Opinion
Le fiasco absolu de la diplomatie
française
au Proche-Orient
François Belliot
© François
Belliot
Mardi 11 août 2015
Non seulement Laurent Fabius & Cie se
sont trompés sur toute la ligne, mais
ils ont gravement décrédibilisé notre
diplomatie en humiliant inutilement des
interlocuteurs majeurs.
Depuis quatre ans, la France est à la
pointe des pays qui appellent à un
« changement de régime » en Syrie et se
refusent à tout compromis avec le régime
des mollahs iraniens, suspect de vouloir
se doter de l’arme atomique afin de
« rayer Israël de la carte ». Cela
s’est traduit par une série de positions
intraitables contre ces deux pays, dont
il est temps d’évaluer aujourd’hui la
pertinence, à la lumière des évolutions
régionales et internationales les plus
récentes.
Retour sur quelques dates clés : le
23 novembre 2011, le gouvernement
français est le second État à
reconnaître les rebelles du Conseil
national syrien comme seule instance
représentative du peuple syrien ; le 28
mai 2012, il est le premier à expulser
l’ambassadeur de Syrie en France, en
réponse au massacre de Houla. Le 17 août
2012, à l’occasion d’une visite dans un
camp de réfugiés à la frontière
syro-turque, Laurent Fabius déclare qu’« el-Assad
ne mériterait pas d’être sur la terre » ;
le 25 août 2013, suite à une attaque
chimique de grande ampleur dans la
banlieue de Damas, le même Fabius
déclare : « Les indications sont
totalement convergentes sur l’étendue du
massacre et la responsabilité écrasante
du régime » ; le 10 novembre 2013,
le gouvernement français fait capoter un
premier accord sur le nucléaire iranien,
en posant à l’Iran des conditions
inacceptables ; le 20 janvier 2014, le
gouvernement français pèse encore de
tout son poids pour s’opposer à la
participation de l’Iran à la conférence
de paix sur la Syrie dite de Genève 2.
Or, à l’été 2015, nous sommes obligés
de prendre acte de ce que la fameuse
phrase de Mahmoud Ahmadinejad appelant à
« rayer Israël de la carte »
n’a jamais été prononcée, le Premier
ministre iranien ayant évoqué tout au
plus la nécessité d’un changement de
régime. À ce jour, seuls sept pays ont
reconnu le Conseil national syrien, et
surtout pas les insurgés. Il est avéré
que le massacre de Houla, le 25 mai
2012, était une opération sous faux
drapeau perpétrée par des djihadistes ;
que la frontière turque sert depuis mars
2011 de zone de transit d’armes pour les
rebelles ; et de nombreux rapports
pointent du doigt la responsabilité de
la dissidence wahhabite dans l’attaque à
l’arme chimique de la Ghouta le 21 août
2013.
L’accord conclu le 14 juillet 2015
sur le programme nucléaire iranien
permet la levée progressive des
sanctions et la reprise des relations
commerciales avec la France… contrainte
à un piteux rétropédalage dans l’espoir
de recueillir, pour ses entreprises,
quelques bribes d’un marché hier perdu.
En conséquence, l’exclusion de l’Iran de
pourparlers pour un règlement politique
de la crise syrienne apparaît
aujourd’hui comme impensable, surtout
avec l’expansion de l’État islamique en
Syrie et en Irak. Au demeurant,
l’intransigeance de la France envers la
Syrie et l’Iran contraste de façon
choquante avec sa mansuétude envers les
crimes contre l’humanité perpétrés
périodiquement par l’armée israélienne
dans la bande de Gaza.
Force est donc de constater que la
diplomatie française au Proche-Orient,
ces quatre dernières années, mérite un
zéro pointé. Non seulement Laurent
Fabius & Cie se sont trompés sur toute
la ligne, mais ils ont gravement
décrédibilisé notre diplomatie en
humiliant inutilement des interlocuteurs
majeurs tels que l’Iran et en se faisant
les promoteurs d’expéditions punitives
en Libye puis en Syrie sur la base
d’informations et de massacres
manipulés.
De telles « erreurs d’appréciation »
dans un véritable État de droit eussent
dû être sanctionnées par une Haute Cour
de justice. Pourtant M. Fabius ne craint
pas d’affronter le courroux de l’opinion
publique en se rendant à Téhéran où il
s’est rendu tristement célèbre par le
scandale du sang contaminé (300 Iraniens
en ont été victimes et jamais
indemnisés), à l’époque où il était
Premier ministre. Si, en France, tout le
monde semble avoir oublié ce douloureux
épisode, en Iran, la mémoire à ce sujet
reste vive. Un passif qui, en principe,
eût dû écarter définitivement Laurent
Fabius de toute responsabilité de
premier plan. Un bilan accablant
largement confirmé par ses fonctions à
la tête de la diplomatie française
depuis mai 2012, quelles que soient les
flatteries médiatiques dont on l’entoure
assidûment.
Source:
Boulevard Voltaire
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