Palestine
Palestine
occupée : Akka n'est pas à vendre
Fadwa Nassar
Jeudi 9 janvier 2014
« Même s’ils boivent la mer, abattent
les murs ou s’emparent de l’air, je ne
vendrai pas Akka … » Ainsi commence la
chanson du groupe musical « Walla’it » (
« ça chauffe ! »), 100% de Akka, ville
côtière de la Palestine occupée en 1948.
« Akka n’est pas à vendre » est devenu
le slogan des Palestiniens demeurés dans
leur patrie occupée depuis 1948, en
opposition aux projets de judaïsation de
la Palestine occupée en 1948 :
modification des noms des villes et
villages, destruction du patrimoine
palestinien, dépossession des
Palestiniens de leurs terres et de leurs
biens, leur expulsion de leurs villes
appelées « villes mixtes », invasion de
ces villes par des colonies citadines
sous la forme d’écoles « talmudiques »
et leur encerclement par des colonies
agricoles sous la forme de « parcs
attractifs » et de forêts.
Le ministère sioniste du tourisme a
décidé de mettre aux enchères le
patrimoine historique de la ville de
Akka, notamment Khan al-Umdan, qui
appartient d’ailleurs aux Awqafs
musulmans palestiniens. Tout autour de
ce Khan, habitent plusieurs familles
palestiniennes, menacées d’expulsion
afin que le paysage soit entièrement
« juif » et que ce patrimoine arabe
palestinien puisse être vendu à un prix
intéressant pour l’occupant. Son but est
de transformer le Khan al-Umdan en
hôtel, après qu’il ait procédé à la
fermeture de 36 échoppes tenues par des
Palestiniens dans le quartier.
Akka, ville historique palestinienne,
refuse d’être judaïsée. Cette ville a
résisté aux invasions (notamment des
Européens croisés) et s’est défendue
contre Napoléon qui n’a pu l’occuper en
1799. A l’époque de Dhaher al-Omar,
gouverneur qui s’est révolté contre le
pouvoir ottoman et qui a élargi sa zone
jusqu’à Gaza au sud, en passant par
Haïfa, Akka devint une des villes
méditerranéennes les plus fréquentées
par les marchands. Des khans furent
construits pour accueillir ceux qui
venaient d’Europe ou des villes et
contrées musulmanes. Dans cette ville
arabe, les mosquées historiques (Mosquée
al-Jazzar, Mosquée al-Zaytouna, mosquée
Dhaher al-Omar) côtoient les églises
aussi historiques. Construit en 1784 par
Ahmad al-Jazzar, Khan al-Umdan est l’un
des sites les plus prestigieux de la
ville. En 2001, il fut mis sur la liste
du « patrimoine mondial » de l’UNESCO.
L’occupation sioniste ne menace pas
uniquement le patrimoine palestinien.
Elle vise également la population. Déjà
en 1948, lors de l’occupation de la
ville par les bandes sionistes, les
Palestiniens de la ville et des autres
villes qui s’y étaient réfugiés, furent
expulsés, une grande partie d’entre eux
obligés par les occupants Britanniques à
s’entasser sur des barques et à s’en
aller. Très peu de Palestiniens
originaires de la ville purent y
demeurer. Et la plupart des familles
palestiniennes qui y vivent à présent
sont originaires des villages détruits
par les colons sionistes. Elles furent
installées dans les maisons des
réfugiés, que les autorités coloniales
ont confisquées et placées sous la
tutelle de l’administration « des biens
des absents » (les réfugiés et les
déplacés, appelés « absents présents »).
De même, les biens et terres des
Awqafs musulmans, dont fait partie Khan
al-Umdan entre autres, furent placés
sous cette tutelle.
Depuis 1948, la population de Akka,
comme dans d’autres villes
palestiniennes, s’est développée et
étendue jusqu’aux nouveaux quartiers
construits par les autorités coloniales
pour les juifs, ces derniers préférant
se mouvoir vers les colonies
industrielles et commerciales situées
entre Haïfa et Akka. Après la révolte
palestinienne de 2000 (Intifada al-Aqsa
et soulèvement d’octobre), les autorités
coloniales décident de briser le courant
national palestinien qui s’est manifesté
au cours du soulèvement, en utilisant
tous les moyens politiques, juridiques
et sécuritaires qu’elles se sont
elles-mêmes instaurées depuis 1948 et en
renforçant la colonisation et la
judaïsation. Outre les lois racistes
votées par l’organe législatif des
colons (Knesset) visant à marginaliser
la présence palestinienne, la répression
a visé les mouvements politiques, les
associations nationales, les structures
culturelles et religieuses, et même les
membres palestiniens élus à la Knesset.
