Opinion
Fin de l'impunité
pour Israël ?
Karim Mohsen
Mardi 17 décembre 2013
La campagne de boycott, de
désinvestissement et de sanction (BDS)
contre Israël, menée par des ONG
internationales en coordination avec les
Palestiniens commence à avoir de
l'effet. En effet, peu à peu des
sociétés occidentales et des Etats
européens prennent conscience que le
statu quo dans les territoires
palestiniens ne pouvait plus perdurer.
Face à l'impuissance des Nations unies à
contraindre Israël à se conformer aux
résolutions du Conseil de sécurité et
surtout à l'impunité dont jouit l'Etat
hébreu grâce à la protection que lui
assurent les Etats-Unis - pas avares de
l'usage du veto pour faire barrage à
toute condamnation d'Israël - il fallait
passer à une autre forme et dimension de
refus au déni du droit des Palestiniens
à un Etat indépendant. D'où l'idée
d'isoler les colonies israéliennes -
érigées à Jérusalem-Est et en
Cisjordanie occupées - par le boycott
international des produits en provenance
des territoires occupés et
commercialisés en Europe par des
entreprises occidentales. S'il a été
lent à prendre forme, cet isolement
d'Israël commence néanmoins à être
perceptible au point de préoccuper les
Etats-Unis qui, cependant, ne sont pas
étrangers à la morgue dont fait montre
l'Etat hébreu envers ses critiques,
systématiquement accusés
d'antisémitisme. Ainsi, le
vice-président américain, Joe Biden,
assurait récemment qu'il n'a «jamais vu
en 40 ans un tel effort de
délégitimation d'Israël», estimant que
c'est là la «plus grave menace à la
sécurité et à la viabilité d'Israël».
Mais à qui la faute? Si le boycott a eu
un tel impact sur le principal allié de
l'Etat hébreu, c'est que cette action
pacifique est dans le vrai et va, enfin,
faire bouger les choses. Le BDS pourrait
ainsi devenir l'arme qui mettra Israël
face à ses responsabilités et réussir là
où les conférences internationales et
les résolutions de l'ONU ont échoué. Un
boycott ciblé auquel de plus en plus
d'entreprises et d'Etats européens
commencent à adhérer. Omar Barghouti,
membre fondateur du BDS dans les
territoires palestiniens, explique:
«Malgré les différences évidentes entre
l'Afrique du Sud de l'apartheid et le
régime pyramidal d'oppression israélien,
il y a de nombreux airs de famille. La
domination d'Israël sur les Palestiniens
constitue une occupation, une
colonisation et un apartheid.» Cet
apartheid que les Européens rechignent à
admettre existe bel et bien et ses
signes sont partout visibles dans les
territoires palestiniens - le mur de la
honte qui coupe la Cisjordanie, les
milliers de barrages qui ceinturent
villes et villages palestiniens, les
autorisations que les Palestiniens
doivent avoir pour se déplacer d'un
endroit du territoire à l'autre...- pour
convaincre les plus crédules quant à
l'oppression qu'Israël impose aux
Palestiniens. En fait, Israël commence à
percevoir son isolement, marqué par
l'absence, relevée par les médias
internationaux, de l'Etat hébreu à
l'hommage mondial rendu à l'icône
africaine, Nelson Mandela. Ce qui a fait
écrire à l'éditorialiste du journal de
gauche israélien Ha'aretz que l'absence
remarquée des dirigeants israéliens aux
funérailles de Mandela «n'était pas un
accident», estimant impensable de
«laisser Israël non représenté au sommet
moral mondial». Mais le monde ne veut
plus d'un pays arrogant qui n'a jamais
su raison garder, qui a transformé Ghaza
en une immense geôle pour un million de
Palestiniens, expulsant ces derniers
d'El Qods et de Cisjordanie tout en
poursuivant l'expansion des colonies.
C'est dans ce contexte que l'Union
européenne (UE) a adopté des «lignes
directrices» qui excluent de sa
coopération les institutions et
entreprises israéliennes ayant des
activités dans les territoires occupés,
n'acceptant que les produits en
provenance d'Israël des lignes de 1967
qui sont la frontière reconnue par
l'ONU. Cela équivaut à la reconnaissance
par l'UE des frontières revendiquées par
les Palestiniens. Ces derniers temps, le
mouvement de boycott s'est accéléré avec
la décision d'entreprises et certains
Etats européens de rompre les liens de
partenariat avec les colonies. Il y a
deux ans, seuls deux pays de l'UE
étaient pour le boycott des produits en
provenance des colonies, ils sont 27
désormais. Longtemps l'Union européenne
avait fermé les yeux sur le fait que le
commerce avec les colonies confortait
l'occupation israélienne des territoires
palestiniens. Ainsi, le représentant de
l'UE pour le processus de paix, Andreas
Reinicke, a-t-il récemment appuyé que
cette revendication (le boycott)
continuerait à gagner du terrain en cas
d'échec des négociations de paix. Israël
se trouve désormais au pied du mur et le
choix qui s'impose à lui ne fait point
de doute. Israël saura-t-il le faire?
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