Opinion
Une défaite électorale de Netanyahu
n’annoncera pas la rédemption d’Israël
Gideon Levy
Dimanche 1er mars 2015
Arrêtons de clouer au pilori le
Premier ministre : les changements
seront bien moindres que prévus si le
centre-gauche prend le pouvoir.
Article original :
http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.644693
Traduction :
http://www.sayed7asan.blogspot.fr
[Commentaire de
Norman Finkelstein : Hélas, il a
tout à fait raison]
Benjamin Netanyahu n’a pas « anéanti »
ou « détruit » les relations d’Israël
avec les États-Unis. C’est bien dommage,
car peu de choses ont corrompu Israël
plus que ses relations perverties avec
l’Amérique. Le Premier ministre
israélien n’a fait que détruire ses
relations personnelles avec
l’administration US actuelle. Ce n’est
pas une bonne chose, mais ce n’est pas
catastrophique.
Washington continuera à financer, armer
et soutenir Israël aveuglément dans
toutes ses guerres et occupations, avec
Netanyahu ou sans lui. Et son embrassade
étroite avec les premiers ministres
israéliens reprendra une fois que
l’actuel aura été remplacé. Attendez
seulement de voir les Américains et les
Européens applaudir si Isaac Herzog est
élu ; vous verrez comment tout reviendra
à la normale avec aucun dommage durable.
Les représentations de Netanyahu comme
le destructeur des relations
américano-israéliennes font partie d’une
campagne de diabolisation qui atteint
maintenant son apogée. Israël est frappé
par une malédiction, et cette
malédiction est nommée Netanyahu, lui
seul.
Il est le diable incarné. Chaque détail
de son comportement répulsif est dépeint
comme un crime et une calamité nationale
– fournissez-nous seulement d’autres
exemples tels que le fait de
se faire livrer des meubles de jardin
ou
d’empocher l’argent de la consigne des
bouteilles sur les deniers de
l’Etat, et nous vous montrerons le
diable qui séjourne dans la résidence du
Premier ministre.
Oui, Netanyahu est un mauvais Premier
ministre, mais pas bien pire, si c’est
le cas, que la plupart de ses
prédécesseurs. Il s’est lancé dans moins
de guerres injustifiées qu’Ehud Olmert,
il a construit moins de colonies qu’Ehud
Barak (par rapport à la durée de son
mandat), et il est apparemment moins
corrompu qu’Ariel Sharon. La situation
d’Israël s’est détériorée dans de
nombreux domaines au cours de son
mandat, mais ce processus n’a pas
commencé quand il a pris le pouvoir et
ne se terminera pas avec son départ.
On se figure que le seul problème
d’Israël est Netanyahu, et que son
renvoi annoncera la rédemption. Mais
Netanyahu n’est pas le seul problème, ni
même le principal problème d’Israël, et
son retrait ne résoudra absolument rien.
L’insistance continuelle des projecteurs
sur lui a depuis longtemps dépassé les
limites rationnelles ; c’est comme des
cérémonies de vaudou ou des rituels
d’exorcisme. Peut-être que son effigie
sera brûlée aux feux de joie de
Lag Ba’omer en mai. Une malédiction
pèse sur Israël et son nom est
Netanyahu, seulement Netanyahu. Il
incarne tous nos démons, sans même
mentionner sa
Lady Macbeth [son épouse].
Comme c’est facile de l’accuser de tout.
Comme c’est commode d’épingler tous les
maux de ce pays et de cette société sur
son image impérieuse, avec ses cheveux
gominés et son faux pathos, en croyant
que ce n’est pas de nous que viennent
tous les maux, mais de lui. Comme c’est
facile de croire que tout ira bien
lorsqu’il sera parti, que toutes les
blessures seront guéries et que les
fleurs s’épanouiront par milliers.
C’est évidemment là le moyen facile de
faire face aux problèmes, un moyen
typique d’une société plongée dans le
déni. Il constitue, à lui tout seul, les
« avant-postes illégaux » dont le
démantèlement mettra fin à l’occupation.
Il est comme était Yasser Arafat ; si
seulement il pouvait disparaître, la
paix prévaudrait. Si seulement nous nous
débarrassons de Netanyahu, tout ira
bien.
Cela est risible lorsque l’on considère
les rivaux de Netanyahu : Isaac Herzog,
Tzipi Livni, Yaïr Lapid et Moshe Kahlon.
S’ils prennent le pouvoir, les
changements seront bien moindres que ce
qui est prévu par cette campagne de
diabolisation.
Comme c’est facile de rallier des voix
contre lui et comme c’est « à la mode »
de soupirer « Oh, ce Netanyahu ! »
Donnez-nous plus d’armes pour embrocher
cet ennemi du peuple. Ce n’est pas qu’il
n’y ait rien sur quoi on puisse
l’attaquer – la liste de ses méfaits est
longue – mais les exagérations et la
concentration des critiques sur lui seul
ont rendu la campagne électorale
suspecte.
Mardi [3 mars], il s’exprimera lors
d’une session conjointe du Congrès
américain. Les analystes israéliens, qui
ne sortent jamais du consensus de la
horde, vont rivaliser d’ardeur pour
l’accabler des traits les plus perçants
et décrire le plus éloquemment les torts
« historiques » que son discours causera
aux relations américano-israéliennes.
Mais bientôt, un nouvel escadron des
derniers modèles d’avions de combat va
atterrir ici, fourni par les Etats-Unis
à l’Israël de Netanyahu pour qu’il
puisse bombarder Gaza une nouvelle fois.
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