LE CRI DES PEUPLES
Vers une 3e Nakba ? L’Accord du siècle
annonce
la déportation des Arabes Israéliens
Jonathan Cook
Samedi 1er février 2020
Source :
https://www.thenational.ae/opinion/comment/donald-trump-s-middle-east-peace-plan-will-not-bring-peace-the-us-and-israel-know-this-1.971616
Traduction :
lecridespeuples.fr
Une grande partie
de « l’Accord du siècle » concocté de
longue date par Donald Trump était déjà
connue de tous. Au cours des 18 derniers
mois, des responsables israéliens ont
divulgué bon nombre de ses détails. La
soi-disant « Vision pour la paix »
dévoilée mardi a simplement confirmé que
le gouvernement américain a publiquement
adopté le consensus de longue date en
Israël : l’Etat hébreu a le droit de
conserver en permanence les étendues de
territoire qu’il a saisies par la force
et illégalement au cours du dernier
demi-siècle, ce qui prive les
Palestiniens de tout espoir d’obtenir un
État.
La Maison Blanche a
rejeté la pose traditionnelle des
États-Unis en tant qu’ « honnête
courtier » entre Israël et les
Palestiniens. Les dirigeants
palestiniens n’ont pas été invités à la
cérémonie et ne seraient pas venus s’ils
l’avaient été. Il s’agissait d’un accord
conçu à Tel-Aviv plus qu’à Washington,
et son but était de s’assurer qu’il n’y
aurait pas de partenaire palestinien.
Surtout, Israël
obtient la permission de Washington
d’annexer toutes ses colonies illégales,
maintenant jonchées sur toute la
Cisjordanie, ainsi que le vaste bassin
agricole de la vallée du Jourdain.
Israël continuera d’avoir un contrôle
militaire sur toute la Cisjordanie, et
toute la Palestine.
Le Premier ministre
Benjamin Netanyahou a annoncé son
intention de présenter un tel plan
d’annexion à son cabinet dès que
possible. Ce plan sera sans aucun doute
le tremplin central dans ses efforts
pour remporter une élection générale
très disputée prévue le 2 mars.
L’accord Trump
approuve également l’annexion actuelle
de Jérusalem-Est par Israël. Les
Palestiniens devraient prétendre qu’un
village de Cisjordanie à l’extérieur de
la ville est leur capitale, qu’ils
pourront baptiser « Al-Quds »
(Jérusalem) bien qu’elle soit située en
dehors du Grand Jérusalem, capitale
indivisible d’Israël. Il y a des signes
incendiaires qu’Israël sera autorisé à
diviser de force le complexe de la
mosquée d’Al-Aqsa (rebaptisée Al-Aqua
par l’ignare Trump), comme cela s’est
produit à Hébron.
En outre,
l’administration Trump semble envisager
de donner son feu vert aux espoirs de
longue date de la droite israélienne de
redessiner les frontières actuelles de
manière à transférer en Cisjordanie des
centaines de milliers de Palestiniens
vivant actuellement en Israël en tant
que citoyens. Cela constituerait presque
certainement un crime de guerre.
Le plan ne prévoit
aucun droit au retour, et il semble que
c’est le monde arabe qui devrait payer
la note pour l’indemnisation de millions
de réfugiés palestiniens.
Une carte
américaine publiée mardi a montré des
enclaves palestiniennes reliées par un
dédale de ponts et de tunnels, dont un
entre la Cisjordanie et Gaza. Le seul
levain accordé aux Palestiniens réside
dans les promesses des États-Unis de
renforcer leur économie. Compte tenu des
finances précaires des Palestiniens
après des décennies de vol de leurs
ressources par Israël, ce n’est pas une
promesse sérieuse.
Tout cela a été
déguisé en une « solution réaliste à
deux États », offrant aux Palestiniens
près de 70% des territoires occupés (qui
représentent eux-mêmes 22% de leur
patrie d’origine). Autrement dit, les
Palestiniens devraient accepter un État
sur 15% de la Palestine historique,
après qu’Israël a saisi toutes les
meilleures terres agricoles et les
sources d’eau.
Comme tous les
accords ponctuels, cet « État »
patchwork (dépourvu d’armée et où Israël
contrôle sa sécurité, les frontières,
les côtes et l’espace aérien) a une date
d’expiration. Il doit être accepté dans
les quatre ans. Sinon, Israël aura les
mains libres pour recommencer à piller
encore plus de territoires palestiniens.
