Chronique
La parole à Vera Baboun, maire de
Bethléem
Francis Wurtz (*)
Reuters
Samedi 27 janvier 2018
Face aux épreuves, elle s’engage : pour
l’émancipation des femmes
palestiniennes, pour l’éducation des
jeunes, pour les droits fondamentaux de
son peuple.
Vera Baboun,
Palestinienne chrétienne, première femme
élue maire de Bethléem en 2012, vient à
Strasbourg, le 27 janvier, à
l’invitation d’une association
interculturelle (chrétiens, juifs,
musulmans, bouddhistes, hindouistes),
les Sacrées Journées. Elle présentera
son livre au titre évocateur : « Pour
l’amour de Bethléem. Ma ville emmurée »
(1). Son récit autobiographique
constitue à l’encontre de l’occupation,
de la colonisation et tout
particulièrement du mur d’annexion un
acte d’accusation d’autant plus marquant
qu’il émane d’une femme étrangère à tout
extrémisme, à tout fondamentalisme, et
qui parle de personnes juives
israéliennes de son entourage – telle
son enseignante à l’Université hébraïque
– avec beaucoup de respect et de
tendresse.
Sa narration est un
condensé impressionnant de toutes les
souffrances qu’endurent les
Palestiniens : le traumatisme historique
de la « Nakba » (la « catastrophe » de
1948) « en raison de l’expulsion et de
la fuite de centaines de milliers de
Palestiniens » ; le souvenir douloureux
de l’enfant qu’elle était et de sa
famille, en 1967, quand « les occupants
lui ont tout pris » ; les espoirs déçus
après les accords d’Oslo, en 1993,
censés aboutir au règlement de « la
question des frontières, des réfugiés,
des colonies, de l’eau, du statut de
Jérusalem... ». Aujourd’hui, c’est la
rupture du lien sacré entre la
Cisjordanie et Jérusalem-Est ; les
humiliations aux « check-points » ;
l’arbitraire total présidant à l’octroi
des droits (exceptionnels) de passage de
l’autre côté de « la muraille de béton
de 8 mètres de haut » ; les
confiscations de terres pour
l’édification des colonies, pour la
construction de routes de contournement
interdites aux Palestiniens et pour
l’érection du mur ; les interventions
brutales et sanglantes des soldats
israéliens contre des jeunes révoltés
par l’oppression ; les arrestations de
manifestants non armés ; les
destructions de biens sur simple
présomption de complicité ; sans parler
des privations d’eau organisées, du
chômage endémique et de la pauvreté de
masse, faute d’activités économiques un
tant soit peu normales. « L’emmurement
est l’une des pratiques les plus
radicales qu’une communauté humaine
puisse endurer », souligne Vera Baboun.
Mais, pour elle, à
l’image de son peuple, « baisser les
bras, c’était couler ». Face aux
épreuves, elle s’engage : pour
l’émancipation des femmes
palestiniennes, pour l’éducation des
jeunes, pour les droits fondamentaux de
son peuple. « Que fait le monde ? »
s’interrogeait-elle, en 2003, dès
l’apparition des premiers blocs de
béton, des miradors, des projecteurs du
futur mur de 773 km isolant 13 % du
territoire de la Cisjordanie ! «
Pourquoi les laisse-t-on construire ça ?
» Et de relater la naïveté ou
l’inconscience de tel représentant de
l’Union européenne s’indignant récemment
de l’absence des mères au chevet de leur
enfant en train de mourir du cancer dans
un hôpital spécialisé de Jérusalem ! La
raison en est malheureusement simple :
elles sont jeunes et habitent Gaza,
aussi les autorités israéliennes leur
ont-elles refusé le permis de passer !
En refermant ce
livre poignant de vérité et de dignité,
quiconque a du cœur se demande ce qu’il
ou elle peut faire pour contribuer à
faire avancer cette cause impérissable.
Les priorités ne manquent pas : la
reconnaissance de l’État palestinien par
la France et l’Europe ; l’arrêt de toute
importation de produits des colonies ;
la libération de Marwan Barghouti et de
tous les prisonniers politiques, parmi
lesquels notre concitoyen Salah Hamouri...
Merci et bienvenue en France, Vera
Baboun !
(*) Député
honoraire du Parlement européen.
(1) Bayard
Éditions, 2016.
© Journal
L'Humanité
Publié le 28 janvier 2018 avec l'aimable
autorisation de
L'Humanité
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