Palestine
Faire l’économie de la libération de la
Palestine :
le piège de la solution d’un seul Etat
Fadwa Nassar
Dimanche 26 février 2017
Sans aucun doute, la solution de « deux
Etats », palestinien et sioniste, vivant
côte à côte, a échoué. D’ailleurs, cette
solution – mirage qui avait attiré des
secteurs de la société palestinienne et
des sociétés arabes, par la même
occasion, avait peu de chances
d’aboutir. Elle portait en elle-même les
germes de son non-aboutissement.
Cependant, cette solution n’avait même
pas la même signification pour tous ceux
qui la défendaient, sans parler de la
vision sioniste, complètement
différente. Pour les Palestiniens qui la
défendaient, la solution des « deux
Etats » pouvait être l’aboutissement
d’une lutte pour la libération de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza, dans
l’attente d’une libération totale. Ceci
fut la vision des cadres du Fateh, de
l’ancienne école. Mais cette vision des
« deux Etats » fut progressivement
entamée par les accords d’Oslo, d’abord,
puis par les divers reculs de l’Autorité
palestinienne, où l’Etat palestinien
pourrait accepter un « échange » de
territoires (zones de la Palestine de 48
contre les colonies de la Cisjordanie),
et une présence sioniste dans la partie
orientale d’al-Quds, une soumission
économique et sécuritaire à l’entité
coloniale sioniste. Même cela, les
sionistes ont déclaré qu’ils n’en
veulent plus. C’est l’échec, non du
peuple palestinien et de sa résistance,
mais de l’Autorité palestinienne d’abord
et surtout, et de tous ceux qui ont
maintenu et défendu l’illusion d’un tel
règlement, voulant préserver les
quelques maigres acquis qu’ils ont
récoltés avec l’instauration de cette
Autorité sur à peine 10% de la Palestine
occupée.
Bien
avant cet échec cuisant, des voix
marginales en Palestine mais importantes
dans la « communauté internationale »
avaient proposé la solution d’un seul
Etat, non pas en revenant au programme
de l’OLP des années 70, qui luttait pour
une Palestine libre et indépendante sur
toute la terre de Palestine, mais en
supprimant toute la dimension arabe et
islamique de la question palestinienne,
et en faisant l’économie d’une
résistance armée et d’une lutte qui
aboutirait à la libération de la
Palestine. Les défenseurs de la nouvelle
version de la « solution d’un seul
Etat », qu’ils soient palestiniens,
sionistes honteux ou internationaux
partent de l’incapacité de résister à
l’agressivité coloniale de l’entité
sioniste et à sa soif colonisatrice. Ne
pouvant y faire face, la solution pour
eux serait de composer avec, en
empruntant la lutte contre l’apartheid
en Afrique du Sud, devenue le modèle et
l’exemple, sans cependant prendre en
compte le caractère fondamentalement
colonial, et non seulement raciste et
ségrégationniste de l’entité sioniste,
ni la dimension arabe et islamique de la
question palestinienne, ni le fondement
historique et religieux du conflit dans
la région. D’un seul trait, la Palestine
serait devenue l’Afrique du Sud, et le
colonialisme négationniste et
extirpateur fut assimilé à l’apartheid.
Restent cependant les millions de
réfugiés palestiniens, expulsés de leur
terre et de leurs terres et villages et
qui devront revenir au pays. Pour les
défenseurs de la « solution d’un seul
Etat », devraient-ils eux aussi partager
leurs biens avec les colons installés
depuis ou avant 1948 sur leurs terres et
vivant dans leurs maisons ?
Le
ridicule a récemment éclaté, après la
rencontre Netanyahu – Trump, lorsque des
responsables et propagandistes de
l’Autorité palestinienne ont commencé à
aborder la solution d’un seul Etat,
parce que leur espoir de voir aboutir la
« solution à deux Etats » s’est évanoui.
De quel Etat parlent-ils ? Au lieu de
revenir au programme « maximum » de
l’OLP, qui fut celui de la résistance et
la lutte pour libérer la Palestine, ils
ont enfourché la voie de l’illusion, une
fois encore, refusant de remettre en
cause et les accords d’Oslo et la
reconnaissance de l’entité coloniale
sioniste implantée sur 80% de la
Palestine, tout comme ils refusent
l’arrêt de la « coordination »
sécuritaire avec l’occupant, ou ne la
réclament pas. Peu leur importe la
répression par les hommes de la sécurité
palestinienne des militants et
résistants et des prisonniers à peine
libérés des prisons de l’occupation. Peu
leur importe la torture subie par ces
militants dans les prisons de
l’Autorité, et notamment la prison
centrale d’Ariha, comme peu leur importe
l’avortement, au profit de l’entité
sioniste, de centaines de tentatives
d’actes résistants, menés par des
organisations de la résistance ou par
des résistants isolés. Ce sont les
conséquences des accords d’Oslo, et non
une de leurs dérives, comme ils tentent
de l’expliquer.
Les
funestes accords d’Oslo et la formation
de l’Autorité palestinienne sur un bout
de territoire de la Palestine ont
entraîné des désastres pour le peuple
palestinien, et pour les peuples arabes.
Ils ont ouvert la voie à la
normalisation des relations avec
l’occupant sioniste, à tous les niveaux
et dans tous les domaines. Ils ont tenté
et tentent toujours de modifier la
conscience palestinienne, forgée dans la
lutte contre la colonisation et la
domination, dès le début du siècle
dernier, lorsque le peuple palestinien
s’est révolté, armes à la main, contre
les Britanniques et le projet sioniste
et ses colons. Que ce soit dans les
manuels scolaires modifiés par
l’Autorité palestinienne, dans les
associations soumises aux ONGs
internationales, dans la presse et la
vie intellectuelle et culturelle soumise
à l’argent et au diktat politique des
puissances impérialistes, dans les
services sécuritaires entraînés par les
hommes de la CIA, tout concourt à
modifier la conscience du peuple
palestinien, à lui rendre normale et
même bénéfique la présence des colons et
de leur entité, en l’invitant à
l’admettre et à repousser toute idée de
résistance. Faire avec la présence des
colons et non lutter contre. Les
solutions proposées « deux Etats » ou
« un seul Etat » maintiennent la même
illusion, celle de pouvoir composer avec
une entité coloniale, telle quelle ou
modifiée, en faisant table rase de
l’histoire et de la géographie.
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