L'actualité de
droit
Syrie : L’histoire s’écrit
sans les
putschistes occidentaux
Gilles devers
Samedi 31 décembre 2016
Je dois faire
attention de ne pas dire « l’Occident »,
mais bien « les putschistes
occidentaux», c’est-à-dire une poignée
de financiers, d’industriels et de
politiques qui sont prêts à tout pour
défendre leurs intérêts personnels,
contre ceux de cette grande région du
monde qu’est l’Occident. C’est bien
clair : nous sommes « l’Occident » - une
terre de culture - alors qu'ils n’en
sont que les destructeurs.
Et bien, ce clan
putschiste occidental est en train de
vivre une défaite considérable et
humiliante qui ponctue, avec la guerre
en Syrie, des années d’impérialisme,
qu’ils ont organisées de A à Z, et
qu’ils ont perdues de A à Z.
Ce 29 décembre,
Poutine a annoncé un cessez-le-feu en
Syrie. Un exercice risqué, vu le nombre
de tentatives depuis six ans ? Sauf que
cette fois-ci, tout a changé.
Trois documents ont
été signés : le cessez-le-feu entre le
gouvernement syrien et l'opposition
armée, les modalités de son respect et
l'organisation de négociations de paix.
Poutine souligne :
« Il y a peu, une réunion s’est tenue à
Moscou entre les ministres des Affaires
étrangères de Russie, de Turquie et
d’Iran : ces trois pays ont pris
l’engagement non seulement de contrôler
mais aussi de garantir le processus de
règlement de paix en Syrie. Cet
événement s'est passé il y a quelques
heures. Non seulement nous l'avons
attendu depuis longtemps, mais aussi
nous avons beaucoup travaillé pour s'en
approcher. Il faut maintenant tout faire
pour que ces accords entrent en vigueur,
qu’ils soient mis en œuvre, de manière à
ce que les équipes de négociateurs
puissent arriver le plus rapidement
possible à Astana (Kazakhstan), pour y
débuter un véritable processus de
paix ».
A 24 heures, on
note quelques incidents, mais le
cessez-le-feu tient, et il tiendra parce
que la diplomatie a joué tout son rôle :
à chacun ses droits, à chacun le respect
de sa sphère d’influence.
I – Le
cessez-le-feu
1/ L’accord est
syrien, signé entre le gouvernement
légitime et les groupes rebelles, à
l’exclusion de ceux liés à Daech et au
Fateh al-Cham, l’ex-Front al-Nusra,
filiale d’al-Qaeda. Ceux qui misaient
sur l’écroulement de l’État syrien pour
en faire un nouveau territoire éclaté
entre groupes djihadistes ou un État uni
mais sous contrôle des États-Unis et
d’Israël ont perdu. La Syrie reste la
République Arabe Syrienne.
2/ Les garants du
cessez-le-feu sont la Russie, l’Iran et
la Turquie. Les putschistes occidentaux
ont perdu, comme leurs alliés, le Qatar,
l’Arabie Saoudite et les Émirats.
3/ La Russie était
– si j’ai bien compris – abominable
quand elle répondait au gouvernement
légitime syrien dans le cadre d’un
accord militaire, pour combattre des
groupes armés. D’après ce que je lis,
elle reste abominable quand elle
parvient à imposer un cessez-le-feu,
signé par toutes les parties, sauf Daech
et al Qaeda. Merci de m’expliquer.
II – Et la
Turquie ?
La Turquie, au
centre de tous les enjeux, est
aujourd’hui dans la main de Moscou et de
Téhéran.
1/ Erdogan est
affaibli comme jamais. Pays encore pivot
de l’OTAN, la Turquie a rompu avec ses
alliés de l’OTAN. Erdogan est décrit
comme surpuissant, et il va organiser
une réforme de la constitution, mais les
évènements montrent qu’il n’est plus
maître chez lui. Le putsch de juillet,
la série d’attentats de ces derniers
mois, et l’assassinat d'Andreï Karlov,
l’ambassadeur de Russie à Ankara,
illustrent la faiblesse du régime à
l’intérieur. Sur le plan international,
c’est pire : alors que depuis six ans,
Erdogan misait tout sur le soutien aux
groupes djihadistes pour obtenir le
départ de El-Assad, il se trouve
contraint d’être le garant d’un accord
qui marginalise les djihadistes et
laisse en place El-Assad ! Ce parce que
c’était ça, ou une pente syrienne pour
la Turquie, rien de moins... Le risque
de contagion est en effet élevé car,
pour les deux pays, ce sont les mêmes
populations,... mais avec une question
kurde renforcée pour la Turquie. La base
de la politique d’Erdogan, c’était un
axe Qatar - Arabie Saoudite - Turquie
pour éradiquer El-Assad. On se retrouve
avec un axe Russie - Iran - Turquie pour
conforter El-Assad. Bon courage pour
expliquer cela à la population turque…
2/ Erdogan a pour
priorité absolue d’empêcher la
constitution d’un territoire kurde dans
le nord de la Syrie, qui deviendrait une
menace pour l’intégrité turque. Or, les
États-Unis et la France s'étaient
engagés sur ce plan, et se sont appuyés
sur les très efficaces combattants du
PYD pour combattre Daech… Ce PYD qui est
le bras armé du PKK. Mais la page est
tournée. Les Kurdes sont abandonnés par
les US et la France. Ils sont les grands
sacrifiés des évènements actuels, et ne
vont pas se laisser faire. La Russie et
l’Iran ont pris des engagements pour
tenir la question kurde, ce qui fait de
la Turquie leur obligée, sachons le dire
clairement.
