Actualité
Notre Torah est basée sur la justice,
l’amour,
l’humilité, l’inclusion. Tout le
contraire des "valeurs"
du sionisme construites sur l’orgueil,
l’oppression,
la haine et l’exclusion
Gabriel Hagaï

Mercredi 27 février 2019
Suite à la polémique populaire récente
autour de la définition du « sionisme »
– et donc de la nature de l’opposition à
cette idéologie –, je pense qu’il est
important d’apporter ici quelques
éclaircissements (en tant que juif
orthodoxe séfarade franco-israélien).
Le sionisme est un
projet politique séculaire d’origine
européenne qui usurpe l’identité juive
pour la transformer en nationalisme
primaire. C’est donc par définition un
mouvement raciste, exclusiviste et
hégémoniste, de facto faiseur
d’apartheid. C’est cette idéologie
toxique qui a donné naissance à l’État
d’Israël. Or, avant cela, les juifs
n’ont jamais été nationalistes, ni par
leur histoire, ni par leur religion.
L’amalgame entre
« sionisme » et « judaïsme » est souvent
dû au fait que ce premier est un
mouvement nationaliste juif, s’adressant
aux juifs, et dont le but est
l’établissement d’un pays juif souverain
(l’État d’Israël) parlant une langue
juive (l’hébreu en l’occurrence). Du
coup, le qualifier de « judaïsme »
devient séduisant pour certains. Mais
c’est complètement méconnaître
l’idéologie même du sionisme dont le but
est de remplacer la Torah (c’est-à-dire
l’observance des préceptes bibliques
mosaïques) par du nationalisme. Être
juif, pour le sionisme, c’est être un
citoyen de l’État sioniste, pour lequel
toute pratique religieuse est superflue,
voire à combattre.
Le sionisme est
donc l’adversaire idéologique de la
Torah (de la religion juive). Certes, il
existe un mouvement sioniste religieux,
centré autour de la pensée de R. Tsevî-Yehûda
Kook (1891-1982), mais nombreuses y sont
les incohérences, les réductions et les
contradictions vis-à-vis des sources
religieuses juives authentiques.
Il faut bien
comprendre qu’il n’existe pas plus de
lien entre le sionisme (l’État d’Israël)
et la Torah – malgré la judaïté des
sionistes – qu’entre le Ku Klux Klan et
l’Église Catholique (bien que les
klanistes soient chrétiens) ou qu’entre
le FLN algérien et l’islam (bien que ses
membres soient de culture
arabo-musulmane). Donc, on ne peut pas
plus affirmer que l’État israélien
représenterait LES juifs (tous les
juifs, et le judaïsme en plus), que le
Gouvernement algérien représenterait les
musulmans ou le Texas les chrétiens.
Malgré tout cela,
l’État d’Israël utilise plusieurs
sophismes afin de s’établir en
représentant légitime et exclusif du
Peuple d’Israël. La liste est longue et
fallacieuse, et je n’en aborderai ici
que quelques-uns de ses éléments.
Le point le plus
important de la propagande sioniste est
de « favoriser le “retour” du Peuple
juif en Terre d’Israël » ! Or, à ma
connaissance, des juifs ont de tout
temps vécu en Terre Sainte. De quel
« retour » parle-t-on alors, vu que les
juifs n’ont jamais rompu leur lien à
cette Terre ? Du pouvoir politique ?
De plus, ce
« Peuple juif » cité ici, qui est-il ?
Il me semble que la majorité du Peuple
juif ne vit justement pas en Terre
Sainte. Qui donc peut s’établir là-bas
en représentant exclusif de ce peuple
(et délégitimer ainsi les autres juifs
vivant ailleurs) ?
Et puis, « en Terre
d’Israël » – selon quelles frontières ?
La Terre d’Israël biblique comprend
aussi l’autre rive du Jourdain (la
Jordanie actuelle) jusqu’à Damas (en
Syrie actuelle). Devrait-on entendre par
là qu’il faudrait également que les
juifs conquièrent ces territoires afin
d’y assoir leur gouvernance ?
Un autre élément de
propagande est l’utilisation ad nauseam
de l’argument sécuritaire. Exactement
comme en Afrique du Sud lors de
l’Apartheid – où les Blancs étaient
convaincus par la propagande de
maintenir cet état de fait, sinon les
Noirs allaient tous les égorger –, ainsi
les Israéliens sont manipulés à croire
que tous les Arabes veulent leur
extermination.
Pour accentuer
cette démagogie, le souvenir de la Shoah
est agité sans vergogne afin de
distiller la peur de l’anéantissement.
L’État sioniste garantirait la sécurité
des juifs dans le monde. Or, c’est tout
le contraire qui se passe ! Le raccourci
est aisé : identification entre l’État
d’Israël et les citoyens israéliens,
puis entre les Israéliens et tous les
juifs. Comment empêcher cet amalgame
toxique ? Les institutions juives
françaises n’aident pas à calmer la
situation, au contraire. Leur soutien
inconditionnel à l’État d’Israël – et
leur fait d’assimiler l’antisionisme à
l’antisémitisme –, ouvre le bal de tous
les amalgames. La communauté juive se
retrouve prise en otage par l’idéologie
sioniste. Les discours s’enflamment de
tous les côtés, et le sang juif coule de
par le monde.
Il est important de
souligner ici que l’identité juive ne
s’établit pas vis-à-vis des aléas des
persécutions (qui sont des épiphénomènes
ne nous définissant pas), mais vis-à-vis
de la Torah. C’est elle qui légitime
notre histoire et notre identité en tant
que peuple (ou plutôt en tant que
famille) – du coup, selon moi, un juif
sans Torah, même si cela existe de
facto, n’a pas beaucoup de sens.
