Le Cri des Peuples
Les Palestiniens peuvent être abattus
sans raison, tranche la justice
israélienne
Gideon Levy
Cette image
illustrative montre un soldat israélien
qui monte la garde en Cisjordanie,
le 20 septembre 2011.Crédit: Daniel
Bar-On
Mardi 18 août 2020
L’armée
israélienne, qui demande une peine
légère de 3 mois de travaux d’intérêt
général pour un assassinat illégal et
injustifié, encourage les soldats à tuer
des Palestiniens innocents
Ahmad Manasra a
été tué par balle depuis un poste de
garde renforcé et sans aucune raison.
Une négociation de peine pour le soldat
qui a tiré sur lui montre une fois de
plus l’absurdité d’un système grotesque
de tribunaux militaires.
Par Gideon Levy
Source :
Haaretz, le 17 août 2020
Traduction :
lecridespeuples.fr
C’était l’un des
incidents les plus graves que j’ai
couverts ces dernières années. Des tirs
mortels criminels, sans raison, sur un
Palestinien dont la voiture était en
panne, puis la mort insupportable par
balle d’un homme qui ne s’était arrêté
que pour l’aider. Une exécution par une
nuit froide et pluvieuse. C’était une de
ces histoires qui rendent furieux parce
qu’elle ne cesse de se répéter. Les tirs
ont été effectués de sang-froid par
quelqu’un qui n’était pas en danger,
retranché en toute sécurité dans un
poste de garde renforcé d’où il a tiré
comme un fou, visant un jeune homme qui
n’a fait que tenter de fuir pour sauver
sa vie. Six balles ont transpercé le
corps d’Ahmad Manasra, alors qu’il
revenait du mariage d’un ami.
Le soldat aurait pu
prédire que malgré ce meurtre de
sang-froid, il n’aurait rien à craindre.
Les « Forces de défense israéliennes »
lui permettent de tirer à volonté, à
condition qu’il tire sur un Palestinien.
Tsahal dit à ses soldats de continuer
ainsi, de tuer des innocents, aucun
problème. Pas un cheveu de votre tête ne
sera touché.
Lundi, un tribunal
militaire traitera de cette question.
S’il approuve la négociation de peine
qui demande trois mois de travaux
d’intérêt général pour cet assassinat de
sang-froid, ce sera l’une des
performances les plus absurdes de ce
système grotesque connu sous le nom de
tribunaux militaires. Trois mois de
travaux d’intérêt général pour le
meurtre criminel d’un innocent et la
blessure d’un autre – et il n’y a pas
d’autre instance vers laquelle se
tourner, sinon la Cour pénale
internationale de La Haye. Une fois de
plus, il a été démontré que l’armée
israélienne ne sait pas et ne veut
surtout pas enquêter sur les crimes de
guerre et punir de manière appropriée
les coupables. Les États-Unis sont en
colère contre le meurtre de George
Floyd. Israël bâille d’ennui et
d’indifférence face au meurtre d’Ahmad
Manasra. Qui en a même entendu parler ?
Ce qui s’est passé
le 20 mars 2019 à l’entrée sud de
Bethléem devrait plus précisément être
qualifié de crime de non-guerre. Une
famille rentrait chez elle après avoir
rendu visite à des proches lorsque leur
voiture a été impliquée dans un accident
mineur. Ala Raayda, le père, est sorti
pour voir pourquoi sa voiture ne
démarrait pas. Un soldat dans sa tour de
garde lui a tiré dessus. Pourquoi ?
Parce que. Peut-être qu’il s’ennuyait de
sa longue période de garde. Ala a été
blessé à l’estomac. Maissa, sa femme, a
appelé au secours, ses deux filles
terrifiées, Sirin, 8 ans et Lynn, 5 ans,
restant assises sur la banquette
arrière.
Un groupe d’amis
résidant à Wadi Fukin arriva au
carrefour dans leur voiture, revenant du
mariage d’un ami à Bethléem, et s’arrêta
pour offrir de l’aide. Trois d’entre eux
ont transporté le père blessé dans un
hôpital voisin dans leur voiture, tandis
que Manasra, 23 ans, à peine plus âgé
que le soldat qui l’a abattu, est resté
avec la femme et les filles, essayant de
les calmer et de faire démarrer leur
voiture. Puis le soldat dans la tour a
recommencé à tirer. Il a touché Manasra,
qui a tenté de sauver sa vie en courant
se réfugier vers un grand bloc de ciment
à environ 10 mètres de là, dans une
tentative désespérée de se mettre à
l’abri de la fusillade. En vain. Six
balles ont touché le jeune homme en
fuite. De toute évidence, tous les tirs
étaient destinés à tuer.
La tente de
deuil installée pour Ahmad Manasra, Wadi
Fukin, Cisjordanie, 2019.
Son père, Jamal, un
carreleur qui travaille en Israël, ne
voulait pas entendre les nouvelles. Dans
son cœur, il savait que quelque chose
n’allait pas, comme tant de parents dans
les territoires occupés, et il a refusé
de répondre au téléphone jusqu’à ce
qu’on vienne finalement lui dire que «
Votre fils Ahmad a été blessé ». Alors
qu’il se précipitait à l’hôpital, on lui
a dit que son fils était décédé.
Près d’un an et
demi s’est écoulé. Une enquête intense.
Une négociation de peine. Trois mois de
travaux d’intérêt général, comme si nous
parlions d’une infraction au code de la
route. Le porte-parole de Tsahal, qui
avait précédemment tenté d’enterrer
l’affaire et de prétendre qu’il y avait
eu des jets de pierres ou qu’il
s’agissait de « frictions entre
Palestiniens », a tenté de blanchir à
nouveau l’assassin. « Des éléments de
preuve complexes et des considérations
juridiques ont été pesés, [ainsi que]
les circonstances opérationnelles
claires de l’incident et la volonté du
soldat d’assumer ses responsabilités. »
Des mots creux pour dissimuler un crime.
Combien de
gymnastique verbale est-elle nécessaire
pour rendre casher le fait incontestable
qu’il ne s’agissait pas de «
considérations de preuve complexes » ou
de « circonstances opérationnelles
claires », mais seulement d’un permis
explicite donné aux soldats israéliens
de tuer sans retenue ?
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