Opinion
L'express Singapour-Helsinski
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Jeudi 5 juillet 2018
Singapour, et
maintenant Helsinski! Espérons que le
sommet Trump-Poutine va pouvoir se tenir
ce mois-ci dans la capitale finnoise,
après avoir été invariablement reporté
depuis des lustres. Nous avions espéré
que les colosses se rencontreraient
juste après l’élection historique de
Trump, mais cela n’avait pas eu lieu,
parce que Trump s’était retrouvé
encerclé par la gestapo de Mueller qui
l’accusait d’être un agent russe. Cette
accusation frivole ressort chaque fois
que Trump fait quelque chose qui ait du
sens, mais les choses ont changé depuis
le sommet Trump-Kim, un évènement dont
l’importance grandit de jour en jour
avec le recul. Le Trump d’avant
Singapour et le Trump d’après Singapour
sont deux créatures entièrement
différentes, comme un garçon avant et
après son premier baiser. Avant, c’était
M. Grande Gueule, celui qui régnait seul
sur son compte Twitter et à peine sur un
tout petit cercle précieux. Après le
sommet, il est devenu un Prométhée
libéré, le royal président des puissants
US. En rencontrant Kim, il a fait mentir
les plus avisés dans les médias et dans
l’Etat profond ; il a refusé de prendre
ses ordres auprès d’eux et il a fait ce
qu’il pensait devoir faire. En
rencontrant Poutine, il va transformer
sa désobéissance en franche rébellion,
largement déployée.
Ses adversaires,
les maîtres du Discours, avaient été
très alarmés par le sommet kimien, et
sont horrifiés à l’approche de la
rencontre poutinienne. Jetons donc un
coup d’œil sur leurs réactions à
Singapour.[1]
Le chef de la
minorité au Sénat Chuck Schumer (dit
« le gardien d’Israël") a exprimé « une
extrême préoccupation », disant que
« Trump a établi une fausse équivalence
entre les exercices militaires conjoints
et légitimes entre Corée du Sud et USA,
et les tests nucléaires illégaux de la
Corée du Nord » (« comment pouvez-vous
comparer ! » : réaction typiquement
juive). Il ne faudra rien concéder aux
Coréens du Nord avant le « démantèlement
complet, vérifiable et irréversible du
programme nucléaire coréen »… Trump a
« fourni une légitimité internationale à
une dictature brutale et répressive, qui
en manquait désespérément».
Dans le New York
Times, Nicholas Kristof a
regretté que Trump ait fait
une énorme concession en suspendant les
exercices militaires avec la Corée du
Sud sans rien obtenir en retour : “rien
sur les programmes glaçants de la Corée
du Nord en matière de plutonium et
d’uranium, rien sur la destruction des
armes ICBM, rien sur l’autorisation de
retour des inspecteurs, rien sur
la déclaration complète de la Corée du
Nord sur son programme nucléaire, rien
sur un calendrier, rien sur des
inspections, etc. ». Noah Rothman,
co-éditorialiste du magazine
Commentary néo-con a qualifié le
sommet de “grand malheur”.
Et les
«humanitaires », autrement dit la gauche
interventionniste sur des bases
humanitaires, ont d’ores et déjà déroulé
les
lamentations de déserteurs de
Corée du Nord en page de titre, et ils
ont exigé, naturellement, que soit exclu
tout accord de paix sans un changement
complet de régime, sous contrôle
international. Le président Trump a dû
faire face à un front uni de médias et
d’experts alarmés par le moindre progrès
en direction de la paix. Pour eux, le
seul traitement envisageable pour la
Corée du Nord, c’est la méthode
libyenne ; d’abord vous désarmez, puis
on intervient et on vous bombarde, parce
que c’est beaucoup plus sûr, de
bombarder un pays désarmé. Le dirigeant
coréen en a conscience ; il n’est pas du
genre à faire son Gorbatchev. Le dernier
dirigeant de l’Union soviétique avait
désarmé son pays, défait le traité de
Varsovie, fait cadeau de l’Allemagne de
l’Est à l’Ouest, et ouvert l’accès aux
installations russes les plus secrètes
après une conversation aimable avec
Reagan. Kim n’en fera rien, et la Chine
ne le lui permettrait pas. La dernière
chose dont les Chinois ou les Russes
pourraient vouloir, c’est d’un
protectorat américain en Corée du Nord,
pays qui est tout près de Beijing, de
Harbin et de Vladivostok. Mais des
rapports chaleureux entre les deux
Corées et les US, c’est certainement de
l’ordre du possible, si le président
Trump s’en tient à sa ligne de
Singapour.
