France-Irak
Actualité
Les conseils de Dominique de Villepin
aux
« Ambassadeurs de la paix pour l’Irak »
Gilles Munier
Mercredi 1er juin 2016
Les 28 et 29 mai dernier s’est tenue à
Paris - dans les salons de l’hôtel
George V - une conférence organisée
par les « Ambassadeurs de la paix
pour l’Irak » (PAFI), association
créée en 2014 par Jamal al-Dhari, un des
chefs de la tribu Zoba, une branche de
la grande confédération Chammar.
Les PAFI (Peace Ambassadors for
Iraq) se sont donné pour objectif
de réconcilier les Irakiens entre eux en
constituant un regroupement politique
non confessionnel capable d’évincer l’Etat
islamique de la région d’Al Anbar.
Vaste programme… Pour soutenir son
initiative, il a invité à la conférence
quelques personnalités étrangères plus
ou moins inattendues: Dominique de
Villepin - l’homme du « Non » de la
France à la 2ème guerre du Golfe -,
l’amiral William Fallon, ancien
commandant du Centcom
(organisme supervisant les opérations
militaires des Etats-Unis au Proche et
Moyen-Orient et en Asie centrale) -
qui a démissionné en 2008 en raison de
son opposition au projet de George W.
Bush d’attaquer l’Iran -, des
parlementaires républicains américains
regrettant d’avoir voté l’intervention
militaire en Irak, et Sayyed Muhammad
Ali al-Husseini - un religieux
libanais chiite descendant du Prophète
- conseillant aux minorités religieuses
irakiennes... de militer pour le droit
des juifs originaires d’Irak à revenir
dans leur pays.
Les débats étaient animés par
l’opposant Sabah al-Mukthar, président
de l’Association des avocats arabes
de Grande-Bretagne.
Le nom de
Dhari, synonyme de résistance
Le cheikh Jamal al-Dhari, président
des PAFI, peut se réclamer
d’une descendance illustre. En Irak, son
nom est synonyme de résistance depuis la
révolution de 1920 où la tribu Zoba
s’est opposée aux troupes d’occupation
britanniques dans la région de Falloujah–Abou
Ghraib. Suleiman, son arrière
grand-oncle, est considéré comme un
héros national pour avoir tué le colonel
Gérard Leachman, un agent de l’Intelligence
Service particulièrement brutal qui
avait insulté son père, chef de la
tribu. Pendant la période d’embargo, un
fusil Lee-Enfield pris aux Britanniques
en 1920 rappelant cet assassinat était
utilisé par le président Saddam Hussein
pour saluer les défilés militaires et
des volontaires de l’Armée d’Al-Quds…
Après l’agression américaine de 2003,
le petit fils de Suleiman, Hareth al-Dhari,
éminent chef religieux sunnite, a repris
le flambeau familial et tribal en créant
l’Association des Oulémas musulmans
(AMSI) pour lutter contre
l’occupation US,
tout en se démarquant des actions et
du discours des djihadistes d’Al-Qaïda
au pays des deux fleuves, puis de
l’Etat islamique en Irak.
Décédé en Turquie en mars 2015,
Hareth al-Dhari était perçu comme
le leader spirituel de la résistance
irakienne, notamment l’inspirateur
des Brigades de la révolution de
1920. Son fils Muthana qui lui a
succédé, a refusé de participer à la
Conférence de Paris. Ce n’est peut-être
que partie remise, tout comme le refus
du courant baasiste dirigé par Izzat
Ibrahim al-Douri qui demandait aux
organisateurs plus de temps de
préparation pour son intervention. A
noter que les PAFI et le parti
Baas clandestin soutiennent l’Alliance
militaire islamique antiterroriste,
machine de guerre anti-iranienne créée
en décembre dernier par l’Arabie
saoudite.
Sortir du
chaos
L’intervention de Dominique de
Villepin n’a sans doute pas été
appréciée par les jusqu’au- boutistes
anti-iraniens présents dans la salle. Il
a notamment conseillé aux représentants
du nouveau groupement politique irakien
de militer en Irak pour une véritable
amnistie générale, de créer une nouvelle
citoyenneté irakienne, et surtout de
s’affirmer en allant convaincre les
dirigeants des Etats de la région –
à commencer par ceux d’Arabie, d’Iran et
des émirats du Golfe - que la
stabilité de leur pays dépend
étroitement de celle de l’Irak.
Même si les intervenants américains
ne faisaient pas partie des faucons
républicains, le groupement créé par les
PAFI va passer pour une
opération arabo-occidentale destinée à
doter la région d’Al Anbar -
reconquise sur l’Etat islamique -
d’une représentation acceptable par la
« communauté internationale ».
Le sera-t-elle aussi par les Irakiens ?
Des participants n’ont pas manqué de
demander à l’amiral Fallon et aux deux
anciens congressistes s’ils pouvaient
faire confiance aux Etats-Unis, «
alors que l’aviation US bombardait ce
jour-là Falloujah pour soutenir
l’offensive lancée par l’armée
gouvernementale et les milices chiites ».
La réponse n’était évidemment pas de
leur ressort.
Jamal al-Dhari espère que d’autres
personnalités irakiennes le rejoindront.
A l’issue de la conférence, il a été élu
président de la nouvelle formation
politique. Il est secondé par Adnan
Malik (secrétaire général) et
par Samad Abdelkarim (porte-parole).
La prochaine conférence pourrait se
tenir à Washington ou à Erbil.
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