France-Irak
Actualité
Formation du prochain gouvernement
irakien :
on prend les mêmes et on
recommence ?
Gilles Munier
Moqtada
al-Sadr et Hadi al-Amiri n'ont pas le
droit à l'erreur
Lundi 9 juillet 2018
Lors des élections
législatives du 12 mai dernier, plus de
55% des 25,5 millions d’électeurs
ont boycotté le scrutin et
Moqtada al-Sadr l’a emporté grâce à son
programme anti-corruption et plus ou
moins souverainiste, mais il n’a obtenu
que 54 députés (sur 329), ce qui
est très loin d’être suffisant pour
conduire les affaires du pays. Déclencher une
campagne anti-corruption
La constitution
irakienne d’octobre 2005,
confessionnelle et fédéraliste –
rédigée à marche forcée sous la houlette
des occupants américains, et approuvée à
la va-vite par des élus aux ordres –
ne permet aucune majorité absolue. Elle
oblige le camp arrivé en tête à
s’allier avec certains de ses
concurrents pour élire le Premier
ministre. Autant dire qu’elle est une
des sources du chaos dans lequel le
peuple irakien s’enfonce après chaque
élection législative. Dans ce domaine,
rien n’a vraiment changé au
Pays des deux fleuves depuis
l’invasion américaine (relire à ce
sujet « La journée des dupes : 30
janvier 2005 » - ici).
Cette fois,
l’accord conclu entre Moqtada al-Sadr et
Hadi al-Amiri, leader de l’Alliance
Fateh (47 députés) et des Hachd
al-Chaabi, laisse espérer la mise
hors d’état de nuire de ceux que les
Irakiens appellent «les requins
de la corruption ». Les deux hommes
en ont les moyens.
Mais, les
marchandages qui s’éternisent en
coulisse pour racoler les députés qui
leur manquent - nécessaires à la
nomination d’un nouveau gouvernement
- ne présagent rien de bon. Un Premier
ministre issu d’un consensus mou risque
de ne pas être en mesure de s’attaquer à
la racine du mal.
Juger Nouri al-Maliki
Pour que le grand
nettoyage attendu par les Irakiens soit
autre que symbolique, il faudrait
frapper haut et fort, comme par exemple
juger Nouri al-Maliki pour sa gestion de
la prise de Mossoul par l’Etat
islamique, et geler ses avoirs.
En août 2015, une
commission d’enquête parlementaire
l’avait désigné – avec 35 autres
personnes – comme
responsable de la chute de la ville,
et Salim al-Jabouri – président du
Parlement – avait déclaré qu’il
allait transmettre le rapport au
procureur de la République en vue de
poursuites judiciaires. On les attend
toujours …
Coup d’Etat
militaire
Moqtada al-Sadr et
Hadi al-Amiri sont maintenant face à
leurs responsabilités. Ils n’ont pas le
droit à l’erreur. L’accord qu’ils ont
conclu relègue à l’arrière-plan, pour
l’instant, la crainte d’une guerre
civile intra-chiite. Mais, ce serait
méconnaître les Irakiens – toutes
confessions et ethnies confondues -
de croire qu’ils assisteraient sans
réagir au dévoiement du programme
anti-corruption pour lequel ils ont
voté. Des manifestations monstres et
violentes contre la classe politique
éclateraient un peu partout. Interpellé,
Moqtada al-Sadr pourrait renverser le
gouvernement. Le chaos serait tel qu’un
coup d’Etat militaire deviendrait
possible. A n’en pas douter, il
répondrait alors aux vœux de la majorité
du peuple irakien.
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