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Opinion

Ce que dirait Poutine à Trump

Israël Adam Shamir


Israël Adam Shamir

Lundi 3 juillet 2017

Le premier rendez-vous est décisif, comme nous l’avons appris au collège, en courtisant Alice ou Nancy. La prochaine première rencontre entre deux présidents qui sont les super héros de notre génération, va planter le décor pour les prochaines années. Comment cela va se passer, qu’est-ce qu’ils vont se dire ? Les conséquences en seront heureuses ou fatales.

Tous les deux sont les meilleurs dirigeants que deux grands pays aient produits depuis bien des années. La Russie n’avait pas eu de dirigeant de cette stature, et avec un tel soutien populaire depuis Staline ; un sondage récent l’atteste : pour choisir la personnalité la plus  haute dans l’histoire, des Russes très divers ont placé Poutine et Staline en tête, avant Pouchkine, le poète russe qui occupe la place que les Anglais réservent à Shakespeare. Trump, avec toutes ses carences, est un grand et bon dirigeant ; dès le démarrage de sa carrière d’homme d’Etat, il dépasse d’une bonne tête ses prédécesseurs depuis Richard Nixon.

Ils sont extrêmement différents. D’abord par leurs expériences respectives. Poutine dirige son pays depuis environ dix-sept ans ; il a rudement appris les astuces et  ruses  de jeu du pouvoir, étant au départ le prête-nom des sept banquiers juifs qui avaient privatisé la Russie dans les années quatre-vingt-dix, puis devenant un autocrate pleinement indépendant, comparable à l’avant-dernier tsar Alexandre III, ou à Napoléon III. C’est un vrai dirigeant sage, selon les critères de Confucius, qui cache toujours sa volonté acérée dans un gant de velours, toujours modeste, modéré, tempéré, ne se laissant jamais aller à des accès de passion. Il ne perd jamais le contrôle de lui-même, et les sages nous disent que c’est la chose la plus difficile à contrôler, et la plus sublime. C’est aussi un homme d’Etat responsable et fiable ; sa parole vaut engagement : il a tenu les promesses ridicules qu’il avait faites à la famille de Eltsine. Et il est aussi très populaire parmi ses sujets.

Trump au contraire vient tout juste, dans son âge mûr, de s’embarquer dans un périple d’homme d’Etat, après toute une vie à rechercher les plaisirs et les succès en affaires. Il manque cruellement d’expérience, sa main mise sur le pouvoir est précaire. Il est entouré par des ennemis déclarés et cachés, par des gens qui prient pour qu’il se casse les dents. Ses propres services secrets sont dans l’opposition, ainsi que les médias et son propre parti. Et sa popularité n’est pas assurée. 

C’est quelqu’un de passionné et de flamboyant, qui a tendance à donner libre cours à ses sentiments et émotions. Il est extroverti, tandis que Poutine est introverti. C’est un homme de scène, alors que Poutine avait travaillé dans l’ombre, en James Bond russe sur les bords. 

De telles différences pourraient constituer le socle d’une belle amitié soudée par la complémentarité. Si ces deux personnages aux talents si différents devaient travailler ensemble pour un but commun, ils guideraient l’humanité  et nous sortiraient de l’impasse actuelle. Leurs différences sont celles de « deux durs face à face, venus des deux bouts du monde »[1].

Seulement voilà, tous les deux sont gravement handicapés. Trump par la campagne empoisonnée insinuant qu’il a été élu grâce à l’interférence russe, et qu’il fricote avec la Russie ; quelle que soit la conclusion, si elle ne débouche pas sur une frappe militaire, le New York Times et CNN vont croasser sur le mode : il a vendu les joyaux de la couronne. Poutine de son côté est handicapé par le fait que la Russie est plus faible que le US en tous sens sauf en matière d’armement apocalyptique. La Russie est encerclée par des bases militaires US, le budget militaire US est dix fois plus important que le budget russe. Poutine a très peu de marge de manœuvre pour un retrait et il pourrait bien répondre par la force à une provocation. 

