Actualité
Julian Assange : 7 ans de mensonges
du système politico-médiatique et
première extradition d’un journaliste
Jonathan Cook
Jeudi 2 mai 2019
Source :
https://www.unz.com/article/after-7-years-of-deceptions-about-assange-the-us-readies-for-its-first-media-rendition/
Traduction :
sayed7asan.blogspot.fr
Sept années durant,
à compter du moment où Julian Assange
s’est réfugié pour la première fois à
l’ambassade d’Équateur à Londres, ils
nous ont dit que nous avions tort, que
nous étions des théoriciens du complot,
des paranoïaques. On nous a dit et
répété qu’il n’y avait pas de menace
réelle d’extradition de Julian Assange
vers les États-Unis, et que tout cela
n’était que le fruit de notre
imagination enflammée.
Pendant sept ans,
nous avons dû écouter une foule de
journalistes, de politiciens et
d’ « experts » nous affirmer qu’Assange
n’était qu’un fugitif face à la justice
(« un justiciable comme les autres »,
dit aujourd'hui encore
Le Monde), et qu’on pouvait se
fier aux systèmes judiciaires
britannique et suédois pour régler ce
problème en toute conformité avec la
loi. Durant toute cette période, on n’a
entendu aucune voix « mainstream »
s’élever en sa défense.
Dès le moment où il
a demandé l’asile, Assange a été traité
comme un paria, un hors-la-loi. Son
travail en tant que fondateur de
Wikileaks – une plate-forme numérique
qui, pour la première fois de
l’histoire, a permis aux citoyens
ordinaires de découvrir les recoins les
plus sombres des coffres-forts les mieux
gardés du plus profond des Etats
profonds – a été effacé des registres.
Assange est passé
du statut de l’une des rares figures
dominantes de notre époque – un homme
qui occupera une place centrale dans les
livres d’histoire, si nous vivons assez
longtemps pour écrire ces livres – à
celui d'un simple parasite sexuel ayant
violé les termes de sa libération
conditionnelle.
La classe politique
et les médias ont diffusé un récit de
semi-vérités sur les accusations
d’abus sexuels pour lesquelles Assange
faisait l’objet d’une enquête en Suède.
Ils ont négligé le fait qu’Assange avait
été autorisé à quitter la Suède par le
procureur initialement en charge de
l’enquête, qui a finalement abandonné
les accusations, et que celles-ci ont
ensuite été ravivées par un autre
enquêteur dont l’agenda politique
transparent est bien documenté.
Ils ont omis de
mentionner qu’Assange a toujours été
disposé à être interrogé par les
procureurs suédois à Londres, comme cela
s’était produit dans des dizaines
d’autres affaires impliquant des
procédures d’extradition vers la Suède.
C’était presque comme si les
fonctionnaires suédois ne voulaient pas
tester les preuves qu’ils prétendaient
avoir en leur possession.
Les médias et les
courtisans politiques ont sans cesse
insisté sur la violation de la liberté
conditionnelle d’Assange au Royaume-Uni,
ignorant le fait que les demandeurs
d’asile fuyant les persécutions
juridiques et politiques n’honorent
généralement pas les conditions de mise
en liberté imposées par les autorités
mêmes de l’État qui les menace.
Les autorités
politiques et les médias ont ignoré les
preuves grandissantes de l’existence
d’un grand jury secret en Virginie qui
formulait des accusations contre Assange,
et ont ridiculisé les craintes de
Wikileaks selon lesquelles l’affaire
suédoise pourrait couvrir une tentative
plus sinistre des États-Unis d’extrader
Assange et de l’enfermer dans une prison
de haute sécurité, comme ce qui était
arrivé au lanceur d’alerte Bradley
Manning [aujourd’hui encore,
Le Monde persiste à qualifier de
« fantaisiste » cette crainte
d’extradition].
Ils ont
minimisé l’importance du verdict de
2016 d’un groupe de juristes des Nations
Unies selon lequel le Royaume-Uni «
détenait arbitrairement » Assange.
Les médias étaient plus intéressés par
le bien-être de son chat.