Cependant, quelques
semaines après Singapour, il semble que
les grincheux avaient repris le dessus,
comme d’habitude. Les US ont refusé de
travailler sur une éventuelle levée des
sanctions au Conseil de sécurité de
l’ONU, et avaient refusé la proposition
sino-russe de commencer à les
démanteler, tandis que les médias
occidentaux se mettaient à déballer la
liste des transgressions de Kim.
Si bien que l’aura d'un manque de
sérieux revenait entamer l’image du
président américain.
La rencontre avec
Poutine donnait lieu à des
ripostes similaires. Alerte générale,
danger de paix à l’horizon !
“Les craintes
redoublent à l’annonce faite par Trump
de “négociations de paix” avec Poutine,
disait
l’éditorial du Times.
« La Grande Bretagne a peur que le
président Trump mine l’OTAN en
concoctant un accord de paix avec le
président Poutine. Les ministres sont
inquiets de voir qu’il pourrait être
tenté de diminuer les engagements
militaires US en Europe… Des
personnalités de l’OTAN redoutent que M.
Trump tente de refaire le coup de
l'entente pour la paix avec Kim Jong-un,
qui a obtenu une large approbation. Un
ministre a ajouté : « nous sommes
inquiets, on pourrait voir Trump et
Poutine dire en chœur : ‘pourquoi tout
ce matériel militaire lourd en Europe ?’
Ils se mettraient d’accord pour s’en
défaire. » D’autres sources médiatiques
et hommes politiques sont tout aussi
chagrins et soucieux. « Nos alliés
européens très inquiets à l’annonce du
sommet Trump-Poutine », dit MSNBC,
de même que Atlantic, le
Guardian etc.
Ce qui pourrait se
rapprocher le plus d’une attitude
positive envers la rencontre de
Singapour, c’est l’angle du journaliste
judéo-britannique
Anshel Pfeffer, du quotidien
progressiste israélien Haaretz :
« certes une entente avec le tyran
sanguinaire (Kim) n’est pas souhaitable,
mais il y a un espoir que, une fois
réconcilié avec Kim, Trump ait les mains
plus libres pour une guerre contre
l’Iran ». Il rassurait les va-t-en
guerre, en leur faisant miroiter que la
perte d’une bonne guerre en Corée se
verrait compensée par une bonne guerre
avec l’Iran. C’est la ligne que les plus
rassurants ont adoptée pour commenter la
rencontre d’Helsinski : un sommet
Trump-Poutine sera excusable si cela
débouche sur la guerre en Iran. Telle
est donc l’alternative offerte par les
médias mainstream occidentaux : les
bellicistes condamnent les deux sommets,
les autres se dorent la pilule : « tout
n’est pas perdu, il reste l’Iran ».
Pour comprendre à
quel point les Américains rétifs sont
poussés de force vers la guerre, il faut
revenir sur un
article important de Ron Unz,
qui fait partie de sa série American
Pravda, de recherches sur l’histoire
américaine et sa représentation biaisée
dans la mémoire collective et dans les
médias. « Notre grande purge des années
1940 », en dépit de son titre, est un
décryptage des codes secrets dans le
discours public américain et britannique
du 20° siècle. Après avoir fureté dans
d’innombrables journaux et magazines,
Unz a découvert que toute personne
prenant parti contre les guerres dans la
vie publique américaine s’est retrouvée
elle-même marginalisée, chassée,
oubliée ou même assassinée.
