L'actualité du
droit
J’espère que Barbarin ne va pas
démissionner
Gilles Devers
Mercredi 16 mars 2016
Et c’est reparti pour une de
ces horribles chasses médiatiques à
l’homme… C’est invraisemblable : dans
quel pays sommes-nous ? Est-ce que nous
n’apprendrons jamais ?
Que savons-nous de l’affaire ?
À ce jour il y a
deux dossiers portant sur des
agressions sexuelles commises par des
prêtres. Dans un dossier, les faits
seraient reconnus, dans l’autre, ils
sont contestés. Aucune des deux affaires
n’a été jugée car les plaintes n’ont pas
été déposées dans les temps.
Sur ces faits non instruits,
non jugés, et pour partie contestés, les
plaignants décident, après de longs
délais, de déposer plainte contre
Barbarin, accusé d’une manière ou autre
pas avoir été assez réactif, et d’avoir
laissé en vadrouille des prédateurs
sexuels. Le parquet de Lyon a ouvert le
4 mars une
enquête préliminaire pour «
non-dénonciation de crime » et « mise en
danger de la vie d'autrui ». Barbarin,
qui rejette ces accusations et écarte
toute idée de faute, est
soutenu par l’Eglise. Ce matin, le
Premier sinistre lui demande d’assumer
ses responsabilités et donc de
démissionner. Et le feu médiatique est
reparti.
La première question est de
savoir si le Premier sinistre dispose
d’informations particulières, du fait du
rôle hiérarchique du gouvernement sur le
parquet. C’est une question sérieuse,
car il était très affirmatif ce matin.
Une sale ambiance quand on retrouve face
à face l’un des grands animateurs de la
Manif’ pour tous, et celui qui était
alors le Sinistre de l’intérieur. C’est
inquiétant sur le fonctionnement de la
justice.
Ensuite, il faut revenir sur la
décision du procureur. Le 4 mars, le
procureur a ouvert une enquête
préliminaire, c’est-à-dire le minimum
qu’il puisse faire après une plainte
circonstanciée. L’alternative aurait
été… le classement sans suite ! Saisie
d’une plainte, le procureur enquête :
que reste-t-il de la présomption
d’innocence si l’ouverture d’une enquête
préliminaire est analysée comme une
condamnation définitive ?
Tous les jours, les avocats
côtoient des personnes qui ont été
accusées à tort, dont les noms ont été
jetés dans la boue médiatique, dans la
calomnie du ragot, et qui en restent
brisées, même quand leur innocence a été
reconnue. Hier matin, le Premier
sinistre a dit qu’il fallait être « impitoyable ».
Quelle violence et quelle ignorance…
Pour ce qui est des faits et
des griefs, nous devons attendre
sagement que la police, sous le contrôle
des magistrats, fasse son excellent
travail. Nous verrons ensuite si le
procureur décide ou non de poursuivre,
puis s’il y a un jugement, puis si le
jugement devient définitif…
Je n’ai rien à dire sur le fond
du dossier – que personne ne connait –
mais en revanche, j’affirme que la
résistance de Barbarin est excellente,
car elle replace la présomption
d’innocence au cœur des réalités, dans
l’épreuve. S’il tient le coup, il va
rendre service à beaucoup de personnes,
condamnées au nom d’une morale avachie
sans avoir été jugées au nom de la loi.
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