Opinion
Les Irakiens ont voté… Et puis, après ?
Gilles Munier
Lundi 2 juin 2014
A quoi sert-il
de voter quand les résultats sont prévus
d’avance ? A minima, les Irakiens
demandent un peu plus de justice et de
sécurité, de l’eau potable et de
l’électricité…
Vendredi 30 avril
dernier, l’Irak était en état de siège.
A Bagdad, le régime avait décrété un
couvre-feu, interdit la circulation
automobile, ordonné la fermeture des
administrations, des entreprises, des
cafés, des restaurants et de l’aéroport
international. La police et l’armée
gouvernementale étaient sur le qui-vive…
Les Irakiens catalogués comme opposants
– notamment ceux vivant à l’étranger
– ne votaient pas, n’ayant pu obtenir
les documents prouvant leur identité.
Dans les zones contrôlées par la
résistance ou par Daash, c’était
simple : les bureaux de vote étaient
fermés. Comme lors des précédents
scrutins, les concurrents de Nouri al-Maliki
- qui feraient de même s’ils étaient au
pouvoir – ont dénoncé la mascarade
électorale, crié à la fraude, signalé
des bourrages ou des disparitions
d’urnes. La machine électronique à
voter, soit disant antifraudes,
n’étaient évidemment pas au point !
Aucun électeur ou candidat – 9040 en
lice pour 328 sièges - ne se faisait
d’illusion quant aux résultats : Nouri
al-Maliki, détesté y compris dans la
communauté chiite, était donné gagnant.
Comme il l’avait annoncé en mettant son
bulletin dans l’urne : l’Alliance
pour l’Etat de droit, son bloc
électoral, l’a emporté!
La Force Quds
veille au grain
Les Etats-Unis,
sans pion de rechange, font contre
mauvaise fortune bon cœur. Selon
l’agence irakienne Shafaq News,
le général Qassem Soleimani, commandant
en chef de la Force Quds des
Gardiens de la révolution iranienne,
veille au grain à la tête d’une cellule
créée pour aider Maliki à négocier les
alliances lui permettant d’avoir une
majorité de sièges au Parlement.
Qu’importe si le futur Premier ministre
ne parvient pas à former un véritable
gouvernement : il s’en est bien passé
durant la précédente législature,
trustant les ministères de l’Intérieur
et de la Défense.
Un troisième mandat
Maliki changera-t-il quelque chose pour
les Irakiens ? Epuisés par des décennies
de mal-vie, ils attendent de leurs
dirigeants qu’ils rétablissent la
souveraineté du pays, la sécurité, des
services médicaux normaux et un système
scolaire et universitaire digne de ce
nom, l’approvisionnement en électricité
et en eau potable. Est-ce trop demander
? Les exportations de pétrole, à leur
plus haut niveau ces derniers mois –
7,582 milliards de dollars en avril
- ne devraient pas servir qu’à acheter
des armes américaines ou russes et à
payer des miliciens. Nouri al-Maliki a
parlé de réconciliation nationale sans
dire ce qu’il entendait par là,
de lutte contre la corruption ; il a
promis de créer des gouvernorats
turkmènes à Tell Afar et à Tuz Khurmatu,
un autre pour les chrétiens dans la
région de Ninive et un dans celle d’Al-Anbar.
Tiendra-t-il ses engagements ? Le
peut-il ? On l’espère pour le peuple
irakien. Mais, les observateurs sont
pessimistes : en cas d’échec, ils
prévoient une guerre civile à outrance
et l’implosion du pays.
Photo :
Dessin de Haddad
*Afrique Asie
(p.64-65) :
http://www.wobook.com/WBD84sk8OS69-f
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 3 juin 2014 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
Le sommaire de Gilles Munier
Le
dossier Irak
Les dernières mises à jour
|