Analyse
Gaza: nulle part où aller
IRIN
Plus de 80
000 Palestiniens sont hébergés dans les
abris gérés par l’UNRWA
Photo: UNRWA
GAZA, 22 juillet 2014 (IRIN)
Umm
Mustafa, 50 ans, connait la tristesse de
quitter son domicile. Comme bon nombre
de Gazaouis, cette mère de huit enfants
passe des nuits agitées dans un abri
géré par les Nations Unies pour la
troisième fois en huit ans.
Mais cette fois, la situation est pire
que jamais. Son mari, qui a eu une crise
cardiaque peu de temps après les
dernières attaques israéliennes de 2012,
a du mal à marcher correctement. Umm,
quant à elle, a récemment appris qu’elle
avait un cancer.
Mais, malgré tout, la famille a dû
refaire ses valises car, depuis neuf
jours, sa ville de Beit Lahia est à
nouveau affectée par des destructions. «
Chaque fois que la guerre touche Gaza,
nous sommes obligés de quitter [nos
maisons] », a-t-elle dit avec lassitude
en repensant au trajet jusqu’à Gaza. «
Il y avait des bombardements continus
autour de notre maison et les Israéliens
menaçaient les habitants de notre
quartier. Nous voulions au moins sauver
nos vies ». Les forces armées
israéliennes soulignent qu’elles ont
averti – et non pas menacé - les
Gazaouis qu’ils devaient quitter les
quartiers qu’elles avaient l’intention
de viser.
La famille dort désormais dans une école
gérée par l’Office de secours et de
travaux des Nations unies pour les
réfugiés de Palestine dans le
Proche-Orient (UNRWA) dans des
conditions qui sont loin d’être adaptées
aux malades. Elle a quitté sa maison
spacieuse pour une salle de classe de 30
mètres carrés qu’elle partage avec 40
membres de sa famille élargie. Ils ont
amené quelques couvertures et oreillers,
mais il n’y a pas suffisamment de place
pour coucher tout le monde.
De nouvelles personnes arrivent chaque
heure. Depuis l’invasion terrestre
israélienne du 17 juillet, des milliers
d’autres Gazaouis ont abandonné leur
domicile.
Il y a cinq jours, l’UNRWA offrait un
hébergement à environ 22 000 personnes.
Leur nombre a presque quadruplé
puisqu’ils sont désormais 85 000 – ils
sont donc bien plus nombreux que lors de
la guerre dévastatrice de 2008, baptisée
‘Opération Plomb Durci’, qui a duré
trois semaines. Des milliers d’autres
personnes se sont installées chez des
amis ou des parents. Des quartiers
entiers de l’est de la ville de Gaza ont
été vidés de leurs habitants, les
familles choisissant de s’installer dans
le centre de la ville pour échapper aux
bombardements. L’hôpital Al-Shifa est
lui aussi devenu un
abri non officiel pour les déplacés.
Malgré l’appel
du Conseil des Nations Unies à un
cessez-le-feu immédiat, les violences ne
se sont pas apaisées. Le dimanche 20
juillet a été le plus sanglant depuis la
reprise des hostilités le 8 juillet : 13
soldats israéliens et plus de 100
Palestiniens, dont une majorité de
civils, ont été tués.
Manque de place
Les craintes liées au manque de place
dans les abris s’intensifient d’heure en
heure. Chris Gunness, porte-parole de
l’UNRWA, a indiqué que l’agence pouvait
héberger environ 100 000 personnes dans
ces infrastructures – mais elles
seraient « très à l’étroit ».
Il a ajouté que l’Office avait lancé un
appel d’urgence pour récolter 60
millions de dollars afin de couvrir les
frais engendrés par l’intervention
d’urgence et la phase de rétablissement
qui devrait durer de 3 à 6 mois et
permettre d’effectuer des réparations et
de reconstruire. « Si les gouvernements
ne répondent pas [à l’appel] dans les
prochains jours, cela entravera notre
intervention d’urgence », a-t-il dit.
Les journalistes d’IRIN se sont rendus à
l’école qui abrite Umm Mustafa.
