France-Irak
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« Le lâche meurt chaque jour,
le brave ne meurt qu’une fois ! »
Abdel Bari Atwan
Mercredi 12 juillet 2017
Riyad est pressé
de « légitimer » sa relation florissante
avec Israël et de faire taire toutes les
critiques.
L’évolution de la
relation entre Israël et l’Arabie
saoudite devrait devenir une
caractéristique clé de la politique
régionale dans la phase à venir. Cela va
de la normalisation à marche forcée des
relations entre les deux parties et la
tenue de contacts discrets, jusqu’à la
formation d’une alliance non déclarée
mais de grande envergure.
Le général saoudien
à la retraite Anwar al-Eshki a fait des
révélations sur cette question lors
d’une interview la semaine dernière sur
la chaîne de télévision allemande
Deutsche Welle, dans laquelle il a
traité un certain nombre de questions
restées jusque-là sans réponses : avant
tout, la raison pour laquelle l’Arabie
Saoudite a été si tenace à propos des
îles de la mer Rouge de Tiran et Sanafir,
voulant rapidement un transfert de
souveraineté de la part de l’Égypte.
Eshki a clairement
indiqué qu’une fois que l’Arabie
saoudite assumerait la souveraineté sur
les deux îles, elle respecterait les
Accords de Camp David et que l’accord de
paix égyptien-israélien de 1979 – qui
avait mis l’Égypte à l’écart du monde
arabe et de la cause palestinienne et a
mené à l’ouverture d’une ambassade
israélienne au Caire – cesserait d’être
un accord purement bilatéral.
Le général, qui a
été le chef de file de l’Arabie saoudite
dans son processus de normalisation avec
Israël, a expliqué que le nouvel accord
de démarcation de la frontière maritime
avec l’Égypte place les deux îles dans
les eaux territoriales du royaume.
L’Égypte et l’Arabie saoudite
partageront donc le contrôle sur le
détroit de Tiran par lequel passent les
navires israéliens alors qu’ils
naviguent dans et hors du golfe d’Aqaba,
et le royaume établira de fait une
relation avec Israël.
Certes, Eshki a
également déclaré que la normalisation
des relations saoudiennes avec Israël
était subordonnée à ce que cette
dernière accepte l’Initiative de paix
arabe de 2002. Mais il a également parlé
d’une initiative de paix israélienne qui
« contournerait » ce plan. Selon lui, il
serait question de la création d’une
confédération qui relierait les
territoires palestiniens occupés – il
n’a pas précisé comment ou à qui – tout
en reportant la discussion sur le sort
de Jérusalem.
Eshki a également
profité de l’interview pour confirmer ce
que le Premier ministre israélien
Benyamin Netanyahu a souvent répété :
l’Arabie saoudite ne considère pas
Israël comme un ennemi. Il a soutenu que
ce point de vue est partagé par les
Saoudiens ordinaires, et que cela se
reflète dans leurs tweets et leurs
commentaires sur les médias sociaux, où
ils soulignent qu’Israël n’a jamais
attaqué le royaume et n’est donc pas son
ennemi. Ces citoyens [saoudiens]
appuieraient donc la normalisation des
relations avec Israël.
Eshki n’est pas un
décideur, mais un porte-parole. Il a été
soigneusement sélectionné pour dire ce
qu’il a dit et en faire la publicité.
Pour comprendre ce que ses mots ont
comme objectif – et comprendre les
principales caractéristiques du nouveau
schéma de normalisation qui se déroule
rapidement -, il suffit de paraphraser
les déclarations du ministre israélien
de la Défense, Avigdor Lieberman : la
normalisation entre les États arabes et
Israël devrait être atteinte en premier,
puis suivi d’une paix
palestino-israélienne. Israël ne peut
pas accepter une situation dans laquelle
la normalisation avec les États arabes
dépendrait de la résolution de la
question palestinienne. Après tout,
Israël a signé des accords de paix avec
l’Égypte et la Jordanie sans mettre fin
au conflit avec les Palestiniens.
Le chef de la
commission de la défense et de la
sécurité nationale du parlement
égyptien, le général Kamal Amer, a
souligné le fait que la remise de Tiran
et Sanafir impliquaient l’Arabie
saoudite dans les accords de Camp David
et à toutes les obligations qui en
découlent.