D'une façon bien
personnelle et très émouvante, Unz
raconte sa découverte : les écrivains
dont il croyait qu’ils étaient des
radicaux marginaux avaient en fait tenu
des positions éminentes dans les médias
dominants et la vie politique de leur
temps, jusqu’au jour où ils avaient été
marginalisés et présentés comme autant
d’extrémistes.
En voici un
exemple : H. E. Barnes était un
commentateur estimé et populaire sur les
tribunes les plus prestigieuses,
jusqu’au jour où, « à la fin des années
30, Barnes étant devenu un chef de file
des critiques de l’engagement américain
dans la Seconde Guerre mondiale, il se
trouva ‘effacé’ en conséquence, de façon
permanente, chassé de toute publication
mainstream, tandis qu’une chaîne
importante de journaux subissait des
pressions pour que soit mis fin à sa
colonne nationale, vénérable et
syndiquée, en mai 1940. » Il disparut de
la mémoire, dit Unz.
Charles Lindbergh
en est un exemple politique, car il
défendait le pacifisme à haute voix à la
fin des années 1930 et au début des
années 1940. Mais une fois qu’il eut
mentionné, une seule fois, que trois
groupes en particulier « poussaient le
pays à la guerre, les Anglais, les
juifs, et l’administration Roosevelt »,
il déclencha une tempête d’attaques
médiatiques et de dénonciations, écrit
Unz. Et ce fut la fin de la carrière
politique de Lindbergh, et les US
entrèrent dans la Deuxième Guerre
mondiale. Dans la bataille pour
Hollywood (outil de propagande de masse
tellement important), le seul
propriétaire de studio non juif, Disney,
une force pacifiste fervente, vit ses
locaux occupés par l’armée US, dit Unz,
le lendemain de Pearl Harbour.
Est-ce que c’était
bon ou mauvais, de notre point de vue
actuel ? Nous devrions établir une
distinction claire entre le temps qui a
précédé et celui qui a suivi le début
des hostilités en Europe. Avant, la
plateforme pacifiste était correcte, car
la Deuxième guerre mondiale pouvait être
évitée : si la Pologne (avec les
encouragements britanniques et
américains) n’avait pas provoqué
l’Allemagne, Hitler aurait pu rester
dans son pré carré et tenter de faire de
son pays un paradis nazi. A partir du
moment où la guerre a commencé
sérieusement, les US se devaient
d’intervenir en Europe pour empêcher une
victoire allemande et la domination
germanique de toute la masse eurasienne
subséquente, depuis la Manche jusqu’à
Vladivostok. Quant à la guerre avec le
Japon, elle aurait pu être évitée si les
US n’avaient pas provoqué le Japon avec
leur embargo sur le pétrole.
Unz écrit que les
juifs et l’administration Roosevelt
avaient prévalu sur la grande Bretagne
et la Pologne pour faire adopter une
ligne farouchement anti-allemande. Les
juifs étaient certes anti-nazi, et
aspiraient à tirer parti de la guerre
mondiale. Mais F. D. Roosevelt avait été
élu sur sa promesse de paix et de
neutralité ; puis, une fois élu, il
avait fait marche arrière, et foncé dans
la guerre.
Ce schéma s’avère
donc être à l’œuvre en permanence dans
la politique américaine; les présidents
se font élire en promettant la paix, et
choisissent la guerre une fois élus. F.
D. Roosevelt soutenait le pacte de
neutralité, mais il a précipité les US
dans la Deuxième Guerre mondiale. G. W.
Bush avait promis une « politique
étrangère humble » et lança la conquête
de l’Afghanistan et de l’Irak. B. H.