3/ En se trouvant
garante du cessez-le-feu, la Turquie
reconnaît définitivement qu’elle
finançait et armait les groupes
djihadistes et que, si elle a accueilli
tant de réfugiés syriens, c’était pour
vider l’armée syrienne. Elle va devoir
assumer cette responsabilité et dans le
même temps gérer les désillusions, car
la défaite d’Alep, qui est la sienne,
ouvre le chapitre inévitablement
destructeur des luttes des clans au sein
de la rébellion syrienne, dont la région
d’Idlib va être le terrain.
4/ L'assassinat de
l’ambassadeur de Russie en Turquie par
un policier turc a signé la faiblesse du
régime turc, et l’inefficacité de la
répression. La Turquie avait de quoi
redouter la réaction russe… à juste
titre. Celle-ci a été habillée de
velours, mais cachant une main de fer :
tu es incapable d’assurer la sécurité,
alors c’est avec nous, ou c’est fini
pour toi. Les contacts de Erdogan avec
Lavrov, ministre russe des affaires
étrangères, et Choïgou, ministre russe
de la défense ont dû être, disons,
particulièrement intenses.
5/ Les États-Unis
sont perdus devant les évènements, et
ils n’ont même pas été en mesure de
répondre à la demande d’appui de l’armée
turque, dans la bataille que celle-ci
conduit depuis quelques semaines pour
reprendre Al-Bab, un bastion de Daech.
La semaine dernière, 16 soldats turcs
ont été tués. Les États-Unis étant aux
abonnés absents, c’est l’aviation russe
qui est venue à la rescousse, pilonnant
les positions de Daech. Vraiment, on
passe d’une époque à une autre, mais il
y aura un coût élevé pour Erdogan.
6/ A quel prix, la
Turquie va-t-elle pouvoir rester dans
l’OTAN, accueillant une stratégique base
militaire des États-Unis, et contrainte
de s’en remettre à la Russie et à l’Iran
pour sauvegarder son intégrité ? Le
peuple turc, happé par les choix
irréfléchis de ses dirigeants, est
désormais exposé à toutes les tensions
et à tous les coups tordus.
III – L’accord
de paix
Aujourd’hui, c’est
le cessez-le-feu, mais demain ce sera
les négociations de paix, qui vont
s’ouvrir d’ici fin janvier à Astana. Les
partenaires sont la Syrie, Russie, la
Turquie, l’Iran et ce qui restera de la
rébellion syrienne.
Mais qui y
aura-t-il d’autre autour de la table ?
On se doute que
Poutine, Lavrov et Choïgou vont tout
faire pour y installer des pays arabes,
au second rang bien sûr.
Sissi a rompu avec
les États-Unis et l’Arabie saoudite, et
l’Égypte sera là, ou pas loin.
Assuré d’une place
aussi le Qatar, qui a lâché les
djihadistes d’Alep, à la suite de deux
accords passés avec la Russie. Le 6
septembre 2016, a été signé à Moscou un
accord de coopération militaire entre la
Russie et le Qatar, et surtout, le 10
décembre 2016, a été conclue la vente de
19,5% des actions de Rosneft, la
société russe d’exploitation du pétrole
et du gaz au fonds souverain Qatar
Investment Authority (QIA), pour 11
milliards de dollars, faisant du Qatar
le second actionnaire de Rosneft
après l’État russe. On est là avec
l’enjeu décisif de l’approvisionnement
de l’Europe en gaz. Au premier rang des
fournisseurs, se trouvera désormais la
Russie, l’Iran et le Qatar, avec 50% des
réserves mondiales de gaz naturel, et
ces trois États vont pouvoir organiser
les gazoducs en passant par la Syrie et
la Turquie. Le revirement de la Turquie
et du Qatar place l’Europe en situation
de grande dépendance énergétique. Nos
gouvernements, prisonniers de l'OTAN,
sont des marionnettes des US, et on voit
le résultat.
La Russie
parviendra-t-elle à convaincre aussi
l’Arabie Saoudite de venir à Astana ?
L’Arabie Saoudite est au plus mal,
lâchée par l’inconsistant Obama, lâchée
aussi par la Turquie et le Qatar,
embourbée au Yémen… Ce alors qu’un
accord est certainement possible sur la
base de la diplomatie russe : respect
des États, et à chacun selon sa place et
son influence. La présence de l’Arabie
Saoudite à Astana assurerait la paix
dans la région. L’Iran, le grand rival
des Saoudiens, est rodé à l’hostilité
US, alors que l’Arabie Saoudite se
demande comment faire alors que la
tutelle US s’est écroulée. Et sûr que
Lavrov et Choïgou ont de plus quelques
arguments convaincants…
Les États-Unis et
leur caniche français ? May be… Poutine
a d’un revers de main retourné les
puériles provocations du pré-retraité
Obama, pour garder les mains libres
alors qu’il va devoir gérer quatre ans
avec Trump.
En attendant, on
sait qui dirige, et sur quelles bases.
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