 Si Poutine devait dire le fond de sa pensée à Trump, ce qui est très improbable, parce que leur conversation va certainement être sabotée, enregistrée et fuitée par la Nasa aux médias hostiles, voici ce qu’il lui dirait :

- Tu vas pouvoir réaliser tous tes vœux, Donald, rendre sa grandeur à l’Amérique, atteindre tous les objectifs réalistes des US, si tu t’inspires de ton grand prédécesseur Richard Nixon, le dernier président américain indépendant. Même aujourd’hui, après des années d’inflation, un ouvrier américain ramène à son foyer le même salaire que son père au temps de Nixon. S’il y a eu un  âge d’or pour les Américains, c’était bien à ce moment-là. Nixon a créé les bases de la prospérité, il a dessiné pour le long terme la politique étrangère des US, une politique qui reste valable et fonctionnelle, malgré les ajustements de rigueur, basée sur le commerce chinois et le pétrole arabe. Nixon a mis fin aux guerres en Asie du Sud Est, et a amorcé la détente.

Nixon a fait un virage complet  au Viet Nam. Il a mis fin à la guerre qui avait enflé pendant des années, sans la gagner : il a reconnu la futilité de la guerre. Toi, tu peux faire la même chose avec les guerres du Moyen Orient que ton pays livre depuis trop longtemps. Ce sont des guerres pour rien. Tout ce que tu veux obtenir en Syrie, tu peux le décrocher sans tirer un seul coup de feu, sans envoyer un seul soldat.

 

Je me disais cela en recevant la visite du nouveau président du Viet Nam, il y a quelques jours. Les US se sont battus au Viet Nam pendant des années, vous avez perdu 50 000 hommes et tué des centaines de milliers de Vietnamiens, et malgré tout cela, vous avez été battus et chassés d’Indochine. Et au final, qu’est-ce qu’on découvre? Les Vietnamiens sont les meilleurs amis des US, maintenant. Ils aiment mieux les Américains que nous les Russes, ou les Chinois, alors que nous les avons soutenus contre vents et marées pendant leurs guerres contre vous ou contre les Français. La guerre du Viet Nam, c’était pour quoi ? Les Américains te poseront la question dans quelques années : pourquoi nous sommes nous battus en Syrie et en Irak ? Et tu seras bien en peine de répondre.

Nixon a osé opérer le retournement de la politique de contention de la Chine communiste qui avait tenu toute une génération. Il a bâti des ponts avec la Chine, instauré la paix et la prospérité pour le peuple américain, et pour le peuple chinois aussi. Tu peux en faire autant avec la politique de contention de la Russie, de l’Iran et d’autres Etats indépendants plus petits. Jette donc des ponts, et ce sera la prospérité pour tous.

 Prenons d’abord le cas de la Syrie. Qu’est-ce que les US veulent gagner, en Syrie ? Tu peux le dire, et l’obtenir, sans guerre, sans frais et sans problème. Et je ne parle pas d’y arriver dans un morceau d’une Syrie brisée et fragmentée sous occupation. Je parle  d’une Syrie entière et unie, avec Damas pour capitale, et Bachar al Assad pour président. Il n’y a rien dans les limites du raisonnable que le président Assad te refuserait, et je me porterai garant de ses promesses. Tu veux faire du commerce, produire, vendre, transiter par la Syrie. Bienvenue, Ahalan we Salahan, te répondrait Assad. C’est son vœu le plus cher !

Et cela vaut pour l’Iran. Ce grand pays si ancien tient à l’amitié américaine, aux échanges et aux investissements US. Ils ont élu un président très pro-occidental et néolibéral il y a à peine quelques mois. Ils ont accepté les conditions humiliantes de l’accord sur le nucléaire. Ils n’ont jamais envoyé le moindre terroriste aux US ni en Europe.

Et pour ce qui est des conditions à respecter, ce sont les mêmes que le président Nixon avait acceptées dans ses accords avec la Chine. Pas d’interférence dans les affaires internes du pays. Nixon n’a pas demandé à la Chine de désarmer, de renoncer au communisme, de vendre leurs industries et leurs ressources naturelles aux sociétés américaines ni même d’ouvrir complètement leurs marchés aux US. Toi aussi tu peux renoncer à l’ingérence,  arrêter de te mêler des affaires intérieures des autres pays. 

L’Iran veut être une république islamiste et permet à ses prêtres, appelés ayatollahs, d’avoir un œil sur leur gouvernement. Eh bien c’est leur affaire. Ce n’est ni pire ni meilleur que l’idée arabo saoudienne qu’une seule famille, descendante des Saoud, devrait faire la loi et empocher tous les bénéfices ; ou que la méthode israélienne qui privilégie une croyance, ou encore la manière de faire des Européens : tout cela relève du choix de chaque peuple. Nous ne leur disons pas ce qu’ils doivent manger, comment ils doivent choisir leurs partenaires ou gouverner leur pays. Personne n’est parfait, comme il est dit dans Certains l’aiment chaud.

