L'actualité du
droit
La vie d’un gendarme français ou
d’un enfant yéménite vaut-elle autant
que celle d’un journaliste étasunien ?
Gilles Devers
Jeudi 27 août 2015
Quand nous
étions des p’tits gones, nous avions
inventé des vélos rigolos, et on se
promenait dans la ville à deux à l’heure
pour causer des bouchons de gens
énervés, avec le slogan : « Ne partez
pas en vacances, restez-y ! ». J’aurais
bien dû me caler sur cette juvénile
sagesse, parce que comme un con, je
viens de « rentrer de vacances », et là,
c’est le choc.
J’ai
découvert qu’il s’est passé hier le fait
le plus grave de l’année, peut-être de
la décennie : deux journalistes
étasuniens, d’une chaîne de télé locale
en Virginie (Etats-Unis, Amérique du
Nord, territoire indien occupé),
ont été tués par un frapadingue, sur
fond de conflit relationnel, et le mec
s’est ensuite suicidé. Aussitôt, nos
mainstream médias se sont
mis à l’arrêt, avec
ton grave et mine abattue de
circonstance, pleurniche obligatoire,
images en boucle qui ne montrent rien,
et défilé d’experts aussi divers
qu’avariés. C’était la une
absolue,… et attention de bien pleurer
en chœur !
J’ai vite
compris que
les meurtres, ce mardi dans la
Somme, par une brute avinée, d’un père
de famille, d’une jeune femme de 19 ans,
de son bébé de 9 mois, et d’un gendarme
n’étaient qu’un épiphénomène. Ni
journalistes, ni étasuniens, là, on joue
à peine en promotion d’honneur.
Je ne parle
pas des
40 morts qui ont été retrouvés hier
dans la cale d’une barque en bois au
large de la Libye, par des gardes-côtes
suédois. D’après mes informations, il
s’agirait de personnes noires et
réfugiées,… alors pourquoi en parler, et
même simplement chercher à les
identifier ?
Des victimes
du terrorisme, c’est déjà plus vendeur…
mais pour ce début cette semaine, je
n’ai sous la main que
six personnes tuées et vingt-huit
blessées dans un attentat-suicide à
Damaturu, capitale de l’Etat de Yobe,
dans le nord-est du Nigeria.
Nigéria ?... Bon… ça n’a pas l’air de
passionner les foules. Je remballe.
Ne
désespérons pas : les Nigérians encore,
on les compte. Mais pour les Yéménites,
on ne compte plus, on en fait des
paquets par dizaine, pour nous dire que
« des
dizaines de Yéménites ont été tués
dans des raids aériens sous commandement
saoudien et des combats au sol à Taëz ».
Je n’ai pas
besoin de prolonger… Tout ceci témoigne
de l’ancrage terrifiant des conceptions
inégalitaires au sein de notre humanité.
« Libre et égaux en droit… » Suprême
hypocrisie. Ça me colle la gerbe au
dernier degré.
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