France-Irak
Actualité
Livres : Bachar
al-Assad devant la Cour Pénale
Internationale – Tout sur les Alawites…
Gilles Munier
Mardi 18 avril 2017
Bachar al-Assad
jugé pour crime contre l’humanité : ce
n’est pas pour demain, mais qui sait ?
Dans
« Huis-clos avec Bachar al-Assad »*
qui vient de paraître aux Editions
Erik Bonnier, Merwann Abboud-Wasir
imagine ce que pourrait être la défense
du président syrien devant la Cour
Pénale Internationale à La Haye… si les
Occidentaux parviennent à convaincre la
Russie et la Chine de l’abandonner.
Arrêté, Bachar al-Assad
serait sans doute alors placé en
détention pour répondre des crimes
commis sous sa présidence, et notamment
pour « l’utilisation d’armes
chimiques contre son propre peuple ».
L’avocat choisi
pour assurer sa défense – un émule de
feu Jacques Vergès ou d’Eric
Dupont-Moretti – nous fait découvrir
un homme bien différent du monstre froid
décrit par les médias. On ne peut que
regretter qu’il n’ait pas eu le courage
de réduire la mainmise de la secte
alawite – dont il est issu – sur
le régime, et d’éliminer les «
profiteurs et les tortionnaires»
légués par son père. Pour Bachar,
ophtalmologue londonien qui n’imaginait
pas devoir un jour diriger la Syrie, la
mission était impossible. Incapable de
gérer pacifiquement la révolte provoquée
par l’arrestation et les accusations de
torture de jeunes opposants à Deraa en
mars 2011, il a laissé son pays
s’enfoncer dans la crise. La violence a
engendré la violence, et a offert une
occasion en or à ses ennemis de
s’immiscer dans les affaires intérieures
de son pays.
Ses ennemis, le
Bachar du roman les énumère pour son
avocat :
« Ils sont
multiples. Mais si je devais résumer à
une unique cause, je dirais que c’est
avant tout, et comme toujours depuis des
millénaires, une guerre de religion. La
confusion syrienne permettait à l’Arabie
saoudite et au Qatar sunnites, armés et
équipés par leurs alliés, les Etats-Unis
et l’Europe, d’affronter les forces
chiites, notamment iraniennes et
libanaises, sur le sol de mon pays. Le
tout pour insidieusement protéger Israël
». Tout est dit.
Dans sa plaidoirie,
l’avocat évoque le projet de Grand
Moyen-Orient présenté par George W. Bush
en 2004, met en doute l’utilisation
d’armes chimiques sur la Ghouta en 2013
et présente le président syrien comme
victime d’un « vaste complot
international ».
Pour que le procès
de Bachar al-Assad puisse se tenir et
soit crédible, notamment aux yeux des
peuples de la région, il faudrait
commencer par juger Bush (père et
fils) et Bill Clinton pour la mort
de centaines de milliers d’Irakiens et
pour le chaos sanglant dans lequel ils
ont fait sombrer le Proche-Orient.
« Huis-clos avec
Bachar al-Assad » est une
antidote à la propagande de guerre, ceux
qui suivent l’actualité de la guerre
civile en Syrie le liront d’une
traite. C’est certes une œuvre de
fiction, mais les évènements qui y sont
relatés ont bel et bien eu lieu.
Les Alawites en
question
Qui dit «
régime de Damas » pense «
Alawites », une secte religieuse
ésotérique instrumentalisée par la
famille Assad pour parvenir au pouvoir
et s’y maintenir.
La lecture de
« Les Alawites - Histoire
mouvementée d’une communauté mystérieuse
»** d’Abdallah Naaman -
ancien conseiller culturel près
l'ambassade du Liban à Paris (1974-2015)
– publié également aux Editions
Erick Bonnier, est indispensable à
ceux qui voudraient en savoir un peu
plus sur cette secte islamique
persécutée et méprisée pendant des
siècles en raison de ses pratiques
religieuses peu orthodoxes.
Si Hadj Amin
al-Husseini, grand mufti de Jérusalem, a
bien voulu les considérer comme
musulmans en 1936 et l’imam libanais
Moussa al-Sadr comme faisant partie de
la grande famille chiite en 1973, c’est
pour des raisons politiques. L’imam
Khomeiny, sollicité par le président
Hafez al-Assad, s’y était – dit-on
– refusé.
Les origines de l’alaouitisme
remontent, selon certains chercheurs, à
l’antiquité. Appelés aussi Nusayris -
du nom d’Ibn Nusayr, prêcheur chiite
déviant venu de Bassora au 7ème
siècle pour les islamiser - ils
refusent de révéler les fondements de
leur croyance. Au 19ème
siècle, un intellectuel alawite qui
avait osé publier le Kitab al-Majmû’,
livre sacré qui - selon les adeptes
de la secte - complète le Coran, a
été assassiné et son corps brûlé.
On sait par des
transfuges que les Alaouites déifient
l’imam Ali - gendre du Prophète et 4ème
calife – et l’associent à Muhammad
et à Salman – premier Perse converti
à l’islam – pour former une trinité
divine. L’initiation à l’alaouitisme,
réservée uniquement aux hommes, est
effectuée par des prêtres et comprend
des grades. Aux fêtes religieuses
sunnites et chiites, ils ajoutent les
chrétiennes. Ils ne reconnaissent pas la
charia, peuvent boire de l’alcool
(avec modération !), ne sont pas
astreints au jeun du mois de ramadan et
assimilent le hadj – pèlerinage à La
Mecque - à une pratique idolâtre.
Enfin - comme les Druzes et les
Yézidis - ils croient en la
métempsychose et en la transmigration
des âmes.
Vues ces profondes
divergences religieuses, on comprend
pourquoi les Alawites (ou Alaouites)
sont perçus avec méfiance par nombre de
musulmans, voir accusés d’être des
hérétiques à exterminer. Dans les
manifestations en Syrie, il arrive que
des opposants sunnites extrémistes
scandent : « Les Chrétiens à
Beyrouth, les Alawites au tombeau ».
Abdallah Naaman,
qui ne cache pas son admiration pour
Hafez al-Assad, consacre la seconde
partie de son livre – fort bien
documentée - aux inconséquences des
politiques occidentales au
Proche-Orient, notamment à celle du Quai
d’Orsay.
Liens pour
commander ces ouvrages:
*«
Huis-clos avec Bachar al-Assad »,
par Merwann Abboud-Wasir (Ed. Erick
Bonnier Paris, 2017 – 220 pages - 19
euros )
**«
Les Alawites », par Abdallah Naaman
(Ed. Erick Bonnier Paris, 2017 – 370
pages - 20 euros)
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