Oumma.com
Les lourds secrets de BHL en Libye
Jacques-Marie Bourget
Photo:
D.R.
Mercredi 12 novembre 2014
Mondafrique
a enquêté
sur les amis libyens de Bernard-Henri
Lévy et notamment Waheed Burshan, ancien
membre du Conseil national de transition
libyen qu'il a rencontré dans le Djebel
Nafoussa lors de l'intervention
franco-anglaise de 2011 contre Mouammar
Kadhafi.
Longtemps exilé
à Chicago où il a défendu les intérêts
des entreprises qatari, Burshan fut
l'une des personnalités soutenues par la
CIA et Doha pour reprendre les rênes de
l'Etat libyen après la chute du "Guide".
Pendant longtemps Bernard-Henri Lévy
n’a été que ridicule. Avec parfois une
pointe d’odieux dans la série de ses
mensonges, dans sa vie inventée et mise
en scène façon série B. Un seul exemple
pris dans la pile, quand il affirmait
avoir livré des postes de radio au
commandant Massoud en 1982. Mais
la vie est comme la littérature, il lui
faut bien des imposteurs ; leur
existence gratifie les hommes courageux
et discrets. Depuis qu’il a quitté le
seul ridicule pour devenir complice
des bombardiers, il a cessé de nous
amuser. C’est ce qu’ont compris les
tunisiens de la « société civile » qui,
vendredi 31 octobre, ont réservé à ce
pitre une standing ovation. Aux cris de
« BHL dégage ! ». Reprenant ainsi les
mots utilisés pour chasser Ben
Ali.
Dehors, le clown.
Prié par le pouvoir, après une nuit
passée à « La Résidence », le palace de
Tunis, de rentrer au plus vite en
France, le vieux philosophe la queue
entre les jambes, s’est quand même
gentiment assis dans un jet pour filer.
A Paris, où ses points de chute
médiatiques sont aussi nombreux que les
relais de poste à l’époque des
diligences, les affidés de BHL se
sont mis au travail. Leur ordre de
mission, leur story telling : donner son
vrai sens à l’expulsion du génie du
Flore.
C’est Liliane Lazar qui, depuis sa
chaire (bien faible) de « professeur à
Hofstra Univesity », USA, ouvre le
premier barrage de contre-artillerie.
C’est bien normal, depuis Long Island
Liliane voit tout, sait tout de ce qui
se passe en Tunisie. Ses mots sur
le voyage de BHL sont donc du béton :
l’ami de Nicolas Sarkozy ne s’est rendu
au pays du jasmin que pour discuter, sur
un mode fitzgéraldien, avec quelques
amis dans le hall d’un palace et dans la
fumée des cigares. Des amis libyens.
Exploits, tant l’espèce est introuvable,
des démocrates pas du tout islamistes.
De BHL à Gulliver
Pauvre Liliane qui, comme souvent
quand les serviteurs veulent trop bien
faire, se prend les pieds dans le tapis.
Ainsi, en légende d’une photo où l’on
voit le romanquêteur entouré de
ses gens, la professeure nomme l’un des
convives comme étant « Djebel Nefousa ».
Éclat de rire général : « Monsieur
Djebel Nefousa » n’existe pas, il s’agit
du nom d’un haut plateau libyen proche
de la frontière tunisienne où, aux côtés
de conseillers qataris et français, les
islamistes rebelles à Kadhafi ont
préparé leur raid vers Tripoli. Avec à
leur tête le si charmant et démocrate
Abdel Hakim Belhadj, le prince du djihad
et agent de Doha. C’est
aujourd’hui ce grand maître barbu qui
règne sur Tripoli. Liliane confond un
homme et une montagne… ce qui devrait la
pousser bientôt à s’intéresser
plus aux voyages de Gulliver qu’à ceux
de BHL.