 Il y a des gens qui adorent s’entremettre. Ils disent que les Alaouites ont trop de pouvoir en Syrie. Nous répondons : c’est leurs oignons. Ils ne vous disent pas que les Juifs sont trop de pouvoir chez vous, et vous n’avez rien à leur dire sur leurs Alaouites. Laissez donc les Syriens se débrouiller avec ça dans leur style propre.

Je ne m’en ferais pas trop pour le désarmement non plus. Nixon n’en faisait pas un fromage. S’il avait attendu que la Chine désarme, vous n’auriez pas de produits chinois dans vos magasins. 

A présent votre budget militaire est plus élevé que celui de tous les budgets militaires réunis, de tous les Etats de la planète. Si le désarmement te tracasse, commence par faire des coupes dans le tien, de façon raisonnable, et d’autres Etats suivront.

D’accord, il y avait aussi Taïwan.  Taïwan revendiquait sa souveraineté par rapport à la Chine, avait su garder sa place au Conseil de sécurité, son puissant lobby bloquait toute tentative pour modifier ce statu quo. Richard Nixon a opéré un revirement complet aussi sur Taïwan. Il n’a pas « bradé » ou « lâché » Taïwan, comme hurlait le lobby taïwanais. Il a simplement remis Taïwan à sa place, lui restituant des proportions légitimes et raisonnables dans la politique américaine.

Taïwan a continué à prospérer, et a de bonnes relations fonctionnelles avec la Chine continentale, de bonnes relations avec tout le monde, d’ailleurs, et sa population a gagné en matière de liberté et de respect des droits de l’homme; mais Taïwan a dû renoncer à ses revendications déraisonnables par rapport à la Chine et à l’usage du veto en matière de politique US.

Il y a un Taïwan au Moyen Orient, et il s’appelle Israël. Ses prétentions à la supériorité et à l’ascendant au Moyen Orient sont la principale cause de vos guerres en Syrie, en Iran et en Irak. Tu peux gérer ça aussi comme Nixon l’a fait pour le problème taïwanais. 

 Je suis le dernier à vouloir du mal à l’Etat juif. J’y vais régulièrement, je paye les retraites de centaines de milliers de retraités israéliens, je reçois leurs dirigeants abondamment, j’ai des amis d’enfance là-bas. Je suis réputé là-bas pour mes égards envers le peuple juif. J’ai donné un mois de salaire pour restaurer le musée juif de Moscou, qui est le plus grand musée juif au mode. Notre communauté juive prospère. Le rabbin en chef, qui appartient à la même branche loubavitch que la synagogue dont ta fille Ivanka et son mari Jared sont membres, fait appel à moi et trouve toujours chez moi l’aide et le soutien souhaités.

Les juifs sont des gens merveilleux, qui en douterait. Cependant, tu ne devrais pas permettre à ces gens merveilleux de te monter dessus comme sur leur bourrin. Ce sont les termes de Lénine, et j’avais appris ça  en tant que jeune communiste. Lénine était extrêmement amical avec les juifs, il avait beaucoup de collègues juifs, mais il ne leur a jamais permis de s’assoir sur son dos, et moi non plus.

Un traitement à la taïwanaise correspondrait aux vrais intérêts des Israéliens. Depuis quelques années, des centaines de milliers d’Israéliens ont déménagé en Russie. Nous les acceptons, parce qu’ils ne sont pas heureux dans l’Israël réel. Débarrassés de leurs ambitions,  les Israéliens trouveront la paix au Moyen Orient, dans leur foyer national.

 La Russie est une bonne amie de l’Iran et de la Syrie, et cela n’affecte pas notre amitié avec Israël. Les Israéliens comprennent que pour nous ils ont comme le Taïwan régional, le reste du Moyen Orient constituant la Chine continentale. Tu peux faire la même chose : fais la paix et retrouve l’amitié avec la Syrie et avec l’Iran, et tiens les rênes de l’amitié avec Israël. Ils comprendront ; ils vont peut-être geindre pendant quelque temps, mais ils finiront par trouver un nouveau modus vivendi.

