Tendances de
l'Orient
La confrontation mondiale après la Syrie
et l'Ukraine
Ghaleb Kandil
Lundi 24 mars 2014
Ce qui s'est passé en Ukraine est un
coup d'Etat préparé par les services de
renseignements occidentaux dans le but
de modifier les nouveaux équilibres
mondiaux, qui menacent l'hégémonie
unilatérale américaine. L'objectif est
de tester les possibilités de juguler la
montée de la Russie en tant que force
concurrente des Etats-Unis, dirigeant
une alliance internationale en plein
développement économique, défendant le
projet d'instauration de nouvelles
règles de jeu sur la scène mondiale. Ces
règles seraient basées sur un
partenariat juste et équilibré, incluant
les puissances émergeante, c'est-à-dire
la Russie, l'Iran, la Chine, l'Afrique
du Sud, l'Inde, le Brésil et d'autres
pays.
La vision stratégique américaine, qui
consistait à utiliser la suprématie
militaire, économique et technologique
pour empêcher l'émergence d'une
puissance concurrente, remonte à un
quart de siècle. Cette vision a été
développée dans un rapport du Conseil de
la sécurité nationale américain, et
amplement analysé et commenté par le
grand chercheur français Alain Joxe dans
son livre intitulé L'Amérique mercenaire,
qui évoque l'arrogance de la guerre pour
punir les Etats, les gouvernements et
les mouvements hostiles à l'hégémonie
américaine dans le monde.
Effectivement, l'invasion de l'Irak, en
2003, a été considérée par de nombreux
analystes comme un étalage de force pour
effrayer les adversaires, basé sur une
violation flagrante de la Charte des
Nations unies, que les stratèges
américains voulaient détruire et
remplacer par l'Otan en tant que
structure dirigeant le monde.
Il faut rappeler, dans ce contexte, que
les adversaires des Etats-Unis ont
évité, à cette époque, la confrontation.
Seule la Syrie, partant de ses principes
nationalistes arabes, s'est opposée à
l'invasion de l'Irak et aux plans
dressés par Washington pour la région et
pour le monde. Avec l'Iran et la
Résistance, Damas s'est opposé à trois
grande guerres menées par l'Amérique contre le
Liban et Gaza, par le biais de l'armée
israélienne.
La nouvelle agression colonialiste
américaine lancée contre la Syrie, il y
a trois ans, s'est brisée sur la
détermination du commandement syrien, de
son armée et de larges pans de la
population, qui se sont soudées derrière
le leadership du président Bachar al-Assad.
Cette volonté de résistance a permis à
la Russie, à l'Iran et aux pays des
Brics, d'établir de nouvelles équations
mondiales. Ils ont ainsi obligé
Washington à renoncer à son projet
d'attaquer la Syrie, à négocier avec
l'Iran et à reconnaitre son rôle
régional. Ces nouvelles équations ont pu
être consolidées grâce à l'engagement du
Hezbollah dans les combats face aux
mercenaires takfiristes, acheminés en
Syrie de 60 pays, comme l'a reconnu,
samedi, le roi Abdallah II de Jordanie.
Tous ces développements ont contraint
les Etats-Unis à revenir à un
partenariat international et au Conseil
de sécurité de l'Onu, cadencé par le
véto sino-russe, pour faire échec aux
plans américains. Devant la
détermination de la Russie, de l'Iran et
de la Chine, les Etats-Unis ont échoué à
imposer leur vision d'un partenariat
sous leur direction.
C'est dans ce contexte que le plan de
provocation et d'agression directe
contre la Russie a été mis en œuvre,
pour tenter de lier les mains de la
puissance impériale en l'occupant dans
son arrière-cour. Ce complot a nécessité
une riposte russe de la même ampleur, à
travers l'annexion de la Crimée, à
l'issue d'un référendum populaire. Cette
réaction rapide a fait échouer le plan
américain de faire plier Moscou et à
imposer la logique de Washington d'un
partenariat mondial sous sa direction.
La crise ukrainienne ouvre la voie à une
confrontation à l'échelle planétaire,
dans le cadre d'une nouvelle guerre
froide, face à l'arrogance des
Etats-Unis, qui trainent derrière eux
une Europe faible et divisée, surtout
que les intérêts nationaux de
l'Allemagne divergent de ceux de
nombreux de ses partenaires européens.
Après que la Russie eut fait prévaloir
ses intérêts nationaux face au plan
américain, l'Occident colonialiste
poursuit ses provocations à travers les
sanctions et la poursuite de ses
tentatives visant à pénétrer dans la
sphère d'influence russe, en essayant
d'élargir l'Otan à d'anciennes
Républiques soviétiques.
Face à cette approche agressive, le
président Vladimir Poutine, appuyé par
une écrasante partie de l'opinion
publique russe et russophone, a mis à
exécution son plan stratégique de
réunification de la Russie historique,
selon l'important discours qu'il a
prononcé devant la Douma. Cela signifie
que l'empire russe est déterminé à
affronter l'Occident jusqu'à ce qu'il se
résout à reculer et à accepter les
règles du nouveau partenariat
international équilibré, prôné par
Moscou.
La Russie historique dépasse les
frontières géographiques de l'ancien
Union soviétique et comprend tous les
Etats slaves et orthodoxes d'Europe. Les
experts européens savent que Moscou
lorgne aussi vers la Grèce.
Le succès de la Russie passe forcément
par la poursuite de son soutien à la
Syrie et le renforcement de son alliance
avec cet Etat, dont la résistance aux
plans occidentaux a permis à Moscou
d'adopter des positions solides et
fermes face aux Etats-Unis et à leurs
alliés.
Le choix et les instruments que la
Russie peut aligner dans sa
confrontation avec l'Occident sont
nombreux. Ils vont de l'utilisation de
sa puissance économique, aux atouts
démographiques dus à la présence de
millions de Russes dans les
ex-Républiques de l'Union soviétique, à
la formation avec ses partenaires des
Brics d'un front économique, politique
et stratégique, en dotant ce
rassemblement d'Etats d'une structure
bancaire capable de faire face à
l'hégémonie américaine. Et si
l'équilibre nucléaire est une garantie
pour éviter l'affrontement direct entre
la Russie et l'Amérique, les guerres
régionales, elles, où les grandes
puissances s'affrontent par alliés
interposés, ne sont pas à exclure. C'est
ce qui se passe en Syrie depuis trois
ans, et qui peut s'étendre à d'autres
régions.
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