Opinion
Sheldon Adelson, le milliardaire qui
veut acheter la Maison-Blanche, la
Knesset et bombarder l’Iran
Gilles Munier
Photo:
Sheldon Adelson
(The Times of
Israel- 26/3/14)
Vendredi 9 mai 2014
Il n’y a qu’aux Etats-Unis où l’on
peut assister à un tel spectacle : un
multi milliardaire – en l’occurrence
Sheldon Adelson, 8ème fortune mondiale,
roi des casinos-hôtels (Las Vegas,
Macao, Singapour) - organisant à
huis clos un examen de passage pour
choisir son favori républicain à la
prochaine présidentielle. Conditions
posées : s’engager à soutenir Israël
envers et contre tout, refuser la
création d’un Etat palestinien et
bombarder l’Iran. En octobre dernier,
Adelson suggérait aux dirigeants
américains de faire exploser une bombe
atomique dans une zone iranienne
désertique et de menacer d’en lancer une
sur Téhéran si le régime ne renonçait
pas au développement de son programme
nucléaire (1).
Depuis que la Cour suprême des
Etats-Unis a autorisé les milliardaires
à financer sans limitation leurs comités
de soutien - appelés super-Pac
/ Super Political Action Committees
-, les hommes politiques font la cour
aux méga-donateurs. En 2012, Adelson
n’était pas parvenu à faire investir
Newt Gingrich qui qualifiait les
Palestiniens de « peuple inventé »
comme candidat du Parti républicain. Il
s’était rabattu sur Mitt Romney, faute
de mieux, et dépensé 40 millions de $
pour qu’il batte Barack Obama. Son
candidat n’a pas été élu, alors il remet
ça. Pour que le prochain président des
Etats-Unis soit 100% pro-israélien et
anti-iranien, il est prêt va mettre
encore plus d’argent sur la table. Reste
à trouver le bon cheval.
Examen de
passage pro-israélien
Le multi milliardaire a donc invité
les candidats à la future primaire
républicaine à plancher devant la
Coalition juive républicaine réunie
au Vénitian de Las Vegas, un de
ses luxueux casinos-hôtels. Tous se sont
prêtés à l’examen de passage, sans
honte. Tant pis si une tribune publiée
dans le New York Times les
traite de lécheurs de bottes (2).
Etaient présents : Jeb Bush (ancien
gouverneur de Floride) qui fait
figure de favori, Chris Christie
(gouverneur du New Jersey), Scott
Walker (gouverneur du Wisconsin),
et John Kasich (gouverneur de
l’Ohio). Dick Cheney (ancien
vice-Président des États-Unis)
était aussi là, mais en « vedette
américaine ».
La réunion se tenait à huis clos. La
Coalition juive républicaine,
financée par Adelson, dira plus tard qui
elle a choisi. Ce ne sera sans doute pas
Chris Christie. Selon le New York
Times, le malheureux s’est fait
rabrouer par Adelson et Morton Klein,
président de la ZOA – Zionist
Organization of America - après
avoir déclaré qu’il avait « survolé
les territoires occupés en hélicoptère ».
Dans ces milieux ultra-sionistes, Israël
s’étend jusqu’au Jourdain, si ce n’est
plus. Les « territoires occupés »
en 1967 ne sont au minimum que des
« territoires disputés ».
Christie s’est excusé platement en
disant qu’il s’est « mal exprimé …
qu’il est un ami indéfectible et un
fervent partisan d’Israël » (3).
Pour détendre l’atmosphère, Dick Cheney
a critiqué la politique iranienne de
Barack Obama et dit qu’il fallait
laisser Israël bombarder l’Iran, mettant
en exergue le rôle du général Amos
Yadlin dans la destruction du réacteur
nucléaire irakien en 1981 et du syrien
en 2007 (4).
Israël,
future puissance spatiale ?
Parallèlement, Adelson fait tout pour
renforcer les faucons du Likoud. Il a
mis à leur service Israël Hayom
(Israël aujourd’hui), quotidien
gratuit le plus lu d’Israël qui lui
appartient. Il a acheté dernièrement le
titre du défunt Maariv (Le
Soir, fondé en 1948) et son site
Internet NRG, ainsi que
Makor Rishon (De première source),
un quotidien religieux conservateur.
Cerise sur le gâteau offert à son ami
Benjamin Netanyaou : Adelson a donné
16,4 millions de $ à Israeli Space
IL pour envoyer un engin sur la
Lune et faire de l’Etat dit hébreu une
puissance spatiale.
Le journaliste israélien pacifiste
Uri Avnery (5) se demande
comment les Américains ordinaires
réagissent au « spectacle d’un
milliardaire – en particulier un
milliardaire juif – qui choisit leur
futur président à leur place. On nous
dit que l’antisémitisme est en hausse en
Europe et dans le monde. Dans le monde
mental fou des antisémites, les Juifs
dominent le cosmos. Et nous avons ici un
Juif, sorti tout droit des pages des
Protocoles des Sages de Sion, qui
essaie de nommer le dirigeant du pays
le plus puissant de la Planète… » (6).
Pour l’instant, l’élection de tel ou tel
président américain n’est pas fonction
du nombre de millions de $ versés à leur
super-PAC – les citoyens ont encore
leur mot à dire - mais ils y
contribuent grandement.
(1)
Adelson: US should drop atomic bomb on
Iran, par Maya Shwayder (Jerusalem
Post – 24/10/13)
(2)
Chris Christie apologizes for ‘occupied
territories’ remark
(3)
The Line to Kiss Sheldon Adelson’s
Boots, par David Firestone (NYT –
31/3/14)
(4)
LISTEN: In Private Speech, Dick Cheney
Talks Bombing Iran and GOP Donors
Applaud
(5) Uri Avnery (91 ans)
journaliste et militant pacifiste
israélien a été membre de l’Irgoun
dans sa prime jeunesse (il en a
démissionné en 1941). Ancien
député, il est cofondateur de Gush
Shalom (Bloc de la Paix), une
organisation israélienne favorable à la
création d’un Etat palestinien. Il a
rencontré Yasser Arafat à plusieurs
reprises, et se définit comme « post
sioniste ».
(6)
Le monstre sur la colline
(Association France Palestine Solidarité
– 10/4/14)
Article écrit en hébreu et en anglais
sur le site de Gush Shalom le 5
avril 2014 – Traduit de l’anglais «
The Monster on the Hill » pour
l’AFPS : FL/SW
© G. Munier/X.
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Publié le 9 mai 2014 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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