Libye
Le tragique et honorable héritage
de Muammar Gaddhafi
Françoise Petitdemange
Photo:
D.R.
Dimanche 4 octobre 2015
Alors qu’il
est question d’un retour de Saïf
al-Islam Gaddhafi dans la vie politique
et économique de la Libye, voici les
faits historiques auxquels il va devoir
faire face…
Muammar Gaddhafi n’a pas fait la
Révolution du 1er Septembre 1969 tout
seul. Ils étaient douze amis, pour la
plupart issus de milieux pauvres, plus
une centaine de civils et de militaires.
Cette Révolution a été appelée “La
Révolution blanche” parce qu’elle avait
eu lieu sans effusion de sang (ce qui
est rare dans l’histoire du monde).
Contrairement à ce qui a été maintes
fois dit… c’est le peuple libyen qui, au
début des années 80, a accordé à Muammar
Gaddhafi le titre de Guide
révolutionnaire.
En 2011, c’est bien cette Révolution,
qui s’était poursuivie avec le passage
de relais de la RAL (République Arabe
Libyenne) à la JALPS (Jamahiriya Arabe
Libyenne Populaire Socialiste) ou État
des masses, que les chefs d’États
français (Nicolas Sarkozy), britannique
(David Cameron), états-unien (Barack
Obama) ont voulu détruire. Cette
Révolution, malgré un long embargo de
1992 à 2003, avait conduit le peuple
libyen à faire de la Libye, en décembre
2010, le pays le moins endetté de la
planète. (La grande bourgeoisie
occidentale, elle, n’a d’autre
compétence que celle de mener les États
à la faillite et de plonger les
populations dans la misère ou dans les
guerres…)
En 2011, c’est aussi, à travers cette
Révolution qui trouvait progressivement
des prolongements dans la création des
États-Unis d’Afrique, la réelle
indépendance et un véritable
développement du continent africain qui
étaient visé(e) par ces trois chefs
d’États français, britannique,
états-unien.
Durant ces sept mois de guerre, de
mars à octobre 2011, il y a eu la chasse
aux révolutionnaires et à leurs proches
qu’il était question de détruire
jusqu’au dernier… Khoueldi El Hamidi
était visé dans l’attaque – de nuit, par
les forces de l’Otan commandées par le
lieutenant-général Charles Bouchard – de
la villa familiale où de nombreuses
personnes étaient restées pour dormir
après une fête d’anniversaire de l’un de
ses petits-enfants : le révolutionnaire
est sorti indemne de ces bombardements ;
son fils, Khaled, qui était allé voir
deux amis en ville, était témoin, à son
retour à Sorman, de la dernière
explosion qui achevait de détruire la
maison, et découvrait que son épouse
enceinte et ses enfants, ainsi que
toutes les autres personnes, parentes ou
amies de la famille, avaient perdu la
vie. Abou Bakr Younis Jaber a été
assassiné en même temps que Muammar
Gaddhafi et le fils de celui-ci,
Moatassem Billah.
Durant ces sept mois, les
journalistes mainstream ont
découvert qu’il y avait des Libyens
noirs… Cela n’a pas empêché certain(e)s
d’entre eux-elles de clamer que Muammar
Gaddhafi était raciste ! Or, Abou Bakr
Younis Jaber était un Libyen noir, et
Muammar Gaddhafi et ses compagnons, au
moment de faire la révolution afin de
renverser la monarchie fantoche du roi
Idriss 1er, ne s’étaient pas posé la
question de savoir s’ils acceptaient ou
pas les Noirs dans leur groupe. Les
assassinats de Muammar
Gaddhafi et
d’Abou Bakr Younis Jaber ont
été commandités : ce sont des crimes
politiques, doublés de crimes crapuleux,
triplés, pour Abou Bakr Younis Jaber,
d’un crime raciste.
Aux manifestations des Libyens et des
Libyennes, partout en Libye, contre la
guerre, les groupes parlementaires
français – sans distinction de droite ni
de gauche – ont répondu, le 12 juillet
2011, en votant, comme un seul homme ou
presque (excepté le parti communiste,
mais de justesse…), la prolongation de
trois mois des bombardements de l’OTAN
sur le peuple libyen… (Une mention
spéciale est à apporter aux écologistes
qui ne sont jamais gênés par la
pollution atmosphérique,
environnementale, générée par les bombes
dont ils savent que certaines sont
munies d’ogives comportant de l’uranium
appauvri.) Trois mois qui ont fait
toujours plus de mort(e)s, toujours plus
de blessé(e)s, toujours plus de
destructions… Trois mois, le temps qu’il
fallait aux trois chefs d’États
occidentaux pour trouver Muammar
Gaddhafi et le faire assassiner.
Le Conseil des Tribus de Libye, qui
représentait 2.200 tribus, s’était réuni
plusieurs fois sous les bombardements et
avait fait des déclarations contre cette
guerre, notamment le 3 juin 2011 : de
même que l’UA (Union Africaine), il a
été complètement ignoré par les trois
chefs de guerre qui devraient répondre
de leurs décisions et de leurs actes
devant la CPI (Cour Pénale
Internationale) si celle-ci ne se
faisait pas une spécialité de ne juger
que les chefs des pays de
l’ex-Yougoslavie (Slobodan Milosevic),
des pays arabes (Saddam Hussein) et des
pays africains (Laurent Gbagbo, etc.).
Après la déstabilisation de la
Tunisie (janvier 2011) et de l’Égypte
(février 2011), les chefs d’États
impérialistes-colonialistes avaient
attaqué dans le même moment, en mars, la
Libye et la Syrie. Il s’agissait
d’empêcher la Tunisie et l’Égypte de
porter secours à leur pays voisin, la
Libye, et de mettre aussi la Syrie à feu
et à sang. D’ailleurs, ces chefs
d’États, qui voulaient faire condamner
Muammar Gaddhafi par la CPI, réclament
aujourd’hui la traduction devant la CPI
de Bachar El Assad pour crimes contre
l’humanité. Mais quel tribunal jugera
des crimes – bien réels ceux-ci – des
chefs d’États occidentaux qui massacrent
les populations civiles sous leurs
bombes ?
Enfin, il y a des personnes en France
qui sont opposées à ces guerres à
répétition : Afghanistan, Irak, Libye,
Syrie, Ukraine, etc. Si la liberté
d’expression existait, des ambassadeurs
de France en Libye, qui avaient vécu
dans le pays au contact de la famille
Gaddhafi mais aussi de la population
elle-même, auraient pu, en temps voulu –
c’est-à-dire avant la guerre contre la
Libye – apporter un éclairage sur ce
qu’était le régime libyen : or,
Christian Graeff, par exemple, n’a dû de
pouvoir s’exprimer, au soir du 20
octobre 2011, sur France culture, en 4
minutes et 8 secondes (et encore, il
faudrait enlever la présentation de
l’entretien et les questions de
l’intervieweuse…), qu’à la mort, le
matin même, de Muammar Gaddhafi, de son
fils, et d’Abou Bakr Younis Jaber…
Françoise Petitdemange
Photo: Tripoli avant la guerre
http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr
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