Palestine
Le Conseil de l’Europe condamne les
violences
commises par Israël contre les enfants
palestiniens
Jean-Jacques Régibier
Ahed
Tamimi à la Fête de l'Humanité. Photo
Clément Savel.
Jeudi 11 octobre 2018
Un nouveau rapport voté par l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe,
dénonce les mauvais traitements et
tortures infligées aux mineurs
palestiniens par l’armée israélienne. Un
système « répandu, systématique et
institutionnalisé », explique le
rapport.
Ce n’est certes pas
la première fois qu’un rapport
international dénonce les atteintes aux
droits de l’homme, et les violences
commises par l’armée israélienne contre
des enfants palestiniens, « un sentiment
de déjà vu », dit la députée islandaise
Thorhildur Sunna Aevarsdottir, membre du
Parti pirate.
Mais celui qui a
été débattu et voté mardi par
l’assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe à Strasbourg, a la
particularité de s’appuyer sur un très
grand nombre de documents et de rapports
émanant aussi bien d’agences des Nations
Unies comme l’UNICEF, que de nombreuses
ONG spécialisées dans la défense des
droits des enfants, ou bien de la
Croix-Rouge qui visite régulièrement des
lieux de détention d’enfants
palestiniens en Israël ( 430 en 2017 ),
mène des entretiens avec ces enfants (
200 au cours de la même année ) ou avec
leurs familles ( 3 600 visites en
2017).
C’est aussi un
rapport qui ne peut pas être soupçonné
de partialité ou d’exagération. « Les
faits sont étayés par des sources
irréfutables », a expliqué le député
conservateur irlandais Joseph O’Reilly (
PPE ), parlant de « méthodes
d’interrogatoire terrifiantes », et «
d’aveux extorqués par la torture. »
C’est enfin un
rapport qui assume pleinement le fait de
ne pas avoir tenu compte dans ses
constats et ses analyses, du contexte du
conflit israélo-palestinien et de ses
vicissitudes, affirmant que, quel que
soit le contexte, « personne, et surtout
pas un enfant, ne doit être déchu de ses
droits humains », et que « rien ne
justifie les mauvais traitements
infligés à un enfant.»
Des pratiques qui
s’aggravent
Selon les chiffres
recueillis en 2017 par l’UNICEF ( Fonds
des Nations Unies pour l’enfance ),
entre 500 et 700 mineurs palestiniens, y
compris des jeunes filles, sont détenus
chaque année dans des prisons en Israël
et poursuivis par des tribunaux
militaires. 60% d’entre eux ont été
transférés des territoires occupés en
violation de la 4ème Convention de
Genève. Au cours des trois dernières
années, près de 1 400 mineurs
palestiniens ont été poursuivis devant
les juridictions militaires spéciales.
La même députée islandaise rappelle
qu’Israël est « le seul pays au monde
qui juge des mineurs dans des tribunaux
militaires », tribunaux qui « violent
systématiquement les droits de l’homme.
»
De plus, ces
pratiques s’aggravent de façon
alarmante. Fin décembre 2017, selon les
chiffres des services pénitentiaires
israéliens, le nombre de mineurs
palestiniens détenus dans les prisons
israéliennes avait augmenté de 73% par
rapport à la période 2012-2015. Le
député palestinien de Jérusalem, Bernard
Sabella, témoigne des contrôles violents
exercés contre des enfants de 10 ans. «
Les exactions vont durer », estime-t-il
« le désespoir va frapper tous les
enfants s’il n’y a pas d’avancée dans le
processus de paix. »
Violences et
humiliations
Parmi les formes de
violence exercées contre les enfants
palestiniens par les forces militaires
israéliennes, « contraires aux normes
internationales relatives aux droits
humains » et « contraires à la loi
israélienne elle-même », le rapport de
l’assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe évalue que les 2/3 des enfants
arrêtés ont subi « une forme quelconque
de violence physique, violences
verbales, humiliations, intimidations »,
et que ces arrestations d’enfants ont
été « arrêtés sans que les parents aient
été informés des motifs. »
Parmi les pratiques
courantes de « violations permanentes et
systémiques des droits des enfants »,
relevées par B’T selem, une ONG
israélienne qui lutte contre la
colonisation de la Palestine, les
arrestations pendant la nuit ( plus de
40% ), l’utilisation de menottes et de
bandeaux sur les yeux après
l’arrestation ( 80% ), le placement
systématique des mineur.e.s en prison
dès leur arrestation et jusqu’à
l’exécution de leur peine ( avec un taux
de condamnation de plus de 95% ), abus
lors des transits, refus de laisser les
enfants s’entretenir avec un avocat
avant leur interrogatoire, mesures
coercitives pour contraindre les mineurs
à signer des aveux dans une langue
qu’ils ne comprennent pas, etc. Le
rapport évalue en effet que dans plus
d’un tiers des cas, « les juges des
tribunaux militaires ont fondé leur
décision sur des aveux rédigés en
hébreu, langue que la plupart des
mineurs palestiniens ne comprennent pas.
»
Souvent battus et
humiliés, observe la députée Thorhildur
Sunna Aevarsdottir, « les enfants
reviennent brisés. Au regard du droit
international, c’est un crime de guerre.
»
Le rapport dénonce
tout spécialement les opérations
d’arrestation nocturnes au cours de
raids menés au domicile des parents (
entre 25 à 45% des cas ) , avec pour
conséquence des enfants « terrifiés et
épuisés », privés de la présence d’un
avocat ou de l’un des parents,
aboutissant à « terroriser, (… ) accuser
et condamner à tort des enfants
innocents et leurs familles. »
Revenant sur
l’affaire emblématique de Ahed Tamimi,
cette jeune Palestinienne de 16 ans
condamnée à 8 mois de prison assortie
d’une peine de 3 ans avec sursis ( sa
mère a été condamnée à la même peine
pour complicité ), le rapport rappelle
le tollé international que cette
condamnation a suscité chez tous les
défenseurs des droits de l’homme,
ajoutant que « la violence physique et
psychologique subie par les mineurs
palestiniens dans le système de justice
israélien doit cesser. »
« Israël n’a aucune
intention de tenir compte des
recommandations du Conseil de l’Europe
», déplore la députée danoise Ulla
Sandbaek ( GUE ), un avis largement
partagé par les députés des 47 Etats
membres de l’assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe.
Et il est vrai que
le rapport déjà établi il y a 5 ans sur
le même sujet, exhortant les autorités
israéliennes à mettre un terme aux
arrestations arbitraires, aux actes de
violence et aux détentions d’enfants
palestiniens - n’a jamais produit aucun
effet.
Mais pour
Thorhildur Sunna Aevarsdottir, on ne
peut pas non plus laisser « un état qui
se dit démocratique, torturer des
enfants sans qu’il y ait de résistance
de la communauté internationale. »
Le vote des députés
de l’assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe est en tous cas un signal
qui accompagne un phénomène
contemporain nouveau: l’émergence des
enfants - en Palestine, au Yémen (1),
dans les migrations - comme sujets
historiques à part entière, aussi bien
en tant que victimes, que comme témoins
et juges des traitements que les adultes
leur infligent à l’occasion de leurs
conflits - le durcissement des parties
en présence dans ces conflits au
détriment des enfants jouant à son tour
comme l’un des obstacles aux processus
de paix.
(1) Voir le
documentaire exceptionnel de Khadija
Al-Salami « Yémen, les enfants et la
guerre. »
Les dernières mises à jour
|