La conclusion à en
tirer est que le but principal de cette
précipitation pour placer les deux îles
sous souveraineté saoudienne était
d’accélérer le rythme de la
normalisation entre Israël et l’Arabie
Saoudite et de « légitimer » leur
alliance en cours de réalisation. Après
tout, l’Arabie Saoudite possède
d’innombrables îles négligées tout au
long de ses côtes de la Mer Rouge et du
Golfe. Elle n’a pas besoin de deux
autres affleurements de taille réduite,
stériles et inhabités. Même si c’était
le cas, elle s’en est privée pendant les
50 ans où ces deux îles étaient sous
occupation israélienne ou protection
égyptienne. Elle aurait pu sans problème
attendre et remettre cette question
épineuse à dix, vingt ou cent ans plus
tard, afin d’éviter d’embarrasser le
gouvernement égyptien et d’irriter le
peuple égyptien.
La mise en scène du
gouvernement saoudien pour la
normalisation avec l’État sioniste est
déjà en bonne voie et a progressé.
Après les visites
« académiques » d’Eshki en Israël et les
rencontres sécuritaires du premier
responsable du renseignement, le prince
Turki al-Faisal, nous avons commencé à
voir des analystes saoudiens apparaître
à la télévision israélienne. La
prochaine étape sera sans doute que les
ministres et les princes saoudiens
fassent de même.
Concernant les
« citoyens saoudiens » qui selon Eshki
ont affiché leur soutien à une
normalisation avec Israël au motif que
ce pays n’a jamais attaqué leur pays,
sont en service commandé dans l’armée
électronique saoudienne. Ils sont des
milliers et ils travaillent sous les
auspices des services de renseignement
et de la police. L’écrasante majorité
des Saoudiens s’oppose à toute forme de
normalisation avec l’état de
l’occupation, pour des raisons
religieuses, nationalistes arabes,
patriotiques et morales. Nous n’en avons
absolument aucun doute. Mais nous
pouvons imaginer la pression que les
Saoudiens subissent quand un simple tweet exprimant
de la sympathie pour le Qatar ou la
moindre critique du plan officiel
« Vision 2030 » peut coûter au tweeter 15
ans d’emprisonnement ou une amende de
250 000 dollars…
Selon Haaretz et
d’autres médias israéliens, le prince
héritier Muhammad bin-Salman, qui dirige
le processus de normalisation et
d’alliance avec Israël, a visité
Jérusalem occupée en 2015. Il a
également tenu des réunions régulières
avec des responsables israéliens, plus
récemment encore à l’occasion du sommet
arabe tenu à Amman en mars dernier.
Il n’y a pas
longtemps, Riyad a accueilli le
journaliste américain Thomas Friedman.
(Peut-être que c’était une récompense
pour son commentaire après les attentats
du 11 septembre selon lesquels les
États-Unis auraient dû envahir l’Arabie
saoudite – la véritable source de
terrorisme – plutôt que l’Irak en
représailles…) Friedman a rencontré un
certain nombre d’officiels avant
d’obtenir une longue entrevue avec
Muhammad bin-Salman. Il a signalé par la
suite qu’à aucun moment lors de la
rencontre de cinq heures, le prince n’a
prononcé le mot « Palestine » ou n’a
mentionné le conflit israélo-arabe.
Mais je défie
quiconque de trouver un seul exemple où
l’homme fort saoudien ait fait référence
à la « Palestine » dans ses interviews
télévisées…
Pendant ce temps,
la priorité a été accordée à
l’étouffement des voix arabes – que ce
soit sur les médias sociaux ou dans les
médias conventionnels – qui s’opposent à
cette alliance israélo-saoudienne et
dénoncent ses objectifs, ses
implications et ses conséquences
prévisibles. L’exigence de Riyad de la
fermeture de la chaîne Al-Jazeera
confirme que la guerre que l’Arabie
saoudite mène actuellement n’est pas
contre le « terrorisme » mais contre les
médias critiques et libres.
Nous aussi sommes
une cible dans cette guerre, sous le
coup d’une attaque furieuse par l’armée
électronique saoudienne et d’une
vicieuse et délibérée campagne de
diffamation. Tout ce que l’on peut dire
en réponse est de citer le dicton : « Le
lâche meurt chaque jour, le brave ne
meurt qu’une fois ! ».
Abdel Bari Atwan est
le rédacteur en chef du journal
numérique Rai
al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire
secrète d’al-Qaïda, de ses
mémoires, A
Country of Words, et d’Al-Qaida
: la nouvelle génération.
*Source :
Chronique de Palestine
Version
originale : Raï
al-Yaoum – Traduction
: Chronique
de Palestine
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