Opinion
Une obligation d'être enterré en Èrès
Yisro`él ?
Judaïsme contre Sionisme
Illustration :
cimetière du Mont des Oliviers
Samedi 31 janvier 2015
Très régulièrement, nous entendons
parler à travers les médias de Juifs
morts dans leurs pays qui se font
enterrer en Terre Sainte. Ce geste est
souvent mal interprété par les non
Juifs, mais également faussement
présenté par certains Juifs comme étant
une espèce d'obligation religieuse
dictée par notre religion. Il n'en est
pas ainsi, en dépit des « preuves » sur
lesquelles on pourrait s'appuyer pour
« prouver » qu'un Juif doit
obligatoirement être enterré en Terre
Sainte.
Tout d'abord, rien
que le nombre impressionnant de
cimetières juifs en-dehors de la Terre
Sainte, et dans lesquels sont enterrés
quelques-uns de nos rabbins les plus
illustres, ainsi que de nombreux
prophètes, suffit pour démontrer la
bêtise de l'affirmation selon laquelle
on devrait obligatoirement être enterré
en Terre Sainte en tant que Juif.
Deuxièmement, il existe de nombreuses
sources attestant de l'inverse. Nous
n'allons en citer ici que quelques unes.
Il arrive très
souvent que lorsque quelqu'un est
enterré en Terre Sainte, les proches
n'ont pas l'opportunité de visiter le
défunt régulièrement. Le Séfèr Hasidim1
dit que lorsque des gens rendent visite
et prient pour l'âme du défunt, cela
profite grandement au défunt. Par
conséquent, si enterrer quelqu'un en
Terre Sainte aura pour effet de ne
pouvoir visiter aisément la tombe, cela
n'est d'aucun bienfait de l'enterrer en
Terre Sainte. D'autres, se basant sur le
Zôhar, disent que si quelqu'un ne vivait
pas en Terre Sainte, on ne doit pas
l'y emmener et souiller ainsi la terre
en l'y enterrant après son décès !
Le Rov Yôséf `Èliyohou
Henkin ז״ל était vigoureusement
opposé à cette pratique consistant à
enterrer un défunt en Terre Sainte alors
qu'il est mort en-dehors de la Terre
Sainte. Il estimait que cette pratique
équivalait à faire preuve d'arrogance et
de fierté mal placée. À l'époque de la
Mishnoh, il était de coutume d'enterrer
les morts dans des vêtements très
coûteux. Mais les gens pauvres qui ne
pouvaient se le permettre financièrement
abandonnaient leurs morts dans les rues.
À cause de cela, Rabbon Gamli`él rédigea
un testament dans lequel il fit savoir
qu'il désirait être enterré dans un
simple linceul et un cercueil
rudimentaire. Depuis lors, cela devint
une coutume, puis la Halokhoh,
d'enterrer tous les morts de cette
façon, afin de ne plus faire la moindre
différence entre un défunt riche et un
défunt pauvre. Nous voyons donc qu'un
Juif n'est pas supposé dépenser une
fortune pour un enterrement. Et même si
vous disiez que c'est un Hiddour
(embellissement d'une Miswoh)
d'être enterré en Terre Sainte, cela ne
change toujours pas le fait que nous
n'avons pas le droit de dépenser de
grosses sommes pour cela. HaRov Henkin
écrit que cela est considéré comme le
fait de voler les veuves et les
orphelins étant donné que cela deviendra
très vite la pratique de beaucoup
d'autres personnes, au point que si
quelqu'un n'est pas dans la capacité
financière d'offrir un enterrement à un
défunt en Terre Sainte cela serait vu
comme un déshonneur envers le défunt.
Les gens se retrouveront donc sous
pression d'absolument enterrer leurs
morts en Terre Sainte. Il ajoute qu'on
pourrait peut-être le permettre pour une
grande sommité de la Tôroh par respect
pour la Tôroh (Kovôd Hattôroh).
Mais pour les autres, il n'est sans
aucun doute pas approprié de le faire.
Celui qui a reçu un grand héritage ne
doit pas le gaspiller pour des
cercueils, des stèles en marbre, et le
coût d'un voyage en Terre Sainte.