Obama était tellement porté sur la paix
qu’il avait reçu le prix Nobel de la
paix à l’avance, mais il a continué à
guerroyer en Libye et en Syrie. Et
maintenant nous avons Donald Trump, dont
le programme électoral comportait la
promesse « d’en finir avec les
changements de régime » et de nouer une
amitié avec la Russie, mais sa
présidence, le temps passant, restera
dans les mémoires pour ses menaces de
guerre contre l’Iran et la Corée du
Nord.
Unz, dans son
article mentionné, fait aussi référence
à la guerre d’Irak. Ceux qui ont fait
objection à cette guerre, la plus
insensée et destructive, ont été
marginalisés et ostracisés :
Phil Donahue avait
une grande audience sur MSNBC,
mais au début 2003, son émission était
déprogrammée, tandis qu’un memo fuitait,
expliquant que son
opposition à la guerre qui se
préparait en était la cause. Le
conservateur Pat Buchanan et le libéral
Bill Press, tous deux très critiques
contre la guerre en Irak, avaient décidé
de transmettre un débat télévisé devant
attirer un taux d’écoute maximum sur le
même réseau, mais il fut
également annulé pour les mêmes raisons.
Bill Odom, le général trois étoiles qui
avait dirigé l’Agence pour la sécurité
nationale de Ronald Reagan se vit de
même
blacklisté des médias pour son
opposition à la guerre d’Irak.
Bien des voix éminément médiatiques
“disparurent” au même moment à peu près,
et même une fois que l’Irak était
reconnu universellement comme un énorme
désastre, la plupart d’entre eux ne
retrouvèrent jamais leur micro.
Il y a donc une
force qui pousse puissamment à la guerre
au moins depuis 1914 et ce jusqu’à
aujourd’hui. Cette force se superpose au
principal vecteur de la politique
américaine, et depuis 1991, à la
politique occidentale en général. Elle
comporte un solide facteur juif, qui a
sa base dans les médias et les
universités, telle une nouvelle Eglise
de l’Ouest, en marche pour embrasser le
monde entier. Ses guerres sont des
« croisades » (מצווהמלחמת, ‘guerres pour
la foi’ style guerres de Josué
[l’exterminateur biblique, ndt]). C’est
la méthode juive pour la domination
mondiale. Les juifs renâclent à le
reconnaître, mais pour une fois, ils
vont l’admettre et le reconnaître ; tout
particulièrement parce que leur projet
se combine avec celui de l’Amérique avec
sa « destinée manifeste » et avec le
« fardeau de l’homme blanc »
britannique.
L’une des raisons
pour lesquelles les juifs ont faussé
compagnie aux Russes, c’est le manque
d’agressivité de ces derniers. Que ce
soit au foot ou à la guerre, les Russes
sont en général des joueurs sur la
défensive. Même Staline, dont le nom
fait encore peur, n’avait guère déclaré
de guerre d’agression ; jamais il
n’avait rêvé de conquérir l’Europe ou le
monde. D’autres dirigeants russes ont
été encore plus à la défensive. Cela ne
fait pas l’affaire des juifs, qui
préfèrent plus d’action.
Car la civilisation
anglo-américaine a sa propre agressivité
intrinsèque aussi. Ceci n’est pas un
jugement de valeur, ni une condamnation
en soi : il y a des mangeurs d’herbe et
des carnivores ; nous faisons des chats
et des chiens des bêtes de compagnie,
alors que ce sont des prédateurs, mais
ne choyons pas les agneaux timides ou
les veaux. Ce qui n’empêche pas que
l’agressivité doit trouver ses limites,
faute de quoi le monde va à sa perte. On
tend vers cette limite, et le président
Trump qui a lancé des ballons d’essai
pour quitter l’OTAN et pour démanteler
d’autres alliances agressives est
précisément en train de travailler à
l’apaisement.