Plusieurs centaines de personnes dorment
dans les salles de classe, certaines à
même le sol en raison du manque de
matelas. Les familles s’efforcent de
maintenir un semblant d’intimité
derrière les bureaux qu’elles empilent
dans la salle de classe. Elles partagent
leur nourriture et leurs fournitures
avec les personnes qui les entourent.
Sumaya, 40 ans, est mère de huit
enfants. Elle jouait avec son
petit-fils, dont la mère – la fille de
Sumaya – est décédée (elle n’a pas été
tuée dans les bombardements). Elle a dit
à IRIN que ses fils étaient déjà au
chômage avant la reprise des hostilités
et qu’ils n’avaient pas pu aller à
l’école en raison de la crise financière
qui secoue Gaza.
« Nous ne manquons pas seulement
d’argent, mais aussi de sûreté et de
sécurité personnelle. Si nous n’avons
pas les moyens de répondre aux besoins
élémentaires de nos familles, nous
essayons au moins de les mettre en
sécurité », a-t-elle dit.
« Cet incident, le premier de ce
type à Gaza, a mis en danger les
populations civiles ainsi que le
personnel et a menacé la mission
vitale d’assistance et de protection
qu’accomplit l’UNRWA en faveur des
réfugiés palestiniens à Gaza ».
Bon nombre de déplacés interrogés par
les journalistes d’IRIN ont indiqué que
les forces israéliennes leur avaient
demandé de quitter leur domicile.
Mohammed, 37 ans, faisait la queue
patiemment dans l’abri avec son bébé de
18 mois pour recevoir du lait pour
l’enfant et des conserves pour le reste
de la famille. Il a dit qu’il avait
quitté son domicile après le passage des
avions de l’armée israélienne qui
larguaient des prospectus. Ils disaient
: « Partez ou restez à vos risques et
périls ».
Pendant ce temps, l’enclave reste
bouclée, car les frontières avec
l’Egypte et Israël sont
toujours fermées en raison du blocus
imposé depuis sept ans sur Gaza. Comme
bon nombre de ceux qui ont trouvé refuge
dans l’école, Mohammed se pose cette
question : « Où allons-nous partir ? ».
« Nous [sommes ici] pour le bien de nos
enfants », a-t-il ajouté. « Nous savons
qu’il n’y a pas de lieu sûr à Gaza ».
L’UNRWA condamne le dépôt de
roquettes dans son école
L’UNRWA a annoncé que 64 de ces
propriétés avaient été endommagées
depuis le début de la crise, alors que
les craintes liées à la politisation des
abris enflent depuis la découverte de 20
roquettes dans l’une des écoles
inoccupées de l’UNRWA. Depuis longtemps,
Israël accuse le Hamas et d’autres
groupes militants d’entreposer des armes
dans des bâtiments civils.
Depuis, l’UNRWA fait l’objet de
critiques de la part de
représentants politiques israéliens et
la chaîne de télévision ‘Channel Two’,
la première chaîne d’information
israélienne, prétend même qu’une
ambulance de l’UNRWA a été utilisée pour
transporter des militants à Gaza le 19
juillet – l’accusation a été retirée et
la chaîne a présenté ses excuses.
M. Gunness a indiqué que les accusations
portées par les représentants politiques
et les médias israéliens étaient
dangereuses. Il a également condamné le
dépôt d’armes dans l’école.
« Cet incident, le premier de ce type à
Gaza, a mis en danger les populations
civiles ainsi que le personnel et a
menacé la mission vitale d’assistance et
de protection qu’accomplit l’UNRWA en
faveur des réfugiés palestiniens à Gaza
», a-t-il dit.
Quand on lui a demandé quelles mesures
avaient été prises pour que les
personnes qui cherchent un refuge ne se
retrouvent pas à nouveau en danger, M.
Gunness a indiqué que l’agence enquêtait
sur la situation.
« L'UNRWA dispose de procédures solides
et bien établies pour assurer la
neutralité de toutes ses installations
incluant une politique stricte de
non-armement ... L’UNRWA maintiendra et
continuera de renforcer ses procédures
», a-t-il dit.
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Publié le 22 juilet 2014 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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