Plutôt, il doit utiliser l'argent pour
soutenir les institutions religieuses et
donner la Sédoqoh.2
Le saint Satmar
Rebbe זצ״ל, qui fut (et est
encore aujourd'hui) une grande lumière
pour des centaines de milliers de Juifs
pieux, était lui aussi vigoureusement
opposé à cette pratique. Il a déclaré :
« Nous n'avons ni vu ni entendu
quelque Saddiq ou dirigeant des
générations faire une chose pareille ! »3
On demanda une fois
au Rov Môshèh Feinstein זצ״ל si
oui ou non Moïse Montefiore et sa femme
pouvaient être exhumés pour être
enterrés en Terre Sainte. HaRov
Feinstein trancha que « seul un
enfant a l'autorité d'exhumer une tombe,
et non une tierce partie. En outre, le
faire serait un déshonneur à l'égard de
tous les rabbins séfarades et ashkénazes
qui sont enterrés en-dehors de la Terre
Sainte. Et enfin, Montefiore a donné
pour instruction à ses proches de
l'enterrer en-dehors de la Terre Sainte,
bien qu'il avait connu la Terre Sainte.
S'il souhaitait être enterré en Terre
Sainte, il aurait dû s'y rendre à la fin
de sa fin pour y mourir. C'est pourquoi,
on ne doit pas aller contre sa volonté ».4
Il est important de signaler le fait que
les disciples du Rov Feinstein ont
rapporté qu'il ne conseillait jamais
d'enterrer un défunt en Terre Sainte. À
une autre occasion, on lui demanda si un
enfant avait la permission d'exhumer la
tombe de son parent et le faire enterrer
en Terre Sainte afin qu'il lui soit plus
facile de visiter la tombe. Il trancha
que cela n'était pas permis, plus
particulièrement à cause du fait que ce
n'était pas pour le bien-être du défunt
mais pour le bien-être de l'enfant. Il
ajouta qu'aller visiter la tombe de ses
parents n'était en outre pas une
obligation.
Et enfin, voici des
propos qui devraient faire réfléchir
ceux qui s'attellent à faire enterrer
n'importe qui en Terre Sainte :
quelqu'un que l'on connaissait de son
vivant pour avoir été un impie,
c'est-à-dire, un rebelle à la Tôroh et
aux Miswôth, ne doit pas voir son
corps être exhumé et transféré en Terre
Sainte afin d'y être enterré.5
Et il est clair que bon nombre de ceux
qui meurent en-dehors de la Terre Sainte
mais se font enterrer en Terre Sainte
n'ont aucun droit de s'y faire enterrer.
C'est d'une effronterie infâme d'avoir
refusé d'appliquer les Miswôth et
mené sa vie comme s'il n'y avait pas de
D.ieu ou qu'être Juif se limitait à son
nom de famille, puis d'exiger ensuite de
se faire enterrer en Terre Sainte, qui
est le Palais du Grand Roi !
Tout cela nous
démontre que lorsque des gens nous
citent des passages du Talmoud ou
d'autres sources pour nous convaincre
qu'il y aurait une obligation de se
faire enterrer en Terre Sainte, ils se
trompent, car bon nombre de nos Sages et
Rabbins de toutes les générations (y
compris du temps du Talmoud)
n'ont jamais interprété ces passages
comme revêtant une quelconque obligation
halakhique de le faire. Au contraire,
plusieurs s'opposaient même au fait de
d'enterrer en Terre Sainte quelqu'un
mort en-dehors de la Terre Sainte.
Terminons en
signalant que la différence entre nos
Sages et Rabbins des temps passés qui se
faisaient enterrer en Terre Sainte et
notre époque est qu'avant, il n'y avait
pas de problème pour un Juif de se
trouver en Terre Sainte en petit nombre
et sous domination étrangère. Par
contre, à notre époque où la Terre
Sainte a été souillée et kidnappée par
les impies Sionistes (religieux comme
laïcs), il est clair et net qu'il ne
faudrait pas encourager les gens à
enterrer leurs morts en Terre Sainte.
Cela aide la puissance colonisatrice
illégitime et contribue aux amalgames,
car contrairement aux temps passés, se
faire enterrer en Terre Sainte peut être
légitimement perçu par les non Juifs
comme un acte sioniste !
1) 710. Référez-vous
également aux Tôsofôth et leur
commentaire sur le traité Sôtoh 34a
2) Téshouvôth ´Ivréi 66, page
90
3) Divréi Yô`él 2:103. Voir
aussi Divréi Yô`él sur Wayéhi,
pages 515-516 ; Taharath Yôm Tôv 6,
pages 112-113
4) `Iggérôth Môshèh,
Yoréh Dé oh 3:153
5) Hèlqath Ya´aqôv,
Y.D. 206:2
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