Ilan Pappé et les crimes israéliens :
«Il nous faut les noms !»
Dimanche 25 octobre 2015
Ilan Pappé à propos de la façon dont
nous traitons les criminels de guerre.
Nous devons nous poser la question de
savoir comment il se fait que, trois ans
après l’Holocauste, les Juifs peuvent
avoir été aussi insensible, au point
d’être si déterminés à commettre un
crime d’une telle ampleur.
Ainsi donc,
je crois que la première leçon que nous
tirons en examinant la connexion entre
l’idéologie sioniste et les gens qui ont
décidé le nettoyage ethnique et ceux qui
ont dirigé les opérations sur le
terrain. La première leçon que je dire,
du moins de l’histoire qui nous concerne
aujourd’hui, c’est que nous devons
concentrer notre campagne sur les noms
et les gens et ne pas nous satisfaire de
vagues concepts. Nous ne combattons pas
quelque chose que nous ne voyons pas.
Bien sûr que nous sommes, que je
suis, un anti-sioniste et nous pouvons
dire que nous combattons le sionisme,
que nous combattons Israël, que
peut-être nous combattons un certain
groupe de Juifs, etc. Mais nous devrions
être plus spécifiques dans ce que nous
faisons. Nous combattons des gens qui
sont des criminels. Et nous connaissons
leurs crimes. Nous allons agir en
professionnels, à ce propos, et non pas
de façon uniquement émotionnelle, contre
ces choses.
Il y a eu un moment fort en
Grande-Bretagne, dont je pense qu’il
nous a montré la voie. Quand le
commandant en chef dans la bande de Gaza
était venu pour un week-end de shopping
à Londres, il avait du rester avec le
personnel de nettoyage dans l’avion d’El
Al, parce qu’un groupe professionnel
d’activistes avait dit aux autorités
britanniques qu’ils allaient exiger son
arrestation pour crimes de guerre et
c’est quelque chose qu’il ne voulait pas
risquer.
Ainsi donc, nous devrions apprendre
la nature des crimes d’aujourd’hui,
comme nous connaissons la nature des
crimes d’hier. Nous devrions connaître
les noms des gens impliqués là-dedans.
Parce que nous avons peu de chances
d’aller de l’avant si nous adoptons un
langage très vague à propos de qui fait
quoi et à qui. Nous devrions connaître
les noms des victimes. Nous devrions
connaître les noms des endroits où les
crimes ont été commis.
Nous devrions en fait nous montrer
très sérieux, à ce sujet. Et dire aux
gens, comme le juge espagnol [Baltasar
Garzón Real] qui a traqué Pinochet à
tous les coins de l’Europe pour tenter
de l’amener devant la justice, nous
devrions traquer ces gens jusqu’au
moment où nous saurons qui ils sont.
Nous voulons les noms des pilotes qui
ont largué des bombes sur les
Palestiniens de la bande de Gaza.
Nous ne combattons pas les aéroports
israéliens, nous voulons le nom du
pilote. Nous voulons le nom ! Personne
ici ne connaît, je vous assure, personne
ne connaît le nom du commandant
israélien des Forces aériennes. Mais, en
fait, cet homme est un archi-criminel,
et vous ne connaissez même pas son nom !
Vous devriez connaître son nom, tout
autant que vous devriez connaître les
noms de ses victimes, si vous voulez
réussir politiquement. Cela ne suffit
pas de parler du fait qu’Israël commet
des crimes de guerre, c’est comme si
vous disiez que l’Amérique commet des
crimes.
Cela n’a jamais fait bouger quoi que
ce soit, des propos aussi vagues et
j’estime que nous devrions le savoir. Il
est plus facile de le faire en tant
qu’historien traitant de 1948, je le
concède. Mais je pense qu’il y a un
modèle, ici, que nous devrions adopter
pour nos activités et nos actions dans
le présent et dans un proche futur.
Traduction : Jean-Marie Flémal
Auteur
de nombreux ouvrages, Ilan Pappe
est professeur d’histoire et
directeur du Centre européen des
Études palestiniennes à l’Université
d’Exeter (Angleterre).
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