L'actualité du
droit
Le méchant Parquet en veut-il au gentil
Sarkozy ?
Gilles Devers
Mardi 6 septembre 2016
L’affaire Bygmalion, c’est simple et
compliqué. Pour les deux tours de la
présidentielle de 2012, Sarkozy et
Hollande pouvaient dépenser chacun 22,5
millions. Nickel pour Hollande, mais
pour Sarkozy les dépenses ont été du
double : 45,5 millions. Il a donc fallu
mettre en place tout un système de
fausses factures pour des évènements
inexistants, avec des dépenses de 23
millions affectées en fraude à la
campagne de Sarko. Gros, vous êtes
partis en vacances avec un budget de
1000 € et vous en avez dépensé 2000.
Alors,
Sarkozy promu en correctionnelle ... Comment
se présente l’affaire ?
Il y a
d’abord ce qui concerne les manips pour
dégager 23 millions. C’est le volet
« usage de faux, escroquerie et abus de
confiance ». Pour un homme politique
avisé, le fait d’exploser les dépenses
induit que les recettes corrélatives
sont sans doute vicieuses. Le Parquet en
est convaincu : « compte tenu de
sa formation et de sa très grande
expérience en matière de campagne
électorale, il était logique d’estimer
que sa seule connaissance du dépassement
du plafond de dépenses impliquait la
connaissance de l’usage de moyens
frauduleux inhérents à une telle
dissimulation ». C’est donc une
conviction, mais le parquet n’a pas de
preuves, et Sarkozy ne sera pas
poursuivi pour ces faits.
Ensuite, il y a le volet maîtrise du
compte de campagne par le candidat, une
règle que connaissent bien tous les
candidats… En un mot : l’État va
financer la campagne par un
remboursement, et le candidat s’engage à
respecter les règles de recettes et de
dépenses fixées par la loi, c’est pas
plus compliqué.
La
campagne de Sarkozy accrochait mal, et
très vite le budget prévu été mis à mal.
Le 7 mars 2012, un des
experts-comptables de la campagne avait
adressé au directeur de la campagne,
Guillaume Lambert, une note alertant sur
le niveau des dépenses et demandant de
les limiter. Lors de l’instruction,
Guillaume Lambert a affirmé qu’il avait
porté cette note à la connaissance de
Nicolas Sarkozy. Problème...
Sont
finalement retenus trois faits :
-
avoir dépassé le plafond des dépenses
électorales ;
-
avoir omis de respecter les formalités
d’établissement du compte de campagne ;
-
avoir fait état, dans le compte de
campagne ou dans ses annexes, d’éléments
comptables sciemment minorés.
Le
réquisitoire souligne qu’il s’agit de
dispositions spécifiques du code
électoral, qui ont créé une
responsabilité autonome du candidat :
« Certes, Nicolas Sarkozy occupait au
moment des faits des fonctions qui lui
interdisaient d’être régulièrement
informé dans le détail des questions
budgétaires. Cependant, ses éminentes
responsabilités politiques ne pouvaient
effacer celles du candidat qu’il était
également et ne l’autorisaient donc pas
à s’abstenir de suivre effectivement
l’évolution de ses dépenses. »
L’argument de Sarkozy selon lequel il
avait délégué le suivi des dépenses, est
balayé, le parquet soulignant
qu’il « n’en avait pas le droit car le
texte pénal applicable ne l’est qu’à lui
seul puisqu’il vise le candidat ».
Au
niveau de l’accusation, ça tient la
route, c’est le moins qu’on puisse dire.
Maintenant, à la défense de jouer.
Pour
aujourd'hui, trois commentaires.
1/ Pas
de « risques de procès » avant les
présidentielles.
La
presse s’accorde à dire, vu les délais
de procédure et les recours prévisibles,
qu’il n’y a pas
de « risques » pour Sarkozy d’un
procès avant les présidentielles. Je
m’interroge beaucoup sur ce mot de
« risques ». Pour un présumé innocent,
qui se déclare innocent et veut
écrabouiller le Parquet, passer devant
le tribunal n’est pas un risque mais une
chance, la chance de convaincre le juge
de ses bons arguments et d’être
innocenté. Il y a donc quelque chose qui
doit m’échapper…
2/ Le
Parquet joue avec le calendrier…
La bonne blague. Cette affaire ne
concerne pas que notre excellent
ex-futur président, mais treize autres
personnes. L’enjeu est loin d’être
négligeable, 23 millions de fausses
factures, et le financement illégal
d’une campagne présidentielle. Pour un
dossier ouvert en 2014, la justice a
été très diligente. Il y a deux ans il
ne fallait rien faire, puisqu’il ne
fallait pas s’acharner sur ce looser. Il
y a un an il ne fallait rien faire, car
il reprenait la tête du parti et c’était
donc une manœuvre. Et aujourd’hui, il ne
faut rien faire car il a décidé de
candidater aux primaires…
3/
L’affaire a déjà été jugée par le
Conseil constitutionnel.
Exact.
Mais la loi a prévu, en cas
d’irrégularités du compte des sanctions
électorales et pénales. Donc, on
applique la loi, no problem. Et
puis,
le Conseil constitutionnel s’était
prononcé le 4 juillet 2013, confirmant
la décision de la
Commission nationale des comptes de
campagne pour un dépassement de
120.267 €. A l’époque on ne savait rien
de l’affaire Bygmalion et de ses
23 millions d’euros.
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