Mais la vérité est que ni Israël ni les
États-Unis n’attendent ou ne veulent que
les Palestiniens coopèrent.
C’est pourquoi le
plan comprend, en plus de l’annexion des
colonies, une multitude de conditions
préalables irréalisables avant que ce
qui reste de la Palestine puisse être
reconnu : les factions palestiniennes
doivent désarmer, le Hamas doit être
démantelé ; l’Autorité palestinienne
dirigée par Mahmoud Abbas doit
dépouiller les familles des prisonniers
politiques de leurs allocations ; le
caractère juif de l’Etat d’Israël doit
être reconnu ; et les territoires
palestiniens doivent être réinventés en
tant que Suisse du Moyen-Orient, une
démocratie florissante et une société
ouverte, tout en restant sous occupation
israélienne.
En réalité, le plan
Trump tue la mascarade selon laquelle le
processus d’Oslo de 26 ans visait à
autre chose que la capitulation
palestinienne. Il aligne pleinement les
États-Unis sur les efforts israéliens,
poursuivis par tous ses principaux
partis politiques depuis de nombreuses
décennies, pour jeter les bases d’un
Apartheid permanent dans les territoires
occupés.
M. Trump a invité
M. Netanyahou, le Premier ministre
intérimaire israélien, et son principal
rival politique, l’ancien général Benny
Gantz, pour l’annonce du plan. Tous deux
ont tenu à exprimer leur soutien sans
retenue. A eux deux, ils représentent
les quatre cinquièmes du parlement
israélien. Le principal champ de
bataille des élections de mars sera de
savoir qui peut affirmer être le mieux
placé pour mettre en œuvre le plan et
porter ainsi un coup mortel aux rêves
palestiniens d’obtenir un État.
Du côté de la
droite israélienne, il y a eu des voix
dissidentes. Les groupes de colons ont
décrit le plan comme « loin d’être
parfait », un point de vue presque
certainement partagé en privé par M.
Netanyahou. L’extrême droite d’Israël
est tellement fanatique qu’elle s’oppose
à toute discussion sur un Etat
palestinien, même illusoire. Néanmoins,
M. Netanyahou et sa coalition de droite
saisiront avec plaisir les cadeaux
offerts par l’administration Trump.
Entre-temps, le rejet inévitable du plan
par les dirigeants palestiniens servira
en fin de compte de justification à
Israël pour accaparer encore plus de
terres.
Il y a d’autres
bonus plus immédiats de « l’Accord du
siècle ».
En permettant à
Israël de conserver les gains mal acquis
de sa conquête des territoires
palestiniens en 1967, Washington a
officiellement approuvé ce qui est
peut-être la plus grande agression
coloniale de l’ère moderne. M. Trump en
profite également personnellement. Cela
détournera le public de sa procédure de
destitution et offrira un pot-de-vin
puissant à sa base évangélique obsédée
par Israël, de même qu’à d’importants
bailleurs de fonds tels que le magnat
des casinos américain Sheldon Adelson,
un appel du pied intéressé à l’approche
de l’élection présidentielle.
Et le Président
américain vient en aide à un allié
politique utile. M. Netanyahou espère
que ce coup de pouce de la Maison
Blanche propulsera sa coalition
ultranationaliste au pouvoir en mars, et
neutralisera les tribunaux israéliens
qui le menacent dangereusement. La façon
dont il prévoit d’extraire des gains
personnels du plan Trump a été mise en
évidence mardi. Il a réprimandé le
procureur général d’Israël pour le dépôt
des actes d’accusation de corruption,
affirmant qu’un « moment historique »
pour l’État d’Israël était mis en
danger.
Pendant ce temps,
M. Abbas a salué le plan avec « mille
non ». M. Trump l’a laissé nu comme un
ver. Soit l’Autorité palestinienne
abandonne son rôle de mercenaire en
matière de sécurité au service d’Israël
et se dissout, soit elle continue comme
auparavant, mais elle est maintenant
explicitement privée de l’illusion selon
laquelle elle œuvrerait à un Etat
palestinien. M. Abbas tentera de
s’accrocher, en espérant que M. Trump
sera évincé lors des élections de cette
année et qu’une nouvelle administration
américaine recommencera à faire semblant
de faire avancer le processus de paix
d’Oslo, qui est depuis longtemps dans
les oubliettes de l’Histoire. Mais si M.
Trump gagne, les difficultés de
l’Autorité palestinienne augmenteront
rapidement.
Personne, surtout
l’administration Trump, ne pense que ce
plan mènera à la paix.
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