France-Irak
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Bataille de Mossoul :
la crainte de lendemains qui déchantent
Gilles Munier
Mardi 27 septembre 2016
L’offensive finale contre l’Etat
islamique à Mossoul aurait lieu en
octobre. Le président Barak Obama tient
à ce que la ville soit « libérée
assez rapidement», soit avant la fin
de son mandat, ce qui permettrait à
Hillary Clinton, candidate à sa
succession, d’occuper une part du champ
médiatique sur cette question. Son
rival, Donald Trump, tient à passer pour
un « ami des Kurdes ». Il a
déclaré en juillet dernier
qu’il admire les peshmergas et
ouvert dans la foulée le compte
Facebook «
Kurds for Trump
». En
septembre 2015, lors d’une interview, il
avait confondu « Kurd » et «
Quds Force », les forces
spéciales des Gardiens de la
Révolution islamique iranienne !
Sur le
terrain, le compte à rebours s’accélère.
Le Pentagone va dépêcher 500 GI’s
supplémentaires, ce qui portera
officiellement le nombre des militaires
américains à 6 500. La France a livré
des canons Caesar (Camion équipé d’un
système d’artillerie) d’une portée
théorique de 38 km et fait savoir que
son aviation a effectué 4 605 sorties
depuis le 19 septembre 2014, 844 frappes
et neutralisé 1 439 objectifs.
Evidemment, pas un mot sur le nombre de
civils tués ou blessés.
Jouer
avec le feu
S’il
ne fait aucun doute que l’Etat
islamique
va perdre la bataille de Mossoul,
tout le monde s’attend au pire en ce qui
concerne les pertes humaines, les
destructions et l’afflux de réfugiés.
Les cinq camps construits par le
Gouvernement régional kurde (KRG)
pour les accueillir dans la province de
Dohouk ne sont pas terminés et l’hiver
approche. Ils sont prévus pour
accueillir 500 000 réfugiés, ce qui est
loin d’être suffisant. Les Kurdes, qui
comptent officiellement 1 332 000
personnes déplacées sur leur sol, ne
peuvent pas faire plus.
Les
Américains, les Kurdes, la milice arabe
sunnite Hashd al-Watani -
dirigée par Atheel al-Nujafi,
ancien gouverneur de la province de
Ninive - et les groupes armés
assyriens chrétiens ne veulent pas que
les Forces de mobilisation populaire
chiites - Hashd al-Shaabi –
participent à l’offensive. Elles le
feront, même si le gouvernement de
Bagdad le leur interdit. Karim Nuri,
leur porte-parole l’a clairement annoncé
à Rudaw TV, ajoutant qu’il
n’avait pas besoin des peshmerga
pour libérer la ville. Il a conseillé
aux Kurdes de rester chez eux et de ne
pas
« jouer avec le feu ».
Le jour
d’après
Le
plus inquiétant pour la suite des
événements, c’est que les assaillants
ont chacun leur propre agenda. Des
réunions se tiennent pour préparer le
«jour d’après », mais qui peut dire
si les partis en présence tiendront
leurs engagements ? Les Kurdes craignent
que les milices chiites et l’armée
irakiennes tentent de récupérer les «
territoires contestés » et ceux
repris à l’Etat islamique.
Les Assyriens, les Yézidis et les
Shabaks réclament la création de
régions autonomes. Les
Turkmènes, oubliés alors qu’ils
sont la minorité la plus nombreuse, sont
loin d’avoir dit leur dernier mot. Et
par-dessus tout, les Etats-Unis sont
soupçonnés par Akram al-Kaabi, un des
commandants de Hashd al-Shaabi,
de vouloir installer une « base
militaire permanente » dans la
région de Ninive.
Ces
dernières semaines, la propagande de
guerre occidentale et gouvernementale
irakienne affirmait que les djihadistes
– entre 10 000 à 15 000 - étaient
démoralisés, que certains avaient fuis
vers Raqqa et que les exécutions de
déserteurs étaient fréquentes. Plus
sérieux, le général kurde Bahram Yassin
les estime à 20 000, prêts à en
découdre.
ISIS
3.0
Pour
le
général David Petraeus, ancien
commandant de la coalition militaire en
Irak et ancien directeur de la CIA :
« L’Etat islamique sera vaincu à
Mossoul, la vraie question est de savoir
ce qui se passera ensuite ». Dans le
Washington Post, ll rappelle
qu’en 2003 – alors commandant des
troupes d’occupation américaines à
Mossoul - il avait mis en place un
conseil régional provisoire comprenant
des représentants de toutes les
minorités ethniques et religieuses, des
tribus, ainsi que des universitaires et
des commerçants. Un général irakien,
assigné à résidence par Saddam Hussein,
en avait pris la tête. Le calme était
revenu dans la ville, mais l’expérience
avait échouée, victime du décret de
débaasification promulgué par l’Autorité
provisoire de la coalition.
Des milliers de soldats furieux, réduits
au chômage, ont rejoint l’«
insurrection », c’est à dire la
résistance irakienne.
Interviewé par
TRNN (The Real News
Network), Sabah Alnasseri,
originaire de Bassora, professeur à
l’Université York de Toronto
(Canada), s’interroge : que va-ton
faire des 10 000 généraux, officiers et
bureaucrates qui ont participé à
l’administration de l’Etat islamique
? David Petraeus a prévenu dans sa
tribune du Washington Post que,
faute de tirer de leçons du passé, il
faut s’attendre à l’émergence d’un «
ISIS 3.0 ».
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