L’accord syrien
Il y a des
indices : Trump veut faire en Syrie ce
que Nixon avait fait au Vietnam, plus
précisément, s’en retirer. C’est une
sage entreprise, s’il est autorisé à la
mener à bien. Selon les rapports
médiatiques, il y a deux conditions qui
doivent être débattues avec Poutine.
La première
condition c’est l’Iran. Les US veulent
que la Russie limite sa collaboration
avec l’Iran ou même chasse l’Iran de la
Syrie. Pour cela, les US proposent de
renoncer à l’exigence « Assad doit
partir » ; et de cesser d’insister sur
l’idée que la Syrie devrait être
gouvernée par un nouveau gouvernement
provisoire sans Assad. Les US sont prêts
à accepter que des élections se tiennent
en Syrie en 2021, et jusque là, le sujet
sera rayé de l’agenda. Mieux encore, les
US tentent la Russie en lui faisant
miroiter la levée de quelques sanctions
sur la Russie elle-même. Ce marché avait
été proposé aux Russes il y a quelques
semaines, et il est en cours
d’élaboration depuis lors.
L’Iran, c’est
l’ennemi de choix pour Israël. Donald
Trump a fait une alliance temporaire
avec les sionistes, le groupe juif qui
tient avant tout au Moyen Orient, tandis
que les juifs « libéraux » aspirent à la
domination mondiale. Ces derniers sont
fermement opposés à Trump, tandis que
pour les juifs sionistes l’agenda
libéral aux US et en Europe
(immigration, genre, délocalisation,
liberté de commerce) est moins
important, alors que le Moyen Orient
(Israël, Iran, Syrie) est plus
important. Trump tente de satisfaire les
appétits sionistes en espérant que cela
mettra des bornes aux attaques de leurs
frères contre sa personne, en retour.
Dans la mesure où Poutine est également
amical avec les sionistes, tandis que
les libéraux lui sont hostiles, les deux
présidents peuvent trouver un compromis
acceptable. Mais ce ne sera pas ce dont
rêve Israël.
La Russie n’entend
pas se quereller avec l’Iran ; elle ne
peut probablement pas expulser l’Iran de
Syrie, même si elle le voulait.
Aussitôt que ce sujet est apparu dans la
presse, une longue interview d’Assad est
parue, dans laquelle le président Assad
soulignait que l’alliance avec l’Iran
est le point le plus important pour lui.
Après tout, les Iraniens se sont battus
aux côtés d’Assad quand les Russes se
contentaient d’observer en spectateurs.
Les Iraniens quant
à eux sont dans pris dans un dilemme.
Ils ne veulent pas d’une confrontation
avec la Russie, ni avec les US, ni même
avec Israël. Quand Poutine a lancé son
ballon d’essai, en disant que toutes les
troupes étrangères devraient se retirer
de Syrie, les Iraniens n’ont pas
bronché, mais ils disaient ; « Nous
pouvons partir, à condition qu’on nous
le demande ». Les Iraniens peuvent
quitter la Syrie, mais c’est Damas qui
ne veut pas en entendre parler.
Et pourtant, l’Iran
a accepté de ne pas participer à la
bataille qui se déroule en ce moment
pour le Sud-Ouest de la Syrie, pour le
territoire adjacent aux frontières de la
Jordanie et d’Israël. Là, l’armée
légitime de la Syrie est en train de
conduire une offensive victorieuse
contre les rebelles avec un soutien
aérien russe et sans participation
iranienne.
Peut-être que cette
absence des Iraniens aux abords des
frontières israéliennes sera présentée
par Trump à Israël comme sa réussite
personnelle. Trump veut que la Russie
crée une zone exclusive libre d’Iraniens
autour des frontières jordanienne et
israélienne. La Russie ne contrôle pas
la situation en Syrie au point de
pouvoir s’en charger. Mais la Russie
peut négocier avec les Iraniens pour
empêcher les milices chiites de pénétrer
dans la région. Ils l’ont fait une
fois : quand les troupes syriennes se
sont rapprochées de la frontière
israélienne dans la zone de Kuneitra ;
Israël exigeait que les milices chiites
restent au large, à 50 ou 70 km de là.