Dans la brigade de défense de l’homme
de Dombasle, qui ne manque pas de bras,
après Liliane, le pompon revient à
Jérôme Béglé. C’est un courtisan mondain
et ne sachant pas écrire, qui a fini par
trouver une écuelle au Point. Bien
entendu, Jérôme pratique l’art où il
excelle, servir la soupe. Même dans ses
questions, aussi vides qu’un théâtre où
se joue du BHL, on remarque le style du
maître. Là notre phare de la nouvelle
philo, mais aussi journaliste donc
attaché à la vérité, décrit la petite
foule qui l’attend à l’aéroport :
« Quelques dizaines d’islamistes ou,
peut être, d’exilés kadhafistes »…
Voila, crier « BHL dégage ! » est une
offense à trois coups, c’est être
islamiste, antisémite et aimer les
dictateurs. Ceux qui faisaient le pied
de grue en attente du génie sortant de
l’Airbus, et que nous connaissons comme
des tunisiens laïcs, des citoyens de la
société civile, vont apprécier l’injure.
Djebel or not Djebel
Dans l’Express où BHL a aussi son
rond de serviette, on tend les sels afin
que notre intellectuel multi spires
reprenne connaissance. Mieux que lui
prenant la plume, c’est son Sancho
Pansa, Gilles Herzog, qui signe le
compliment. Divergence avec le
patron, le bon Gilles nous dit que les
amis libyens, ceux qu’il fallait
rencontrer, « habitaient sur place ou
venaient de Tripoli », alors que BHL
dans son envolée digne d’une carte IGN
nous dit que ces démocrates venaient
aussi de « Benghazi, des villes du
djebel Nefousa (sic), Misrata, Zaouia »…Faudrait
savoir ! Djebel or not djebel ?
Heureusement pour l’intérêt du
romanquête, Herzog nous livre un détail
avec du sang : à son hôtel, BHL a été
agressé par un homme… C’est bien connu,
le palace de Tunis est un nid de
supporters du Califat. Herzog ne peut
imaginer que ce type en colère suit
chaque jour le film d’horreur de ses
voisin, du technicolor enclenché par BHL
en 2011 à Tripoli : « Apocalypse Now ».
Mais attardons nous un peu sur
l’excellent Waheed Burshan, l’un des
aimables humanistes avec lesquels BHL
s’est entretenu à l’hôtel « La
Résidence ». Là, une petite leçon est
nécessaire. Souvenez-vous d’un certain
Ahmed Chalabi présenté en 2003 par
les Américains comme l’homme
providentiel qui devait remplacer Saddam
Hussein… A l’usage il s’est révélé que
ce démocrate était à la fois un voleur
et un agent double allant rendre compte
à Téhéran. Waheed Bershan, outre, détail
important, qu’il n’est pas
délinquant, a joué le rôle de Chalabi en
Libye. Pour le Département d’État
ce libyen exilé à Chicago était un fer
au feu. Un joker sans cesse réchauffé
par la CIA et le Qatar afin qu’il se
tienne prêt à faire bonne figure,
« au cas ou », pour devenir le cadre du
nouvel État.
Et, pour la révolution libyenne,
Bershan a mouillé son maillot, jusque
sur le plateau de Nafousa où, assis dans
le fourgon du Qatar piloté par Belhadj,
il a rencontré BHL le libérateur, le
Sandino, la Marti, le Guevara de la
Libye. Notre ami Waheed méritait bien de
faire parti du Comité National de
Transition, la crème de la crème. Puis,
sagement, tout en gardant un œil sur le
réchaud libyen, et l’autre sur les
envolées de BHL, Burshan à occupé son
temps à défendre les intérêts
d’entreprises qataries. Ce qui est plus
sage. Nourri de la philosophie des
Frères Musulmans, le saint homme dont la
fille et la femme vivent sous le voile,
peut attendre son heure.
En réalité, comme l’a révélé
Mondafrique, une réunion politique
autour de la « réunification des
partis libyens » devait bien se tenir à
Hammamet. On attendait là d’autres
philosophes, ceux d’Ennadha bien
sûr, mais aussi ce cher Belhadj que BHL
a croisé sans le voir dans la fureur de
Nefousa. On ignorait que, fauteur de
guerre, Lévy avait aussi la qualité d’un
imam capable de rassembler la Oumma, la
communauté des croyants.
Publié le 13 novembre 2014 avec
l'aimable autorisation d'Oumma.com
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