Avant d’entrer en guerre, définis tes objectifs. Si tu le fais en ce qui concerne la Syrie, tu verras que tu te jettes dans une guerre pour les intérêts du commandement de l’armée, pour les intérêts de la banque internationale et pour les intérêts israéliens. A ta place, je respecterais ces intérêts qui sont parfaitement légitimes, mais ce ne sont pas les tiens, ce ne sont pas les intérêts du peuple américain.

Les généraux adorent la guerre, c’est leur profession, ils en veulent toujours plus, et des plus gros budgets, et des médailles. Mais un bon dirigeant est celui qui commande à ses généraux, il n’est pas à leurs ordres. J’ai renvoyé les trois quarts de mes généraux, et ma popularité n’en a nullement souffert. Comment je m’y suis pris ? J’ai embauché un gars qui avait l’air idiot et qui n’était pas un professionnel, comme secrétaire à la Défense, avec pour mission de dégraisser l’armée. Il l’a fait et s’en est pris plein la figure. A la fin, je l’ai viré et l’armée ne m’en aime que plus !

 Vous allez vraiment retrouver la prospérité et on t’appellera le meilleur président de tous les temps, si tu arrives à faire maigrir ton ministère de la Guerre. La Russie a eu beaucoup de bases à l’étranger, de Cuba jusqu’au Vietnam, d’Aden jusqu’à l’Arctique ; nous les avons toutes démantelées, et nous ne l’avons jamais regretté. Les bases coûtent cher, et il vaut mieux s’en passer.

Mes généraux, tu vois, ils me suppliaient d’envoyer des troupes en Ukraine, mais je ne l’ai pas fait. Nous ferons mieux de dépenser pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. Maintenant nous avons quelques millions d’Ukrainiens qui ont voté avec leurs pieds : ils sont partis s’installer et travailler en Russie, parce que notre mode de vie leur plaît plus. Et n’oublie pas ceci ; l’Ukraine était la partie la plus riche de l’Union soviétique à l’époque de sa chute en 1991. Et maintenant les voilà pauvres. Il vaut mieux soutenir une économie que de livrer des guerres.

 Les banquiers internationaux aussi adorent les guerres. Je respecte leurs désirs, mais je ne cherche pas à en faire mes obligés. Les juifs adorent les guerres, mais il n’est pas nécessaire de leur donner tout ce qu’ils souhaitent. Les US n’ont aucun intérêt véritable à défendre en Syrie ou en Ukraine au prix d’une guerre. Même chose pour l’Estonie. Je peux te le promettre : nos chars ne vont envahir les Etats baltes, même s’ils ont fait partie de la Russie pendant trois cents ans. Ôte simplement tes bases de l’Otan de notre voisinage. Si tu ne le fais pas, nous serons obligés de nous défendre  nous-mêmes.

Nixon avait fait aussi un virage à 180° dans sa politique avec la Russie. Il avait choisi la détente au lieu de la confrontation. C’était tellement effectif qu’en 1990, tous les Russes ont choisi de soutenir l’Amérique, de suivre l’Amérique et d’accepter le modèle américain. J’étais moi-même très pro-américain. Dans le film d’Oliver Stone, je le reconnais. J’ai été le premier à appeler le président Bush pour lui offrir mon aide au moment du 11 septembre. Je lui ai offert des facilités de passage quand il a décidé d’aller en Afghanistan. Il a fallu des années de soutien US aux rebelles terroristes dans le Caucase, d’implantation de l’Otan vers l’est, de vicieuses campagnes contre moi et contre notre mode de vie russe, d’attaques contre l’Irak, pour que je change d’avis sur l’éternelle bienveillance des US et j’en ai rendu compte dans mon discours de Munich.

Tu peux prendre ce virage toi aussi, passer de la confrontation à la détente en Russie, comme Nixon l’avait fait. Et tu trouveras en ma personne l’allié le plus ferme, le plus sûr. 

Qu’est-ce que tu en penses, Donald, de cette offre?

 

Joindre Israel Shamir :  adam@israelshamir.net

Traduction : Maria Poumier

Publication originale dans The Unz Review.

[1] Rudyard Kipling disait aussi : « L’Est est l’Est, et l’Ouest est l’Ouest, et jamais ils ne se rencontreront » en 1889, dans son poème La Ballade de l’Est et l’Ouest, (ndt).

 

 

   

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Source : Entre la Plume et l'Enclume
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