France-Irak
Actualité
Jordanie : Abdallah II libère
l’idéologue
salafiste Muhammad al-Maqdisi
Gilles Munier
Photo:
D.R.
Samedi 7 février 2015
Le cheikh Abou Muhammad Al-Maqdisi,
un des plus influents idéologues du
djihadisme, - incarcéré plusieurs
fois ces dernières années en Jordanie
pour ses écrits et ses déclarations
- a été libéré le 5 février. Il était
emprisonné depuis octobre dernier pour
« utilisation des réseaux sociaux en
faveur des organisations terroristes »,
en l’occurrence le Front al-Nosra.
La libération de Muhammad Al-Maqdesi
intervient après la diffusion de la
vidéo de la mort horrible de Maaz al-Kassasbeh
– pilote jordanien de F16 brûlé vif
dans une cage par l’Etat
islamique -, et au lendemain de la
pendaison - en réponse - de
Sajida al-Rishawi, militante condamnée à
mort pour sa participation à trois
attentats meurtriers contre des hôtels
de luxe à Amman en décembre 2005 (57
morts et 90 blessés), et de Ziad
Karbouli, présenté comme un membre
important d'Al-Qaïda en Iraq (AQI).
L’aviation jordanienne a par ailleurs
pilonné des objectifs en Syrie, dans la
zone sous contrôle de l’Etat
islamique.
Le roi Abdallah II espère sans doute
que Muhammad Al-Maqdisi use de son
influence pour calmer les milieux
salafistes jordaniens qui lui reprochent
son intervention dans la coalition
militaire occidentale. En juillet
dernier, Al-Maqdisi a condamné la
proclamation du Califat par Abou Bakr
al-Baghdadi et mis en garde contre un
« bain de sang », mais
considère les interventions occidentales
en Irak comme étant des « croisades
».
Cela dit, Muhammad al-Maqdisi n’a pas
dû apprécier que le roi défile à Paris
dans la manifestation « Je suis
Charlie » où étaient brandis des
posters insultant la Prophète, ni que le
gouvernement jordanien ordonne, le 2
février, à son ambassadeur en
Israël de regagner son poste à Tel-Aviv.
Il avait été rappelé il y a trois mois
suite aux « violations répétées »
de l’esplanade des Mosquées à Jérusalem
par des fanatiques juifs. Selon le
porte-parole jordanien les choses vont
désormais « dans le bon sens »
! L’annonce qui tombait à pic avec la
visite du roi à Washington, était sans
doute faite pour amadouer le lobby
pro-israélien.
Le lendemain, 3 février, l’Etat
islamique a diffusé la vidéo du
meurtre abominable du pilote.
Rappel : Qui est Abou
Muhammad al- Maqdisi ? (par G.M,
AFI-Flash n°84 du 3/4/08)
L’idéologue djihadiste jordanien Al-Maqdisi,
mentor d’Abou Moussab al-Zarqaoui, a été
libéré le 12 mars 2008 à la demande du
roi Abdallah II. Etudiant à l’université
de Mossoul dans les années 80 – puis
expulsé vers l’Arabie Saoudite pour son
hostilité au baasisme - il est
considéré comme un des penseurs
salafistes les plus influents.
Il rencontra Al-Zarqaoui à Peshawar,
au Pakistan, où il enseignait l’islam.
Auteur de plusieurs ouvrages dont «
La religion démocratie»* - il
revint en Jordanie en 1992 où il fut
emprisonné à plusieurs reprises pour ses
idées.
Incarcéré dans la même prison que
Zarqaoui, après l’arrestation en 1994
des dirigeants de Beyt Al-Imam,
organisation clandestine qui voulait
renverser la monarchie hachémite, il
critique, depuis, l’utilisation du
terrorisme en politique, sauf pour
combattre le sionisme et Israël. De sa
cellule, il a condamné les massacres de
chiites irakiens perpétrés par Zarqaoui,
et s’est dit opposé à la participation
d’ « Arabes Afghans » à la
libération de l’Irak, parce qu’il s’agit
d’une guerre entre « croisés »
et « apostats », américains et
baasistes. Le roi Adballah espère qu’Al-Maqdisi,
libre, usera de son influence sur les
partisans d « Al-Qaïda au pays des
deux fleuves », présents parmi les
réfugiés irakiens en Jordanie, pour
qu’ils ne portent pas atteinte à la
sécurité du royaume et pour que l’ «
Etat islamique d’Irak » cesse ses
attaques contre les chefs de tribus
sunnites qui refusent de lui faire
allégeance.
Après la publication, en novembre
2007, d’une lettre du Docteur Fadl –
ancien compagnon d’Aymen Zawahiri, n°2
d’Al-Qaïda -, incarcéré en Egypte,
accusant Ben Laden de « traîtrise
envers le mollah Omar » et de «
la perte de l’Afghanistan », les
déclarations d’Abou Muhammad Al-Maqdisi
ouvrent un débat sur l’avenir du
djihadisme global et ses aspects
contre-productifs. Pour Al-Zawahiri, il
s’agit de propos extorqués sous la
contrainte. Il a prévenu que s’il était
lui-même un jour arrêté, il ne faudrait
croire aucun de ses discours
contredisant ses engagements actuels.
Photo : Muhammad al-Maqdisi
* Document :
«
La religion démocratie», par
Muhammad al-Maqdisi
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 7 février 2015 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
Le sommaire de Gilles Munier
Le
dossier Irak
Les dernières mises à jour
|