alors qu'en France,
le porte-parole informel de l'Elysée sur
BFM, l'incontournable Barbier
déclarait que la Crimée était russe
et le restera, le représentant des
Etats-Unis en Ukraine, Kurt Volker,
conditionne le retour à un G8 à
l'abandon de la Crimée par la Russie,
dans une interview qu'il donne à une
chaîne ukrainienne et que le Département
d'Etat américain twitte en russe,
pour être certain d'être compris :
Ainsi, la Russie a
été exclue du G8 redevenu G7 en 2014 en
raison du rattachement de la Crimée à la
Russie après un référendum d'initiative
populaire d'indépendance de la
population locale suite à la révolution
du Maidan (les Ukrainiens reconnaissent
le caractère révolutionnaire du Maidan).
Or, cette révolution a mis fin à l'Etat
ukrainien, tel que découlant de la chute
de l'URSS, ce qui a permis, dans ce
vide, aux Criméens de remettre en cause
le contrat social et de demander leur
rattachement à la Russie. Sans la
révolution atlantiste du Maidan, l'Etat
ukrainien aurait continué à exister sans
rupture et le contrat social n'aurait
pas été remis en cause, ce qui n'aurait
pas entraîné la perte de la Crimée et la
guerre civile dans le Donbass.
Le Clan
atlantiste ne peut effectivement
accepter et ni reconnaître les
conséquences désastreuses de cette
politique expansionniste à coup de
révolutions et a sanctionné la Russie,
puisqu'il faut bien un responsable. Or,
les Etats-Unis ne s'excusent jamais de
leurs actions. S'ils ne se sont pas
excusés pour les bombes atomiques au
Japon, ils ne vont certainement pas se
poser de questions, quant aux
conséquences désastreuses pour les pays
concernés par les guerres et révolutions
menées de par le monde. Revenir au G8
est donc inacceptable - et impensable -
pour eux dans ce contexte.
L'abandon par la
Russie, non seulement de son soutien
humanitaire et technique au Donbass,
mais surtout de la Crimée est
fondamental pour que ce Clan puisse à
nouveau respirer et affirmer être le
Clan du Bien contre le Mal. Tant que la
Crimée reste russe, leur échec est
flagrant et leur toute-puissance remise
en cause. D'où la sortie de Volker,
membre du Clan atlantiste. D'où les
déclarations de Bolton à Kiev rappelant
son soutien "au peuple" ukrainien, qui
s'est battu contre "l'agresseur russe" :
Ce que l'on voit
parfaitement apparaître ici est la
frontière idéologique qui traverse les
Etats-Unis. D'un côté, vous trouvez
Trump, se battant pour un retour de
la Russie dans le Concert des Nations,
déclarant vouloir l'inviter en 2020, car
la Russie étant redevenue un acteur qui
compte, il est impossible de régler les
questions internationales sans elle.
Position pragmatique. De l'autre côté,
le Clan atlantiste se débat dans les
décombres de sa toute-puissance, qui
sans plus être omnipotent est quand même
encore très puissant et ne peut accepter
un retour de la puissance russe sur la
scène internationale. Position
idéologique.
Dans cette
cacophonie montante, la Russie reste
calme. Tant face à une restauration du
G8, le Président Poutine rappelant à
juste titre que, sur le plan économique
et stratégique, le G20 est plus
efficace, car les véritables puissances
montantes aujourd'hui y sont
représentées. Tant face à l'urgence de
Macron et de Merkel d'entraîner la
Russie dans un Format Normandie, le
ministre russe des Affaires étrangères
Lavrov rappelant très justement que ces
réunions ne sont pas un but en soi -
pourquoi pas, mais il y a des choses -
concrètes - à faire avant, choses qui
dépendent principalement de l'Ukraine
...
Bref, ce petit
combat est celui du Clan atlantiste qui
a besoin de faire plier la Russie pour
conforter son hégémonie. De son côté, la
Russie semble à juste titre assez
indifférente : elle n'est pas a piori
contre, mais elle n'est pas non plus
pressée d'accepter ce qui n'a pas encore
été officiellement formulé, car
finalement l'important est ailleurs.
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