Palestine
Palestine occupée : La révolte des
colonisés
Fadwa Nassar
Lundi 7 juillet 2014
Pendant plusieurs années, des
intellectuels et militants palestiniens
ont dénoncé une « occupation cinq
étoiles » pour décrire la situation
confortable de l’entité coloniale
vis-à-vis d’une population devenue
amorphe à force d’avoir été injectée
d’aides internationales, d’ONGs et de
littérature pacifiste. Pendant plusieurs
années, l’entité coloniale, soutenue et
aidée par les puissances impérialistes
dans le monde et disculpée par avance
par l’ONU et ses organismes, a poursuivi
ses crimes de toutes sortes :
colonisation, bombardements, meurtres,
arrestations et tortures, déportation,
assurée que l’Autorité Palestinienne
installée à Ramallah et ses forces
sécuritaires feraient leur devoir de la
protéger en matant toute révolte ou même
en détruisant toute volonté de résister
et en détournant le peuple palestinien
vers des « solutions » illusoires : se
plaindre devant les instances de l’ONU,
intégrer la « communauté
internationale » en tant qu’entité
étatique dépourvue de toute souveraineté
sur à peine 15% de la terre
palestinienne. Pendant des années, la
seule « révolte » des colonisés acceptée
par tous, communauté internationale ou
Autorité palestinienne ou médias à leur
solde et divers comités de
« solidarité » dans le monde, est celle
d’une poignée d’activistes de « droits
de l’homme » formatés par les organismes
internationaux qui posent devant les
caméras avant de se lancer dans
l’action : manifestations en compagnie
de pacifistes « internationaux » et
« israéliens » pour protester contre le
« mur » , coups d’éclat médiatisés ici
et là, appelés « résistance populaire ».
C’est l’image que veulent donner ceux
qui s’évertuent à pacifier un peuple
meurtri depuis plus d’un siècle et qui
refuse, avec obstination et abnégation,
à baisser les bras, la tête et la voix.
Pendant des années, les intellectuels et
activistes formatés par les valeurs
« occidentales » et onusiennes, ont
voulu détourner le peuple palestinien du
modèle « algérien », pourtant le plus
proche de son état de peuple colonisé,
pour mettre en avant une similitude avec
la lutte, sciemment tronquée et
détournée par la communauté
internationale, du peuple sud-africain.
L’apartheid serait l’ennemi et non la
colonisation d’un pays par des colons
venus d’ailleurs et l’expulsion de son
peuple, la dénonciation des pratiques de
l’occupation devant les instances
internationales et l’isolement
progressif de l’entité sioniste seraient
la voie vers la libération et non la
lutte armée et les révoltes populaires
ainsi que la participation arabe à
l’effort de guerre de libération. Le
« mur » appelé de l’apartheid serait la
cible, non parce qu’il est une des
émanations physiques de l’entité
coloniale, mais parce qu’il a été jugé
illégal par une haute instance de l’ONU,
alors que les routes et forêts
coloniales, les bâtiments publics et les
installations électriques de l’entité
coloniale, que les révoltés maqdisis de
She’fat ont pris pour cible ces
jours-ci, seraient des « biens publics »
légaux. Les colonies Nitsirit Illit
(installée sur les terres d’an-Nasra
dans al-Jalil) et Maalot et Sderot
seraient légales parce que l’ONU en a
ainsi décidé et les millions de réfugiés
devraient attendre sagement que l’ONU
mais aussi l’entité coloniale,
autorisent leur retour au compte-goutte
sur leurs terres et leur pays, afin de
ne pas déstabiliser l’ordre impérial de
la terreur.
C’est à tout cela qu’ils veulent nous
soumettre, depuis des années. Ils
veulent que notre regard sur notre pays
occupé et colonisé soit identique à
celui porté par l’ONU et la communauté
internationale. Nous devons être nous
aussi des « internationaux », que nous
vivions dans l’exil ou dans notre pays
colonisé et occupé. Ils veulent, comme
le fait actuellement le président de
l’Autorité palestinienne qui a dépêché
des envoyés dans les familles d’al-Quds,
leur demandant de pacifier leurs jeunes,
nous faire croire que la révolte
signifie la pagaille, que la résistance
signifie la destruction et non la
libération, que la violence entraîne la
violence (quand est-ce que celle de
l’occupant colonial s’est d’ailleurs
arrêtée ?) et que les constructions et
institutions de l’occupation sont des
« biens publics légaux ». Ils veulent
nous faire admettre que la lutte contre
le tram colonial qui traverse She’fat
passe par les instances internationales
(pétitions et marches pacifiques à
Genève) et non par sa destruction ou son
démantèlement, et les intellectuels
« voix de leurs maîtres » se plaisent à
dispenser à présent des leçons de
« citoyenneté » aux jeunes révoltés pour
diffuser le venin de la soumission à
l’ordre colonial.
Des années d’effort de pacification, par
le biais de l’argent, des postes, des
bourses d’étude et des voyages en Europe
ou aux Etats-Unis, ou par le biais de la
terreur et des arrestations, n’ont
réussi ni à cacher la nature criminelle
de la colonisation sioniste de la
Palestine, ni à étouffer la volonté
historiquement ancrée de la jeunesse
palestinienne. Des millions de dollars
et d’euros déversés pour pacifier les
jeunes (et les femmes) et les détourner
de la révolte n’ont pas empêché des
milliers de jeunes à rejoindre les rangs
de la résistance armée (les résistants
ont en majorité moins de 30 ans) ni à
remplir les prisons de l’occupation
coloniale, ni à se précipiter par
dizaines de milliers vers la Palestine
occupée le 15 mai 2011 lors de la marche
pour le retour, brisant les frontières
matérielles et psychologiques dans
lesquelles se complaît l’entité
coloniale sioniste.
Les jeunes d’al-Khalil, d’al-Quds
(presque tous ses quartiers), d’an-Nasra,
de Umm al-Fahm, de Wadi ‘Ara, de Haïfa,
d’al-Naqab sont en révolte et les jeunes
de Gaza lancent les fusées sur les
colonies considérées légales par l’ONU.
Déjà, des voix prétendûment raisonnables
commencent à appeler au calme, hochent
la tête pour signifier qu’elles
comprennent les révoltés et les
résistants, grimacent devant les caméras
pour témoigner de leur «douleur
profonde » en promettant de porter
plainte devant les instances de l’ONU.
Ces voix sont la plaie de la Palestine.
Par contre, celles des jeunes résistants
et révoltés crient : « Nous voulons
libérer la Palestine. Dehors les
colons ! ». S’émanciper de toutes les
légalités internationales et de toutes
les illusions et promesses et lever le
flambeau de la lutte de libération,
c’est ce à quoi tend la jeunesse
palestinienne.
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