Actualités du
droit
Le Procureur de la CPI, Fatou Bensouda,
ouvre un examen préliminaire de la
situation en Palestine
Gilles Devers
Samedi 17 janvier 2015
Pas obligé d’être d’accord avec tout ce
qu’écrit Mme Fatou Bensouda, la
procureur de la Cour pénale
internationale. L’essentiel est
l’ouverture du dossier, une
grande victoire pour le peuple
palestinien, qui s’est adressé il y a
six ans à la justice, et
qui aujourd’hui voit sa
demande accueillie. Le droit
international est la langage commun de
l’humanité, et « la loi
doit être la même pour tous ». Qui
redoute la justice?
Communiqué de presse du 16 janvier 2015
Aujourd’hui,
vendredi 16 janvier 2015, le Procureur
de la Cour pénale internationale (CPI),
Mme Fatou Bensouda, a ouvert
un examen préliminaire de la situation
en Palestine.
La décision du
Procureur fait suite à l’adhésion du
Gouvernement palestinien au Statut de
Rome le 2 janvier 2015 et à la
déclaration de ce même gouvernement,
déposée le 1er janvier 2015
au titre de l’article 12‑3 du Statut de
Rome ‑ le traité fondateur de la Cour ‑
par laquelle il acceptait la compétence
de la CPI s’agissant de crimes présumés
commis « dans les territoires
palestiniens occupés, notamment à
Jérusalem-Est, depuis le 13 juin 2014 ».
Lorsque son Bureau
reçoit un renvoi ou une déclaration
valide déposée en vertu de
l’article 12-3 du Statut, le Procureur,
conformément à la norme 25-1-c du
Règlement du Bureau du Procureur, a pour
politique et pratique de procéder à un
examen préliminaire de la situation en
question. De ce fait, le Procureur a
ouvert un examen préliminaire de la
situation en Palestine. Le Bureau
effectuera son analyse en toute
indépendance et en toute impartialité.
Un examen
préliminaire n’est pas une enquête mais
un processus consistant à examiner les
informations disponibles afin de
déterminer en toute connaissance de
cause, s’il existe une base raisonnable
pour initier une enquête au regard des
critères posés par le Statut de Rome. Le
Procureur analysera en particulier les
questions liées à la compétence, à la
recevabilité et aux intérêts de la
justice lorsqu’elle prendra sa décision,
ainsi qu’il est prévu à l’article 53-1
du Statut de Rome. Le Bureau tient
dûment compte de l’ensemble des
observations et des points de vue qui
lui sont transmis au cours de l’examen
préliminaire, guidé exclusivement par
les exigences du Statut de Rome pour
exercer son mandat en toute indépendance
et en toute impartialité.
Le Statut de Rome
n’impose aucun délai pour rendre une
décision relative à un examen
préliminaire. Le Bureau pourra décider,
en fonction des faits et des
circonstances propres à chaque
situation, de continuer à recueillir des
informations afin de rendre une décision
dûment motivée en fait et en droit,
d’ouvrir une enquête sous réserve, si
nécessaire, d’une autorisation
judiciaire, ou de ne pas en ouvrir.
Contexte et
analyse juridique
Le Bureau avait
déjà conduit un examen préliminaire de
la situation en Palestine lorsqu’il
avait reçu, le 22 janvier 2009, une
déclaration déposée par l’Autorité
nationale palestinienne invoquant
l’article 12‑3. Il avait alors
soigneusement examiné tous les arguments
juridiques présentés et conclu, en
avril 2012, au terme d’une analyse
approfondie et de consultations
publiques, que le statut de la Palestine
à l’Organisation des Nations Unies (ONU)
en tant qu’« entité observatrice » était
déterminant, puisque l’adhésion au
Statut de Rome se fait par
l’intermédiaire du Secrétaire général de
l’ONU, qui agit en tant que dépositaire
de ce traité. Le statut d’« entité
observatrice » dont jouissait alors
l’Autorité palestinienne à l’ONU,
contrairement à celui d’« État non
membre », l’empêchait de signer ou de
ratifier le Statut de Rome. Étant donné
que la Palestine ne pouvait alors pas
devenir partie à ce traité, le Bureau
avait conclu qu’elle ne pouvait pas non
plus déposer de déclaration en vertu de
l’article 12‑3 qui lui aurait permis
d’entrer dans son champ d’application,
comme elle en avait l’intention.