Ils ont ignoré le
fait qu’après le changement de Président
en Équateur – le nouveau désirait
ardemment gagner les faveurs de
Washington –, Assange a été soumis à des
formes de plus en plus sévères
d’isolement. Il s’est vu refuser l’accès
aux visiteurs et aux moyens de
communication de base, violations à la
fois de son statut de réfugié politique
et de ses droits de l’homme, mettant en
péril son bien-être mental et physique.
De même, ils ont
ignoré le fait que l’Équateur avait
octroyé à Assange le statut de
diplomate, ainsi que la citoyenneté
équatorienne. La Grande-Bretagne était
obligée de lui permettre de quitter
l’ambassade, du fait de son immunité
diplomatique, pour se rendre sans
entrave en Équateur. Aucun journaliste
ou politicien « grand public » n’a jugé
cette grave violation du droit
international digne d’attention.
Ils ont fermé les
yeux sur l’annonce qu’après leur refus
d’interroger Assange au Royaume-Uni, les
procureurs suédois avaient discrètement
décidé de classer l’affaire sans suite
en 2015. La Suède a gardé la décision
secrète pendant plus de deux ans.
Ce fut
une demande au titre de la liberté
d’information effectuée par un allié
d’Assange, et non un média, qui mit au
jour des documents montrant que les
enquêteurs suédois avaient bel et bien
voulu renoncer à toute poursuite en
2013. Le Royaume-Uni avait toutefois
insisté pour que ces derniers
poursuivent leur charade, afin qu’Assange
puisse rester enfermé. Un responsable
britannique a envoyé un e-mail aux
Suédois leur disant en substance :
« N’allez pas vous aviser d’avoir froid
aux pieds !!! »
La plupart des
autres documents relatifs à ces
conversations sont restés inaccessibles.
Ils ont été détruits par le Ministère
public britannique, en violation du
protocole. Mais évidemment, personne
dans la classe politique et les médias
ne s’en est soucié ou ému.
De même, ils ont
ignoré le fait qu’Assange a été
contraint de se terrer dans l’ambassade
pendant des années, sous la forme la
plus sévère d’assignation à résidence,
alors même qu’il n’y avait plus aucune
poursuite contre lui en Suède. Ils nous
ont dit – apparemment très sérieusement
– qu’il devait être arrêté pour
infraction à sa liberté conditionnelle,
ce qui serait normalement réglé par une
simple amende.
Et ce qui est
peut-être le plus flagrant, la plupart
des médias ont refusé de reconnaître qu’Assange
était un journaliste et un éditeur, même
si ce faisant, ils s’exposaient à
l’utilisation future des mêmes sanctions
draconiennes si eux-mêmes ou leurs
publications devaient un jour faire
l’objet d’une telle censure. Ils ont
approuvé le droit des autorités
américaines de s’emparer de n’importe
quel journaliste étranger, n’importe où
dans le monde, et de l’enfermer à l’abri
des regards. Ils ont ouvert la porte à
une nouvelle forme spéciale de « rendition »
(kidnapping et rapatriement
extrajudiciaires) pour les journalistes.
En réalité, il ne
s’est jamais agi de la Suède ou d’une
violation de la liberté conditionnelle,
ni même du récit discrédité du
Russiagate, comme aurait pu s’en
rendre compte aisément quiconque prêtait
la plus vague attention à l’affaire
Assange. Il s’agit avant tout de l’Etat
profond américain faisant tout ce qui
est en son pouvoir pour écraser
Wikileaks et faire un exemple de son
fondateur.
Il s’agissait de
s’assurer qu’il n’y aura plus jamais de
fuite comme celle de Collateral
Murder, la vidéo militaire publiée
par Wikileaks en 2007, qui montrait des
soldats américains en train de célébrer
leur assassinat de civils irakiens. Il
s’agissait de faire en sorte qu’il n’y
ait plus jamais de fuite de câbles
diplomatiques américains, comme l’énorme
masse de ceux qui ont été publiés en
2010, qui ont révélé les machinations
secrètes de l’empire américain pour
dominer la planète, quel que soit le
prix à payer en termes de violations des
droits de l’homme. Et Washington a pu
compter sur la passivité, et même la
complicité scandaleuses des
gouvernements, hommes politiques et
médias dominants.