Car nous les juifs
sommes une famille, pas une nation au
sens politique du terme. Nous sommes la
« Famille de Jacob (Bêt-Ya‘aqov) »,
celle de ses descendants – à qui Dieu a
donné Sa Torah par Moïse –, et à
laquelle on peut appartenir par trois
moyens : 1. la filiation, 2. l’adoption
(ce qu’on appelle abusivement la
« conversion ») et 3. le mariage. C’est
pour cela qu’il existe des juifs de
toutes les ethnies, fruits des mélanges
entre nos populations originelles du
Moyen-Orient et les peuples qui nous ont
accueillis tout au long de notre
histoire. Ainsi nos gènes sont communs
avec nos sœurs et frères les
Palestiniens, qui partagent la même
origine que nous.
Notre Torah est
justement basée sur la justice, l’amour,
l’humilité et l’inclusion. Tout le
contraire des « valeurs » du sionisme
construites sur l’orgueil, l’oppression,
la haine et l’exclusion. Selon notre
Torah, on ne saurait donc établir une
société saine sur l’injustice envers ne
fût-ce qu’une seule personne (fût-elle
non-juive) – a fortiori envers un peuple
tout entier.
Les juifs sont donc
les premières victimes de l’arnaque
sioniste (la liste est longue). Les
seconds en sont les Palestiniens qui
subissent une occupation violente et un
apartheid en règle – quand ils ne sont
pas purement et simplement massacrés.
Aujourd’hui, les
personnes qui se disent
« antisionistes » justifient leur point
de vue par un ou plusieurs des éléments
suivants, parfois antinomiques (selon
Wikipédia) :
1. L’opposition
idéologique de principe à l’État
d’Israël ou à la politique israélienne
de manière générale, selon le point de
vue qu’Israël serait responsable de la
situation et des conflits au
Moyen-Orient.
2. L’opposition à
la politique de colonisation des
territoires palestiniens occupés, selon
le point de vue que l’État d’Israël et
certains groupements se réclamant du
sionisme y appliqueraient une politique
expansionniste dans la perpétuation du
projet sioniste.
3. La condamnation
de la situation des Arabes israéliens et
des Palestiniens pour lesquels certains
estiment qu’ils subissent des
discriminations jugées proches de
l’apartheid, voire qu’on perpètre à leur
encontre des « crimes de guerres » et
ce, parce que le projet sioniste serait
par essence raciste.
4. Nonobstant la
situation des populations non-juives,
l’opposition au caractère juif voulu par
le sionisme de l’État d’Israël, selon le
point de vue que ce principe, qui est à
la base du sionisme, ne serait pas
laïque et démocratique, mais religieux
ou racial.
5. Dans le monde
musulman, l’opposition à l’occupation de
Jérusalem et d’autres lieux saints de
l’islam par l’État d’Israël ou par des
juifs ;
6. L’opposition à
l’existence d’Israël en tant qu’état, ce
qui est le but principal du sionisme,
selon le point de vue que seul un état
binational recouvrant toute l’ancienne
Palestine historique serait légitime ou
pourrait apporter des solutions au
conflit israélo-palestinien, ce qui est
contraire au fondement même du sionisme.
7. L’opposition au
droit à l’existence même de l’État
d’Israël ou d’un état juif, souvent
dénommé « Entité sioniste » dans ce
contexte, et selon le point de vue que
le sionisme ne serait en rien légitime
et qu’il aurait spolié les Arabes
palestiniens de leur pays.
Dans le dernier
cas, cette opposition (des fois armée et
violente) à l’existence de l’État
d’Israël peut même dégénérer en
antisémitisme (c.-à-d. en haine générale
du juif) comme l’avait craint Habib
Bourguiba dès 1965 : « Dans le cas de la
Palestine, cette haine conduit à
confondre l’antisionisme avec
l’antisémitisme, ce qui engendre […] un
fanatisme qui sera dangereux le jour où
il faudra négocier. » (dixit Wikipédia)
L’expression
« antisionisme » peut donc prêter à
confusion, car elle est aussi utilisée
par ceux qui veulent purifier la Terre
Sainte de toute présence juive (par un
massacre pur et simple de la population
israélienne) – ce qui n’est évidemment
pas mon cas, ni le cas de mes amis
Palestiniens, ni celui de l’écrasante
majorité des gens sains d’esprit.
Surtout que je suis plutôt un partisan
de la non-violence, un adepte de la paix
et de la justice.
Une paix
authentique en Terre Sainte ne sera
possible que fondée sur la justice pour
tous les protagonistes, et non sur la
simple absence de violence ou sur le
remplacement d’une injustice par une
autre. La paix ne se fera pas au
détriment des Israéliens et au bénéfice
des Palestiniens, ou réciproquement,
mais au bénéfice des deux, ensemble.
C’est pourquoi
soutenir la paix c’est soutenir les deux
camps – pas les discours politiques,
bien sûr, ni les gouvernements, mais les
habitants eux-mêmes –, et servir de
médiateur afin qu’ils trouvent
d’eux-mêmes leurs propres solutions à
tous leurs problèmes. Je pense que dès
la reconnaissance par le Gouvernement
israélien de ses erreurs, l’abandon de
l’occupation armée et l’octroi de leurs
droits aux Palestiniens, qu’il n’y aura
alors plus de problèmes (car plus de
sionisme).
Pour conclure, en
tant qu’opposant à l’idéologie sioniste
pour toutes les raisons suscitées (1 à
7, entre autres), j’accepte d’être
qualifié d’« antisioniste » par défaut
d’un meilleur terme.
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