Les Palestiniens furent désormais
décrits comme étant une « menace
démographique » et les services
sécuritaires se chargèrent de les
surveiller, traquer et humilier. Leur
« citoyenneté » étant devenue suspecte,
il leur fut demandé de la prouver en
adhérant aux valeurs racistes du
sionisme, celles précisément qui ont
légitimé l’expulsion de leur peuple et
la destruction de leur patrie.
Les Palestiniens de Akka furent
encerclés par les vagues de colons et
par la politique d’apartheid menée par
les différentes administrations de
l’occupation. Les plans de
« développement » forgés par les
sionistes les ont non seulement ignorés,
mais ils en firent des victimes : les
quartiers où ils vivent, qu’ils soient
dans la vieille ville ou au-delà, sont
menacés de destruction, prétextant soit
le passage de chemins de fer ou autres
constructions, soit le « développement »
touristique. Les lois coloniales ayant
interdit aux Palestiniens de rénover les
maisons placées sous tutelle, l’Etat
attend tout simplement qu’elles tombent
en ruine pour s’en emparer et expulser
ceux qui y habitent depuis 1948.
C’est ainsi que l’Etat ou la société »
Amidar » et maintenant « la société de
développement de Akka », organes de
judaïsation, se sont emparés de
nombreuses maisons typiquement
palestiniennes pour en faire des lieux
attractifs pour les touristes : des
échoppes d’art, des hôtels et autres,
expulsant les Palestiniens hors de la
ville.
Mais depuis 2000, et notamment depuis
leur révolte en octobre 2008, les
Palestiniens de Akka refusent les
tentatives de judaïsation et leur
expulsion. Plusieurs comités de
quartiers se sont mis en place, et
lorsque le colon raciste Merzel avait
décidé de mener son incursion à Akka, en
2012, en compagnie de quelques députés
de la Knesset, pour briser l’élan
national de la population Akkaouie et
affirmer la « judéité » de la ville, ce
sont des quartiers entiers qui se sont
opposés à son entrée dans la ville. Il
n’a pu « faire son cinéma » qu’aux
abords des quartiers arabes.
Le 4 janvier dernier, une manifestation
s’est déroulée dans la ville,
rassemblant toutes les forces politiques
palestiniennes, à l’appel du comité de
suivi des masses arabes, pour s’opposer
à « la judaïsation et l’expulsion ». Le
communiqué du Haut comité rappelle que
ce nouveau projet (mise aux enchères de
Khan al-Umdan) s’ajoute aux anciens qui
visent à effacer l’histoire arabe
palestinienne de la ville. Cette
manifestation n’est que la première
action décidée d’ailleurs par les
comités des quartiers réunis à la
mosquée al-Jazzar une semaine
auparavant.
Au cours de la manifestation, les
Palestiniens de Akka ont affirmé qu’ils
resteront dans leurs maisons et qu’ils
s’opposeront à la judaïsation de leur
ville. « le but des autorités
« israéliennes » est de nous expulser,
mais nous demeurerons sur leurs corps et
nous ne quitterons ni nos maisons ni
notre ville » a déclaré l’un des
manifestants.
De Akka au Naqab, Les Palestiniens
vivant dans les territoires occupés en
48 se mobilisent. La jeunesse
palestinienne a décidé de se faire
entendre, au-delà des partis politiques,
jugés trop « mous ». Que ce soit dans le
Naqab ou dans al-Jalil, dont Akka reste
une des principales villes, les
autorités coloniales auront à affronter
une nouvelle génération décidée à
affirmer sa volonté de libération, et
qui ne craint ni les arrestations, ni la
répression. Là aussi, c’est le prix à
payer pour retrouver l’unité du peuple
palestinien et affirmer le choix de la
résistance, sans laquelle la patrie ne
pourra être libérée.
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