L'actualité du
droit
Marwan Barghouti triomphe au congrès du
Fatah
Gilles Devers
Lundi 5 décembre 2016
Un congrès du
Fatah, ça ne s’analyse pas en cinq
minutes, surtout quand on ne lit pas
l’arabe, se privant des meilleures
sources d'information. Mahmoud Abbas,
qui dirige également l'Autorité
palestinienne et l'Organisation de
Libération de la Palestine (OLP), seul
représentant du peuple palestinien
souverain, avait été réélu à l’ouverture
du congrès de Ramallah, comme chef du
parti, par consensus. L’enjeu se
reportait ainsi sur la ligne politique,
et la composition des instances
dirigeantes, le Comité central et le
comité révolutionnaire, le « Parlement »
du parti.
Au lendemain de la
clôture du congrès, des points majeurs
se dégagent nettement, que l’on peut
résumer en trois constats :
- Mahmoud Abbas, 81
ans, tient bien la maison ;
-
Mohammed Dahlane, l’opposant exilé
et aux choix politiques si polémiques,
est radié des cadres;
- depuis sa prison
israélienne,
Marwan Barghouti triomphe et se
retrouve le membre le mieux élu du
Comité central, avec 70% des voix.
La succession
d’Abbas, qui n’est pas ouverte, est une
échéance inéluctable et la phase à
écrire a pris une nette orientation,
avec de double mouvement qu'est
l'élimination de Dahlane et la victoire
de Barghouti.
Marwan Barghouti, c’est l’anti-Dahlane,
c’est la victoire des fondamentaux : le
respect de la souveraineté
palestinienne, et l’application stricte
du droit international de l’ONU, avec le
retour aux frontières de 1967, et la
coexistence de deux Etats. Marwan
Barghouti a toujours clairement défendu
une Palestine démocratique et laïque. Il
condamne les attentats aveugles, mais
approuve le recours à toute forme de
résistance, en se plaçant au niveau
utilisé par l’occupation militaire.
Mandela avait défendu cette ligne : ce
n’est pas à toi de faire le choix de
t’armer ; c’est l’oppresseur qui désigne
les armes que tu dois prendre pour te
défendre.
Au début des années
2000, il était un leader de grande
influence, un des inspirateurs de la
deuxième Intifada, ce qui lui avait valu
d’être arrêté en 2002, et condamné par
l’Etat d’Israël en 2004 à cinq peines de
prison à vie. Lors de son procès, il
avait contesté la légitimité du
tribunal, et avait refusé de se
défendre. Son «V» de la victoire,
menottes aux mains, au moment du
délibéré, est resté dans la société
palestinienne comme la marque du devoir
de résistance. Et il est aussi populaire
en Cisjordanie, à Gaza et dans les camps
de réfugiés du Liban ou de Jordanie.
Bref, Marwan Barghouti est le
responsable politique qui peut réunir le
peuple palestinien.
Depuis son
incarcération, son influence n’a cessé
de croître, et la victoire politique de
ce week-end est une consécration. Bien
sûr, les juges se sont prononcés, et
c’est la perpétuité. Mais, dans la vraie
vie, combien de temps Israël pourra-t-il
garder en détention un
responsable politique plébiscité par son
peuple, et qui a pour projet
l’application du droit international de
l’ONU ? La communauté internationale
va-t-elle pouvoir rester sourde à ce que
dit le peuple palestinien ?
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