Actualité
Netanyahu n’est pas le problème.
C’est le peuple israélien qui l’est
Gideon Levy
Soutiens d’un soldat israélien, Elor
Azaria, accusé d’assassinat après avoir
tiré sur
un Palestinien blessé, présumé
agresseur, qui gisait sur le sol à
Hébron en 2015. (Reuters)
Lundi 15 avril 2019
« L’apartheid n’a
pas commencé avec
lui et ne finira pas avec son départ ;
il ne sera probablement même pas
ébréché. L’une des nations les plus
racistes au monde ne peut pas se
plaindre du racisme de son premier
ministre. »
par Gideon
Levy, repris de Haaretz
Ce n’est pas le
Premier Ministre Benjamin Netanyahu,
tout au moins pas seulement lui. On ne
peut pas blâmer une seule personne,
aussi influente et puissante soit-elle,
pour tout ce qui est mauvais, comme le
font ses opposants et ennemis. Le
racisme, l’extrême nationalisme, la
discorde, l’incitation, la haine,
l’anxiété et la corruption, tout est la
faute de Netanyahu, disent-ils.
Mais ce n’est pas
vrai. Ses péchés sont innombrables et
les torts qu’il a causés sont
incommensurables, et ce serait
formidable de le sortir de nos vies,
mais lui faire porter toute la
responsabilité, c’est trompeur et un
détournement de responsabilité.
Si on doit blâmer
Netanyahu pour tout, alors si
nous pouvions simplement nous débarrasser
de lui, tout rentrerait dans l’ordre. Ce
n’est le cas. Si on doit blâmer
Netanyahu pour tout, alors nous
n’aurions rien à faire avec l’état
actuel des problèmes. Ce n’est pas le
cas. Netanyahu a causé de graves dommages,
mais derrière lui, il y a une nation et
des gens qui votent et d’autres
responsables élus, dont la plupart ne
sont guère différents de lui, et un
public et une société et des médias. Le
blâme leur revient au moins autant,
sinon plus.
Le Premier
ministre et ministre de la Défense
Benjamin Netanyahu dans un événement
du soldat solitaire à Tel
Aviv le 24 janvier 2019.(crédit photo :
MAPC ISRAEL SELLEM AT THE JERASALEM
POST)
Pour le dire
simplement, le peuple est le problème.
Netanyahu a des électeurs. Il y a ceux
qui votent pour des gens comme lui. Il y
a ceux qui ont haï les Arabes bien avant
Netanyahu. Il y a ceux qui méprisent les
Noirs, détestent les étrangers,
exploitent les faibles et regardent de
haut le monde entier – et pas à cause de
Netanyahu. Il y a ceux qui croient
qu’ils sont le peuple élu et n’ont donc
aucun reproche à attendre.
Il y a ceux qui
pensent qu’après l’Holocauste, ils ont
le droit de faire n’importe quoi. Il y a
ceux qui croient qu’Israël domine le
monde entier dans tous les domaines, que
le droit international ne s’applique pas
à lui et que personne ne peut lui dire
ce qu’il doit faire.
Il y a ceux qui
pensent que les Israéliens sont des
victimes – toujours des victimes, les
seules victimes – et que le monde entier
est contre nous. Il y a ceux qui sont
convaincus qu’Israël a le droit de faire
n’importe quoi, simplement parce qu’il le
peut.
Il y a ceux qui ne
croient qu’à l’épée. Il y a ceux qui
soutiennent l’agression, dans les
territoires et sur les routes, et qui ne
connaissent pas d’autre langage. Il y a
des niveaux sans précédent d’ignorance.
Il y a un lavage de
cerveau d’une étendue inconnue en
démocratie. Netanyahu est-il responsable
de tout cela ? Allons !
Le problème, c’est
l’atmosphère, l’esprit de l’époque, les
valeurs et les perspectives qui se sont
enracinées ici depuis des décennies de
Sionisme.
Netanyahu ne les a
pas semées et elles ne seront pas
arrachées quand il partira. Le racisme
et la xénophobie sont profondément
enracinées ici, beaucoup plus
profondément que n’importe quel
Netanyahu. Comment cela pourrait-il être
attribué à l’homme de la rue Balfour
alors que cela a commencé bien avant
qu’on le choisisse pour être un envoyé à
Washington ?
L’apartheid n’a pas
commencé avec lui et ne finira pas avec
son départ ; il ne sera probablement
même pas ébréché. L’une des nations les
plus racistes au monde ne peut pas se
plaindre du racisme de son premier
ministre.
Quand le discours
public est dominé par la droite, est-ce
à cause de Netanyahu ? Quand un média
est contrôlé par un seul récit, dans
lequel la droite devient le centre,
est-ce sa faute ? Jusqu’à quel point
quelqu’un peut-il faire fi des souhaits,
des croyances, des valeurs et des choix
d’une population ? Comment peut-on en
blâmer un seul politicien ?
Qu’il n’y ait pas
d’alternative idéologique n’a rien à
voir avec Netanyahu.
Que la campagne
électorale ne s’occupe que d’absurdités,
il n’en est pas responsable. Que le
centre-gauche ait peur de prononcer un
seul mot, ce n’est pas sa faute.
Netanyahu et la
meilleure chose qui soit jamais arrivée
à la politique israélienne – vous pouvez
tout lui mettre sur le dos ; il est un
incitateur qui sème la peur et répand des
mensonges, mais ils sont trop nombreux à
acheter ce qu’il vend et ses opposants
eux ne sont pas assez nombreux. N’en
faites pas le bouc émissaire – nous
sommes à blâmer.
Le problème, ce
n’est pas Netanyahu, mais l’admiration
qu’on lui porte et le vide de
l’opposition autour de lui.
L’incitation, c’est pour les faibles. Si
les Israéliens sont si facilement
influencés par leur premier ministre, le
problème est chez eux, pas chez lui.
Netanyahu, dont les gens disent qu’il
est cynique, dirige son poison là où il
sait qu’il sera capable de le répandre
facilement.
Ce serait
magnifique si un Nelson Mandela local
émergeait, un leader courageux avec une
vision qui changerait les valeurs
fondamentales du pays et conduirait une
révolution. Mais personne de cette sorte
n’est né ici, et il est fort douteux
qu’il arrive jamais. Je souhaite que
Netanyahu disparaisse. Mais ne dites pas
qu’il a tout ruiné et que, une fois
qu’il sera parti, tout ira bien.
Netanyahu est Israël, et Israël est
Netanyahu, même si Benny Gantz lui
succède.
Traduction : J. Ch.
pour BDS France Montpellier
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