L'actualité du
droit
Immunité de juridiction :
L’impérialisme US en toute tranquillité
Gilles Devers
Jeudi 29 septembre 2016
Les
parlementaires étatsuniens (Amérique
du Nord, territoire indien occupé)
ont l’impérialisme serein et tranquille.
Ils viennent d’adopter une loi appelée
Justice Against Sponsors of Terrorism
Act (Jasta) qui permet de
poursuivre devant le juge étatsunien des
Etats accusés de terrorisme. Un culot
d’acier de la part de l’Etat qui a
déclenché toutes les grandes guerres du
monde depuis 40 ans et le Vietnam. Culot
d’acier de la part d’un Etat qui
s’autorise à
recourir à la première frappe nucléaire.
Culot d’acier de la part d’un Etat qui
décide 1000
assassinats ciblés par an en dehors
de ses frontières, sur la base de
renseignements informatiques. Culot
d’acier pour un Etat qui assure
chaque jour 1,8 milliard de dollars
de dépense militaire.
Des
familles avaient voulu engager des
recours contre l’Arabie Saoudite suite
aux attentats du 11 septembre 2001, mais
elles butaient sur le
Foreign Service Sovereignty Act,
garantissant l'immunité aux officiels
étrangers. D’où l’idée de voter une loi
d’exception, et c’est la Justice
Against Sponsors of Terrorism Act (Jasta).
Obama avait opposé son véto, mais il
vient de se faire laminer par deux votes
de la Chambre des représentants (348
contre 77 voix) et du Sénat (99 contre
1). Ce qui au passage donne une juste
idée de l’autorité réelle d’Obama en
cette fin de mandat.
Quel
effet aura cette loi, et les juges
sont-ils l’appliquer alors que le
principe de l’immunité de juridiction
des Etats étrangers, attaché aux
principes d’indépendance, de
souveraineté et d’égalité des Etats, est
une
norme de droit coutumier international ?
C’est une règle universelle : un Etat ne
peut s’ériger juge d’un autre Etat sans
son consentement pour un acte accompli
dans l’exercice de sa souveraineté. Un
Etat ne saurait être jugé par son égal.
Je souligne que nous parlons là de la
responsabilité des Etats, pas des chefs
d’Etat, pour qui s’est moins tranché.
En
France, la question serait pliée en deux
minutes s’agissant d’actes d’autorité de
l’Etat étranger, d’autant plus que la
Cour européenne des droits de l’homme
reconnait ce principe qui « ne fait
qu’observer le droit international afin
de favoriser la courtoisie et les bonnes
relations entre Etats grâce au respect
de la souveraineté d’un autre Etat »
(CEDH,
Al Adsani et Forgaty c/ Royaume Uni, 21
novembre 2001, § 53 et suivants).
Quand
à ce qui se passera aux Etats-Unis, je
n’en sais rien, ne sachant pas comme le
juge réagit devant une loi et une norme
de droit international coutumier. La
justice US patauge dans le tribalisme
judiciaire, refusant toute application
directe du droit international et toute
soumission à une juridiction
internationale. C’est la sauce maison
des petits chefs… Alors, nous verrons ce
que fera la juge de cette loi, qui ne
vise pas que l’Arabie Saoudite, mais
tous les Etats suspectés d’être
impliqués dans le terrorisme.
Alors,
pour Alep, bientôt un procès contre la
Russie, bande de rigolos ? Oh, pas vrai,
un coup de mou ?
Dans
l’immédiat, on peut penser que cette
initiative appellera des réponses
symétriques. On pourrait commencer par
des lois en Irak, en Afghanistan et au
Pakistan, pour juger les Etats-Unis…
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