A présent, les
prétextes et faux-semblants n’ont plus
lieu d’être. La police britannique a
envahi le territoire diplomatique de
l’Équateur – invitée à cela par
l’Équateur, après qu’il ait retiré à
Assange son statut de réfugié politique
– pour le mettre clandestinement en
prison. Deux États vassaux ont ainsi
coopéré pour se plier aux caprices de
l’Empire américain. L’arrestation
n’avait pas pour but d’aider deux femmes
en Suède ni de juger une infraction
mineure touchant à une libération
conditionnelle.
Non, les autorités
britanniques agissaient bel et bien sur
un mandat d’extradition émanant des
États-Unis. Et les accusations que les
autorités américaines ont concoctées ont
trait aux publications les plus
anciennes de Wikileaks, qui ont révélé
les crimes de guerre perpétrés par
l’armée américaine en Irak – un sujet
que nous, journalistes, nous sommes
unanimement mis d’accord pour
reconnaître d’intérêt public, et que les
médias britanniques et américains
s’étaient jadis enorgueillis de publier.
Pourtant,
aujourd’hui, les médias et la classe
politique ferment les yeux. Où est
l’indignation face à tous les mensonges
qui nous ont été servis durant ces sept
dernières années ? Où sont la colère, la
révolte et les remords pour avoir été si
longtemps trompés ? Où est la fureur
face au spectacle de la liberté de la
presse la plus élémentaire – le droit de
publier – saccagée pour faire taire
Assange ? Où est la volonté d’enfin
prendre la parole pour défendre Assange
?
On ne voit rien de
tout ça. Il n’y aura pas d’indignation à
la BBC, au Guardian ou à
CNN. Seulement un reportage
curieux, impassible – et même légèrement
moqueur – sur le destin d’Assange. [En
France, les médias atlantistes comme
Le Monde continuent à diffamer
Assange toute honte bue, en jouant un
numéro de contorsionniste pour le
condamner – chutzpah ultime, au
nom de la protection des sources... – et
prétendre défendre la liberté de la
presse. Même un « journal
d’investigation » prétendument
indépendant comme Mediapart
rejoint la meute].
Et c’est parce que
ces journalistes, politiciens et
pseudo-experts n’ont jamais vraiment cru
ce qu’ils disaient. Ils ont toujours su
que les États-Unis voulaient faire taire
Assange et écraser Wikileaks à tout
prix. Ils le savaient depuis le début et
ils s’en moquaient. En fait, ils ont
volontiers conspiré pour paver la voie
au kidnapping d’Assange.
Ils l’ont fait
parce qu’ils ne sont pas là pour dire la
vérité, défendre les citoyens
ordinaires, protéger une presse libre ou
même faire respecter la loi. Ils ne se
soucient pas de ça. Ils sont là pour
protéger leur carrière et le système qui
les récompense avec de l’argent et de
l’influence. Ils ne veulent pas d’un
parvenu comme Assange qui démasque leur
imposture et sape leur fonds de
commerce.
Maintenant, ils
vont nous resservir une nouvelle série
de tromperies et de distractions au
sujet d’Assange pour nous maintenir sous
anesthésie, nous empêcher d’être
indignés alors même que nos droits sont
taillés en pièces, et nous empêcher de
réaliser que les droits d’Assange et les
nôtres sont indissociables. Nous
tiendrons bon ou tomberons ensemble.
Jonathan Cook
Réaction de Margarita Simonian (Russia
Today) : « Les médias
internationaux sont condamnés à une
honte éternelle. On peut le voir dans le
fait que nous sommes la seule chaîne TV
qui était présente durant l’arrestation
de Julian Assange. Et ce en dépit du
fait que tout le monde savait qu'il
allait être expulsé de l'ambassade de
manière imminente.
A présent, les médias sont contraints
de nous demander nos images. CNN
et The Guardian ont eu le culot
de nous appeler pour ce faire, et de
nous demander pourquoi nous sommes les
seuls à avoir filmé ces images. La
réponse est évidente : vous n'êtes que
de lâches hypocrites invertébrés, au
service de votre pouvoir, et en aucun
cas des journalistes. C'est pourquoi une
telle chose s'est produite. »
Réaction de Maria Zakharova :
« La main de la 'démocratie' tord le cou
de la liberté. »
« Chaque somme compte, car un peu
d'argent ici ou là, c'est comme des
gouttes d'eau qui peuvent devenir des
rivières, des fleuves ou des océans... »
Hassan Nasrallah
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