Les Russes ont dit : « Non, mais nous
allons organiser pour vous quelques
kilomètres de séparation ». Ce qui
prouve que ce genre d’arrangement est
possible, si les parties sont
suffisamment flexibles, mais sans qu’on
puisse parler d’un accord sur la base
d’une « trahison de l’Iran par la
Russie’.
Le second point
repose entièrement sur les rebelles.
Trump ne veut pas
que le retrait des soldats américains
s’accompagne d’un bain de sang. Tandis
que les représentants US aux Nations
Unies accusaient la Russie de violer le
cessez-le-feu et de ne pas respecter la
zone de désescalade, la Maison blanche
disait que l’Amérique soutiendrait
moralement les rebelles, mais sans aller
jusqu’à combattre pour eux. « Vous ne
devriez pas baser vos décisions sur
l’attente d’une intervention militaire
présumée de notre part », tel était le
message.
Et ce fut le signal
de la fin pour la rébellion. Robert Fisk
estime que leur effondrement
est imminent. Les Russes ne vont pas
rallumer la mèche. Certains groupes
rebelles se sont déjà rendus et sont
passés du côté de Damas. Les plus têtus
se sont retirés par milliers vers les
frontières israélienne et jordanienne,
mais ni Israël ni la Jordanie n’ont
l’intention de les laisser rentrer chez
eux.
On peut supposer
que Trump n’a pas envie de les voir
massacrer. Il n’a pas besoin de médias
vociférants avec des reportages sur les
combattants de la liberté syriens, leurs
femmes enceintes et leurs enfants,
trahis par Trump l’agent russe. Il a
besoin d’un accord que les troupes
syriennes respecteront, et qui permette
aux rebelles de se réconcilier avec le
gouvernement légitime ou de se retirer
sans dommage. Cette exigence convient à
la Russie. Depuis le tout début et
jusqu’à aujourd’hui, les Russes croient
et insistent sur l’idée qu’il est
nécessaire de pousser les bandes
rebelles disparates à rejoindre Damas.
Et cela convient à Assad, car chaque
fois que les troupes syriennes sont
arrivées, en libérateurs ou en
conquérants, que ce soit dans la Ghouta
orientale ou à Alep, elles ont su éviter
la vengeance et les règlements de
compte. Je suis sûr que le président
Poutine aidera le président Trump à
quitter la Syrie sans perdre la face.
Je comprends que
pour nombre de mes lecteurs, il soit
difficile ou impossible de soutenir
Trump. La tragédie de Richard Nixon peut
se reproduire, parce que le président
qui avait fait la paix avec la Chine et
le Vietnam était haï par les bellicistes
et par tous les Américains influencés
par les médias, au point qu’il a dû
quitter son poste. Il fut le dernier
président indépendant et pacifiste. Ceux
qui l’avaient condamné ont été punis par
une longue série de dirigeants très
inférieurs. Trump a bien des failles,
mais il continue à vouloir éviter une
grande guerre, et il mérite d’avoir sa
chance.
Quant à Poutine, je
suis certain qu’il sera amical et
charmant avec l’Américain et qu’il ne
sera pas tenté de faire de grosses
concessions à Trump, heureusement, parce
que les pouvoirs de Trump restent
limités ; ses décisions pourraient
encore être bloquées par le Congrès et
remises en question par son successeur.
Seule une personne très irréfléchie
signerait avec lui un accord compliqué
sur le long terme, et le prudent Poutine
se satisfera probablement d’un petit
accord ad hoc, bien cadré.
Traduction : Maria
Poumier
Israel Shamir
can be reached at adam@israelshamir.net
This article was
first published at The
Unz Review.
[1] Pour plus de détails, en
anglais, voir
ici.
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