Le
29 novembre 2012, l’Assemblée générale
des Nations Unies a adopté la
Résolution 67/19, par laquelle elle a
octroyé à la Palestine le statut
d’« État observateur non membre » à
l’ONU avec une majorité de 138 votes
pour, neuf votes contre et
41 abstentions. Le Bureau a examiné les
retombées juridiques de ce changement de
statut sur sa mission et a estimé, en
s’appuyant sur l’analyse approfondie
qu’il avait réalisée ainsi que sur les
consultations qu’il avait engagées sur
ces sujets, que bien que ce changement
ne puisse valider rétroactivement la
déclaration déposée en 2009 qui ne
remplissait pas les conditions requises
et qui avait été jugée non recevable, la
Palestine serait en mesure d’accepter la
compétence de la Cour à partir du
29 novembre 2012, en vertu des
articles 12 et 125 du Statut de Rome. Le
Statut est en effet ouvert à l’adhésion
de « tous les États », le Secrétaire
général agissant en tant que dépositaire
des instruments d’adhésion.
Le 2 janvier 2015,
la Palestine a déposé son instrument
d’adhésion au Statut de Rome auprès du
Secrétaire général de l’ONU. Comme
indiqué dans le Précis de la pratique du
Secrétaire général en tant que
dépositaire de traités multilatéraux,
« le Secrétaire général, en s’acquittant
de ses fonctions de dépositaire d’une
convention contenant la clause « tous
les États », suivra la pratique de
l’Assemblée générale dans l’application
de cette clause […] ». La pratique de
l’Assemblée générale « se déduit
d’indications par lesquelles l’Assemblée
manifeste sans ambiguïté qu’elle
considère une entité particulière comme
un État ». Conformément à cette pratique
et notamment à l’adoption, le
6 janvier 2015, de la Résolution 67/19
par l’Assemblée, le Secrétaire général,
agissant en tant que dépositaire, a
accepté l’adhésion de la Palestine au
Statut de Rome, qui est ainsi devenue le
123e État partie à la CPI, et a été
accueillie à ce titre par le Président
de l’Assemblée des États parties au
Statut de Rome.
De même, le
7 janvier 2015, le Greffier de la CPI a
indiqué au Président Abbas qu’il
acceptait la déclaration déposée en
vertu de l’article 12‑3 par le
Gouvernement de la Palestine le 1er janvier 2015
et que celle-ci avait été transmise au
Procureur pour qu’il puisse l’examiner à
son tour.
Le Bureau estime
que, dans la mesure où le statut d’État
observateur à l’ONU a été octroyé à la
Palestine par l’Assemblée générale, il
convient de considérer la Palestine
comme un « État » aux fins de son
adhésion au Statut de Rome (conformément
à la formule « tous les États »). En
outre, comme l’a déclaré publiquement le
Bureau par le passé, le terme « État »
au sens de l’article 12‑3 du Statut de
Rome doit être interprété de la même
manière que le terme « État » au sens de
l’article 12‑1. Par conséquent, un État
qui est en mesure de devenir partie au
Statut de Rome est également en mesure
de déposer une déclaration valide au
titre de l’article 12‑3.
Pour le Bureau, la
question du statut de la
Palestine à l’ONU a toujours été au
centre de son analyse de la capacité de
la Palestine à devenir partie au Statut
de Rome, étant donné le rôle joué par le
Secrétaire général de l’ONU qui agit en
tant que dépositaire de ce traité. La
résolution 67/19 de l’Assemblée générale
est par conséquent déterminante
s’agissant de la capacité de la
Palestine à adhérer au Statut de Rome au
titre de l’article 125 et, en outre, de
sa capacité à déposer une déclaration en
vertu de l’article 12-3.
Déclaration de la Palestine en vertu de
l’article 12‑3 du Statut de Rome (en
anglais)| 1er janvier 2015.
Document de politique générale relatif
aux examens préliminaires|
novembre 2013
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